vendredi 11 août 2017

Naked State : Jour 10 + 11

Quelques images de Bare Oaks.

Un début de pratique vu par Cyn

Pratique à l'orée d'une lisière de bois

Mon spot de travail dans « the Outback » devant la fontaine

Un des chemins de Bare Oaks, maisons mobiles à l'horizon

Suite du chemin de Bare Oaks

« The Outback »

Derrière « the Outback », là où il y avait tant de grenouilles


Autre chemin de Bare Oaks, roulottes en vue
Symboles de toilette non genrés, bravo!


Douches extérieures, quand on a envie de se laver au soleil

Ma prestation dans le sentier filmé par Jacob

Prestation finale de 60 minutes devant public,
quelques minutes après le début


jeudi 3 août 2017

Naked State : Jour 10 + 2

Train du retour.

Des gens habitent une ville nommée Oshawa.

Je suis parti à 7 h 30, frénésie Union Station
Je suis arrivé à 23 h 45.

Nous sommes le lendemain de cette arrivée déjà.

dimanche 30 juillet 2017

Naked State : Jour 9

Seul à « the Outback » ce midi.
Porte fermée, rideaux fermés.
La chaleur suffocante traverse l'ombre.

Dernière journée de résidence.
Ma prestation solo aura lieu de 14 h à 15 h.
Je serai au centre d'un cercle de gens qui se donnent des massages.
Euhhhh ok. Cool.



La chaleur et le soleil sont épeurants.




Hier, Jour 8, je suis retourné à l'épinette bleue.
Boucler la boucle.

Il s'agit de la session dont je suis le plus satisfait.

Un paramètre, multiforme : Je n'exprime que le vent qui module l'amplitude du son, la direction du vent détermine la hauteur de note, un vent de dos prédominant m'inspire la trille la-sib (à peu près) sur la corde de sol, un vent de face m'inspire du suraigu sur la corde de ré et le vent qui change de position fait glisser les doigts le long des cordes avec croisements, pas de vent pas de son.






Mise-à-jour : J'ai donné un concert de feu.
Photos de Cyn.





Naked State : Jours 7, 8

(écrit le 29 juillet, Jour 8)

La résidence tire à sa fin. Une des artistes, Dee, devait quitter ce matin. Nous ne sommes plus que 10 artistes en résidence pour les deux derniers jours : Cyn et Katie avec qui je viens de déjeuner, Sidi qui s'est joint à nous, Jacob et Júlia rencontrés sur le chemin du retour à « the Outback », Bellavia et Eugenia qui étaient déjà ici ce matin, Maddie et Jamie qui doivent encore dormir.

Et moi. Marie Uguay dit : « J'en ai connu qui souffraient à perdre haleine / n'en finissent plus de mourir / en écoutant la voix d'un violon ou celle d'un corbeau / ou celle des érables en avril ».

La fontaine et l'étang n'en finissent plus
L'épinette bleue, les heures du soir et du matin
n'en finissent plus

Comme chaque fois que je pars, je n'ai pas envie de revenir. Pas plus que j'ai envie de rester. La nature -- défigurée -- de Bare Oaks m'aura bien servi, transpercé au-delà des moustiques.

Hier, Jour 7. Le stationnement de Bare Oaks s'est soudainement rempli. « Body Fest » arrive en ville. Les résidents en parlent depuis des jours; ils en parleront jusqu'à l'année prochaine. Quelques nouveaux visages, une trampoline, un kit de son extérieur, le pire drum circle que j'ai jamais entendu, le chargement de losers venus à Body Fest m'inspire peu. Je suis peut-être un peu raide.

Je fais une présentation vidéo aujourd'hui, Jour 8, puis un concert d'une heure demain.

Hier, Jour 7. Nous avons pris le temps de discuter du travail de chacun. Ç'a duré toute la journée. J'ai présenté une perf hybride contact impro avec le violoncelle, pose d'atelier de dessin, tondeuse en fa#, quelques cris d'oiseaux. Le feedback des autres est nourrissant. Pertinent. Quelques photos à analyser plus tard.

J'ai mis de la calamine sur mes piqûres de moustique. Le look « Prélude à l'après-midi d'un faune » (Nijinski), version pastel. À refaire.

De surcharger l'absence     la distance
Nous retournons aux conifères



jeudi 27 juillet 2017

Naked State : Jour 6

Mon ordi surchauffe. Les derniers enregistrements que j’ai traités datent d’avant-hier. J’ai fait des vidéos pour les partager. Commencé et recommencé la création du fichier de la deuxième session dont je parlais hier, celle d'une heure et demie de musique. Ça ne veut pas fonctionner… iMovie… ça me dépasse. Je n’y touche plus. Il reste 21 h 30 min à la conversion avant de pouvoir uploader ça. Hmmm.

J’ai fait une longue pratique plus technique ce matin à « the Outback ». Gammes, arpèges, coups d’archet. Puis une véritable pratique de l’extérieur après le dîner.

La résidence de création fonctionne. Je trouve tous les jours de nouveaux sons, de nouvelles idées. Aujourd’hui, gros travail de sweep harmonics avec les oiseaux. Jeux de lumière et de vent. Intervalles : quinte juste, sixte majeure, septième majeure, neuvième mineure. Les modulations du vent se captent facilement sur la peau. Les notes seules me semblent maladroites. Piqûres de moustiques partout. Coup de soleil intégral.

Plutôt qu'une longue session très concentré, j'ai réussi une encore plus longue session en laissant ma concentration tomber à l'occasion . En imaginant les sons plutôt qu'en les jouant tout de suite. J'essaie des choses.

Première session de mouvement avec le violoncelle. Very carefully. Debout, assis, plié, j’ai passé l’étape où il me restait une petite gêne à m’écarter en public, du moins ici. Contact improvisation avec le violoncelle, c’est dangereux, demandant. Présenter ça aux autres demain. Leur avis?


C'était une bonne journée.

À « the Outback », 22 h 01. Jacob travaille sur ses photos du jour; Dee et Maddie viennent de partir se coucher; Teresa est partie au hot tub; Bellavia est penchée sur son travail; Júlia fait ses aquarelles; Cyn et Katie font un snack de carottes et concombres; Sidi poursuit sa peinture; moi, j’attends que mon fichier se crée. Plus que 15 h 59 min. On jase. Le mix d’âges est vraiment super, début vingtaine à fin soixantaine.

Corona, blue cheese, carrots, concombre, crackers, plus que 14 h 55 min. 14 h 35 min. 13 h 21 min. 11 h 56 min. 11 h 35 min. 11 h 11 min.

mercredi 26 juillet 2017

Naked State : Jours 3, 4, 5

Matin du Jour 5. Je fais des toasts dorées pour tout le monde.

J’ai rêvé que j’habitais avec un coloc et que je me rendais compte, au bout d’un an, qu’une des portes de notre appartement donnait sur une pièce énorme, plus grande que tout le reste. Je me souvenais d’avoir vu cette grande pièce en visitant et me demandais comment j’avais pu l’oublier pendant si longtemps. Des amis venaient célébrer.

Je fais des toasts dorées pour tout le monde mais on n’a qu’un rond de poêle de camping qui ne chauffe pas bien. Je finis la cuisson au four grille-pain. Étranges conditions de cuisine à « the Clubhouse », bâtiment principal de Bare Oaks. Comptoir d’accueil, dépanneur, laveuses-sécheuses, « Bare Bistro » intérieur et terrasse, douches, piscine creusée, bain tourbillon, deux saunas secs — qui pourraient être plus chauds — , deux tables de billard, salle de musculation, …

J’ai rêvé que je mourrais suite à l’attaque des extra-terrestres. J’étais avec des membres de la famille. Condo moderne dans une grande ville, genre Toronto. Je voyais au loin un scintillement dans le ciel bleu. Grappe de grands disques de lumière blanche intermittente et transparente. J’invitais tout le monde à admirer ça sur la terrasse. D’autres grappes de paillettes s’ajoutaient jusqu’à ce que le ciel en soit rempli. Réfléchissements immatériels qui enlevaient au paysage sa profondeur. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus que ça. Et que je me rende compte que j'étais enseveli jusqu’au cou. Enterré vivant dans un sable mouvant de paillettes.

Après les toasts dorées je vais un lavage à 3$. « Même les naturistes doivent faire leur lavage de temps en temps. », nous avait-on dit. Je m’installe au Bistro pour écrire en attendant. C’était mon plan du matin.

J’écris que j’écris, brisant une de mes règles d’art personnelles : ne pas écrire qu’on écrit, chanter qu’on chante, faire un film où les personnages font un film, faire du théâtre sur des gens qui font du théâtre.

J'écris que j'écris, première prise.

Jour 3


Après un matin à déjeuner aux barres Cliff avec un peu de gestion des déjeuners, je n’ai pas été très productif le Jour 3. Il mouillassait, rien de bien inspirant pour le violoncelle, surtout après avoir constaté l’effet des gouttelettes d’eau sur le vernis lors de ma session du Jour 1. J’ai donc écrit une bonne partie du Jour 3, attendu que mon ordinateur traite l’enregistrement du Jour 2, uploadé le tout lentement avec les données de mon cell. J’ai fini juste à temps pour 20 h, présentation sur le naturisme.

Parenthèse au présent. 
Jour 5 au Bistro, en avant-midi. J’ai mis mes écouteurs pour ne pas être dérangé — tout le monde ici a vraiment envie de faire du small talk, j’en prends une pause — mais je n’écoute rien. À la radio : « I ain’t no hollaback girl, I ain’t no hollaback girl », on ne s’en sort pas. Bare Oaks est loin d’être une communauté alternative qui rejetterait le mainstream.

Parenthèse sur les pénis et les seins. 
Je vois toutes sortes de pénis et de seins ici. En particulier, il y a une majorité de très petits pénis, le genre de pénis qu’on ne voit jamais, même pas dans les livres d’anatomie, mais qui doivent être très communs à en juger par l’échantillonnage constaté ici, d’une longueur d’environ moins d’un pouce — au repos bien sûr, je ne suis pas près de voir une érection dans cet environnement hyper-désexualisé — , qui semble rentrer par en dedans, dépassant à peine l’épaisseur des testicules en dessous. 
Pour ce qui est des seins, il y a une majorité de gros seins tombants, bien séparés et dont les mamelons sont parfois couleur peau — finalement Bare Oaks est en très forte majorité peuplé de blancs — , parfois plus rosés, parfois petits, parfois plus larges. Encore une fois, des formes de seins qu’on ne voit nulle part. 
Les médias nous mentent. Images idéalisées projetées dans l’espace public.
La science nous ment. Images standardisées décuplant le médiatique.
La société nous ment. Images cachées, devinées, mythifiées.
Peu savent de quoi le corps humain a l’air dans sa diversité.
Une partie de sa diversité. 
23 août 2016, Berlin. « C'est une sacrée leçon d'anatomie humaine que de voir tous ces corps, majoritairement des hommes un peu plus vieux, majoritairement des corps très imparfaits qu'on ne voit jamais nulle part mais qui, finalement, sont partout, sous les vêtements, bien plus que les corps de modèles. »

Présentation sur le naturisme


Le Jour 3 s’est donc terminé par une présentation de Stéphane Deschênes, propriétaire de Bare Oaks. Il enseigne le cours « Public Nudity : History, Law and Science » au département de sociologie de l’Université de Toronto. J’ai pris des notes.

Introduction


Dans le kit envoyé par la NASA aux extra-terrestres dans les années ’70, il y a un dessin de deux humains nus. Il semble qu’il y ait eu tout un débat à l’époque, résultant en ou résultat de l’absence de crack de vagin sur le personnage « femme ». Les deux humains étaient supposé avoir des traits de toutes les nationalités mais ont fini par avoir des traits typiquement américains. Typiquement américain.

Anthropologie de la nudité


Si on croit à l’évolution du singe à l’humain, on peut se demander à quel moment l’humain perd sa fourrure (pour la plupart). C’est une question qui intéresse de nombreux scientifiques (semble-t-il). Ça se serait passé il y a 3 millions d’années alors que l’apparition des vêtements ne daterait que d’il y a maximum 100 000 ans (des recherches sur l’ADN des parasites de vêtements le prouvent). Le corps humain aurait graduellement perdu ses poils parce qu’il se tient debout (les cheveux restent pour protéger la tête et les épaules, si on ne les coupe pas), parce qu’il est actif (à l’époque) et parce qu’il sue (ce serait la raison principale). Paraîtrait qu’on a le meilleur système de refroidissement corporel de tout le règne animal (ce qui explique aussi qu’on a le plus gros cerveau, bien au frais dans sa boîte crânienne). La conclusion de l’exposé anthropologique est qu’on peut être fier de notre corps et qu’il n’y a rien de « primitif » à se promener nu. En tout cas.

Histoire du naturisme


Ou plutôt, « Histoire récente du naturisme en occident » [NDLR]. Ça commence évidemment en Allemagne. Heinrich Pudor et Richard Ungewitter publient entre 1893 et 1906 des livres qui font la promotion de la nudité occasionnelle, au soleil, dans un contexte de saine habitude corporelle. Les personnes qui survivent à la tuberculose, entre autres, sont celles qui ont le luxe d’être amenées nues au soleil quotidiennement. Paul Zimmermann ouvre le premier endroit consacré à cette culture du corps libre au soleil, le Freilichtpark en 1903. Aujourd’hui encore, on identifie en Allemagne le nudisme et le naturisme par le terme Freikörperkultur (FKK),  dont j’ai déjà parlé (première mention le 23 juin 2008, quelques paragraphes le 14 mai 2016).

La France prend ensuite le relais avec les docteurs Durville qui introduisent le terme « naturisme », toujours dans l’optique de la santé. Marcel Kienné de Mongeot parle quant à lui de « gymnité » (du grec « gymnos », nu) et de libre culture. C’est enfin Albert et Christiane Lecocq qui ouvrent plusieurs centres naturistes. Il semble que, grâce à l’océan et la température, la France soit aujourd’hui là où ça se passe pour le tourisme de naturisme.

En Amérique du nord, Maurice Parmelee revient aux États-Unis après avoir découvert le FKK en Allemagne. Il publie « The New Gymnosophy » en 1927. Le livre est réédité sous le nom « Nudism In Modern Life », coup de marketing intéressant, introduisant la gymnosophie (philosophie de la nudité?) puis le terme « nudisme ».

Ce serait donc pourquoi on a les termes « naturisme » et « nudisme », le premier hérité de la France, le deuxième d’un coup de pub so American.

Niveaux de naturisme


Stéphane Deschênes distingue plusieurs niveaux d’implication naturiste. Les « textiles » ne pratiquent pas le naturisme du tout; les « naturistes récréatifs » pratiquent le naturisme à l’occasion, en vacances, comme alternative pratique au costume de bain; les « naturistes éthiques » font du naturisme une philosophie de vie, s’identifient comme naturistes même lorsqu’ils doivent porter des vêtements — c’est le cas de Stéphane, on se demande s’il donne toujours son cours nu [mise-à-jour alors que je transcris ceci à 19 h 30, non, il n’enseigne pas nu à l’Université de Toronto] — , trouvent un sens à la nudité comme signe de respect et d’authenticité, croient aux bénéfices du naturisme pour la santé corporelle et comme façon d’améliorer la société; les « extrémistes » pratiquent le naturisme sans compromis, on nous dit qu’ils viennent ici faire de la raquette et du patin nus tout l’hiver.

Conclusion


La présentation s’est terminée avec les raisons pour lesquelles Bare Oaks impose la nudité à ses membres et ses visiteurs — n’est pas clothing-optional — et le futur du naturisme comme expérience humaine d’authenticité.

Discussion


Je conserve une vision positive du naturisme tout en constatant les failles de plusieurs de ses justifications. J’aurais voulu que les naturistes soient des radicaux, des gens pour qui le désir de connecter avec la nature — élément présent dans toutes les définitions du naturisme — , pour qui la vision d’une société plus inclusive ouverte et harmonieuse sont si forts qu’ils choisissent de se créer une microsociété parallèle, un endroit qui repense fondamentalement la façon d’interagir avec la nature, qui repense le concept même de nature, bien au-delà de la nudité.

L’environnementalisme à Bare Oaks est présent mais limité. On recycle, on se ramasse, on utilise des produits écolo comme partout. Par contre on arrose encore le gazon quand il pleut, on taille le gazon (très vert) très proprement, même dans le « sentier » derrière le site, il y a des toilettes chimiques en plus des toilettes régulières, des chaises de patio et un paquet d’équipements en plastique, la fontaine du lac artificiel fonctionne 24 h sur 24, il y a des machines à café Keurig avec les petites recharges de plastique individuelles, etc. C’est la vie de banlieue la plus décomplexée.

Le corps nu est peut-être une porte, une façon de se placer en marge et se réinventer. Le corps nu est peut-être un filtre aux gens trop fermés d’esprit. Mais le problème du respect de la nature, le concept même de connexion avec la nature, est loin d’être attaqué par la racine.

La question de l’authenticité m’intéresse. Quand est-ce que je suis vraiment authentique dans ce que je crée, dans ma façon de me présenter? Peut-on être vraiment authentique? Pour les naturistes, le fait d’être nu représente une voie sinon une garantie d’authenticité. Selon eux, nu on ne peut pas cacher notre identité véritable sous les vêtements ou derrière l’ordinateur; on ne peut plus distinguer l’avocat du sans-abri lorsqu'ils sont nus.

Même en faisant attention de ne pas mêler cause et conséquence, je n’achète pas l’argument. D’une part, il y a moyen d’être soi-même avec des vêtements — la moustache énorme de Stéphane Deschênes n’est-elle pas elle-même un vêtement? Dans le sens d’une parure que l’on ne porte pas pour survivre au climat nordique mais pour exprimer une partie de qui on est. — , d’autre part on peut très bien mentir à tous vents en nudité corporelle complète.

Admettons que les vêtements servent vraiment à cacher quelque chose, quelque chose que l’on ne peut plus cacher sans eux — c’est un argument qui semble évident pour plusieurs ici — , alors, outre le corps lui-même, qu’est-ce que ce « quelque chose » que l’on cacherair? Je n’arrive à trouver aucun exemple satisfaisant.

Jour 4


Après-midi du Jour 5. À « the Outback », notre studio d’artistes. Sidi réfléchit, assis devant sa longue peinture; Jamie la danseuse fait brûler une feuille d’arbre dehors; Dee est à la machine à coudre, Maddie à l’ordinateur; Júlia continue sa collection de petites aquarelles; Cyn discute avec un des anciens de Bare Oaks, car elle tient à connaître la personne dont elle fera la sculpture plus tard; et moi j’écris depuis que je suis levé.

J’écris que j’écris, deuxième prise.

Café de la Keurig, le temps semble figé, les nuages un haut cercueil clair et immobile.
J’enlève mon pantalon sans y penser.

Plus de deux heures et demi de musique à écouter, enregistrée hier, Jour 4.

Matin du Jour 4.
Échauffement Gaga sur le bord du lac.
Crème solaire pour la première fois depuis longtemps. Ark la texture.
Chasse-moustiques pour la première fois depuis encore plus longtemps.
La moitié de la petite bouteille.

Jouer dans la « forêt ». Jouer la forêt. Être l’extérieur.
À la croisée de chemins, triangle d’herbe où poussent quelques fleurs mauve.

Quelques gammes pour commencer.

Première session, 53 min.

Trois paramètres : j’exprime la lumière par la hauteur de note, le vent par l’intensité du jeu, le soleil occasionnel sur ma peau par le vibrato.



Deuxième session, 95 min.

Deux paramètres : J’exprime encore le vent par l’intensité du jeu — et je me permet de tricher beaucoup — , j’interagis avec les oiseaux. Vers la fin, j’explore différentes façons de bouger, de me déplacer avec le violoncelle en jouant.
Note : J’ai accordé la corde grave beaucoup plus bas qu’à l’habitude. Sol. C’est la première fois que je fais ça. Inspiration de la nature?



Troisième session, 9 min.

Aucun paramètre : Présentation à 5:05 PM. Performer l’intérieur. Faire confiance à l’intégration du processus. Société de juges à petite échelle, vous m’avez encore et je n'uploade pas le vidéo.


Jour 5


En ce Jour 4, j’ai donc joué l’extérieur en partant du principe — et c’est en travaillant sur ce texte que je m’en rends compte — que pour entendre l’influence complète de l’extérieur, il faut bien qu’il y ait quelque chose à influencer. Autrement dit, je place un son que je tiens puis je laisse l’extérieur agir dessus. Dans la deuxième session, par exemple, j’installe une note grave, que je tiens pendant une heure et demi, et en fait varier l’intensité avec les poussées du vent. L’approche de la première session me semble plus proche de ce que je veux accomplir : c’est la brillance de la lumière qui m’indique la hauteur de note sur laquelle les poussées de vent agiront. Le choix de jouer un intervalle plutôt qu’une note seule, et le choix de cet intervalle sont toutefois arbitraires.

Mes réponses aux stimuli de l’extérieur sont déjà plus rapides qu’au Jour 2.
Je souhaite précisément me retirer complètement du processus créatif.
Laisser l’extérieur décider de tous les paramètres.
Remplacer l’intérieur par l’extérieur.

Puis revenir.

Aujourd'hui, Jour 5, j'ai écrit toute la journée. Puis j'ai transcrit. Il est 20 h 45 [mise-à-jour, je finis de me relire et corriger à 23 h, à « the Outback ». J'ai nagé dans le lac sous la pluie à 21 h].
Faire des fichiers vidéo avec les enregistrements. Convertir, uploader. Go.

J'écris que j'ai écrit. Troisième prise you're out.



lundi 24 juillet 2017

Naked State : Jour 2

Déjà l'avant-midi du Jour 3. Ce matin, j'ai usé d'un peu de leadership pour la gestion des déjeuners. 4 x 12 oeufs, 4 sacs de pain,  lait, beurre de peanut, jus d'orange, demandes spéciales de chacune et chacun, l'autre qui part en char avec la liste. La vie en résidence a ses instants d'organisation, dont je veux bien prendre en charge la partie qui me donnera du matériel à toasts dorées.

L'ambiance à l'atelier, « the Outback »
Je suis à « the Outback », un des deux espaces qui nous sont alloués spécifiquement aux artistes en résidence. Cyn est assise avec son bloc d’argile; Sidi vient de terminer une partie de sa peinture et écoute Cyn monologuer; Dee travaille sur ses vulves en tissus; Katie la photo-journaliste et Maddie celle qui travaille en duo avec une artiste en Australie ont l’air de chiller chacune sur un fauteuil; un brave naturiste nage; Jacob travaille sur ses photos; Eugenia gosse un petit dessin. Il fait assez froid, tout le monde est habillé en mou on dirait un party pyjama. Je viens de parler à CBC Montreal en direct à la radio. Mon 15 minutes d’intérêt médiatique est maintenant terminé. Je viens de finir une écoute attentive de l’enregistrement de 60 minutes réalisé hier soir tard avec les grenouilles et le fond de conversations de feu de camp.



Jour 2

L’artiste en art performance David Frankovich, basé.e à Toronto et à Helsinki, est venu.e nous donner un atelier d’art performance. Premier exercice : se coucher par terre dans le gazon froid et mouillé, nonnnnn. Ok. Ç’a marché. Ensuite : marcher avec un regard fixe devant, vision périphérique, regarder quelqu’un dans les yeux, regarder à travers la personne, regarder le reste de son corps, prendre ses mains, avant-bras, intégrer un accessoire, un deuxième, construire une installation avec tous les accessoires et des branches. Nice. J’ai discuté performance et perspective queer avec David plus tard.

L’artiste en création théâtrale, performance et stand-up Thea Fitz-James, basée en Saskatchewan, est venue nous partager son expérience via FaceTime. Il y a deux ans, elle a présenté, nue, un solo qui a eu une certaine couverture médiatique. Elle y mélange art performance, humour, cours magistral, interaction avec le public, dans une lecture critique du corps féminin objectifié, approprié et réapproprié. Assez cool, elle est vraiment smatte.

L’altiste [ajouter son nom ici, oups, Matthiew?], basé à Toronto et que j’ai croisé à McGill — on s’est reconnu sans trop se reconnaître — au cours de mes études, est venu jouer « en concert » pour les résidents de Bare Oaks. Il fait ça 3-4 fois chaque été. Je me suis installé dans le gazon pour l’écouter. J'ai dansé. Pendant une heure et demi. L’expérience était vraiment bonne, une autre attitude « from the outside in ». Je sentais depuis le matin que j’avais besoin de me huiler les articulations, voilà qui est fait. Aujourd’hui j’ai mal aux mollets.

Après quelques longueurs dans la piscine — chlorée à l’eau salée, yes — j’ai soupé. On mange assez bien jusqu’à date. J'ai chillé avec Jacob et Sidi. J'ai fait du thé pour Júlia, Sidi, David, Jacob, moi — il y a des choses qui ne changent pas.

Puis la musique avec les grenouilles. L'enregistrement de 60 minutes ressemble à mon approche habituelle de jeu d'ensemble, les humains sont remplacés par les sons de la nuit. Imitation. Contraste. Interaction. Take over. Moments où ça cherche. Ce n'est pas mon meilleur 60 minutes en carrière. Pertinent de le garder et l'analyser. J'ai trouvé des nouvelles techniques d'archet, idées de sons.

Guide d’écoute (vidéo quelques paragraphes plus haut) :

Critial listening : « il y a toujours trop »

Je poursuis mes expérimentations au violoncelle ce soir.



samedi 22 juillet 2017

Naked State : Jour 1

J’ai regardé un arbre pendant une demi-heure. Un sapin. Une épinette bleue? J’ai vu ton visage. Le ciel était neutre, gris. Tout est devenu bleu. La cime de l’arbre, contre-jour aveuglant.

J’ai plongé dans le sapin, sa géographie particulière. Épines, pointues. Symétriquement disposées. Enchevêtrement des branches. Leur disposition suit un dessin général cohérent, avec mille variations singulières. Points d’attache points de rupture. Épines, toucher les épines. La douleur symétrique, particulière. Une essence.

Puis j’ai voulu jouer mais je n’étais pas réchauffé. L’archet n’agrippait pas aux cordes. Il a fallu recommencer.

Aucun vent. Une brise imperceptible à l’occasion. S’enroule aux chevilles.
Aucun soleil. Un épaississement chaud de l’air à l’occasion. Alourdit les épaules.
Gouttes de pluie. Et le sol qui reste sol sous les ploiements du gazon.

Je me suis laissé piquer par les moustiques. Qu’elles se nourrissent. Un moustique ne pique pas tout de suite. Il se promène, cherche son spot. Puis il pique, on le sent précisément. Puis c’est fini.



Jouer l’extérieur, lorsque rien ne bouge, n’est pas valorisant. J’ai tenté une première session ce matin dont voici l’extrait. Le temps était platte donc la musique est platte. C’est ce qui est difficile et que j’ai réussi peut-être, pour cette première : ne pas tricher. Ne pas essayer de rendre la musique intéressante. Pour l’instant. Faire confiance à l’apprentissage.

Ne pas succomber à l’attrait du développement narratif, téléologie du suspense.
Ne pas sculpter, échafauder le temps.

Les questions de traduction et d’assignation arrivent assez vite. Guide d’écoute : la fontaine au loin. Si l’arbre et sa posture m’inspirent un intervalle tenu [0 min 14 s], les gouttes d’eau une harmonique [0 min 24 s], la visite d’un maringouin un grincement [0 min 43 s], le changement solaire une variation d’intensité [3 min 03 s], le vent un vibrato [3 min 42 s], comment jouer tout ça en même temps? Si mon attention est portée vers la texture du sol, que je traduis par des sub-tones sur la grosse corde [14 min 25 s], mais qu’un moustique se met à m’énerver [15 min 19 s], comment continuer à intégrer la texture du sol à la micro-agression de la piqûre?

Aussi, comment raccourcir le délai entre sensation et action? Par exemple, je reçois une goutte d’eau, je me rends compte que je reçois une goutte d’eau, je me rappelle que j’ai un son pour ça, j’intègre le son à tout le reste. Le processus est beaucoup trop long; il faut que le son réponde instantanément au stimuli.

Enfin, il me faut réviser ma perception du temps qui passe. J’avais l’impression d’avoir joué une demi-heure mais l’enregistrement ne dure que 17 minutes.

Une clarification. Mon projet est de jouer l’extérieur. En discutant avec Teresa Ascencao, l’artiste-ressource ici, je me suis rendu compte qu’il était important de préciser que « l’extérieur » que je veux jouer n’est pas sonore. Les inspirations sonores à Bare Oaks sont multiples : par exemple, concert de grenouilles hier soir, rythmes et effets stéréo auxquels j’aurais pu participer. Il y a aussi un perroquet dans un des campeurs, qu’en entend très bien et qui fait plein de sons intéressants. Je prévois prendre un moment d’exploration avec tout ça mais mon objectif est autre.

L’extérieur que je veux jouer se définit et se décompose en lumière, air, texture.
Ne pas répondre aux sons, m’ajouter aux sons.

L’expérience sociale de Bare Oaks se poursuit. En 24 h, j’ai déjà appris plusieurs nouveaux noms. Jacob Love, un photographe de Londres, Angleterre — on précise car London, Ontario n’est pas loin — est vraiment smatte. J’avais commandé une de ses oeuvres avant de partir, je suis content qu’il ne soit pas une personne désagréable. Eugenia vient du Brésil et parle à peine anglais. Aujourd’hui, elle fait des petits traits de crayon sur ses jambes, puis sur le bras et le dos de Stony, qui habite à Bare Oaks depuis 17 ans à l’année longue. Sidi Chen, originaire de Chine et basé en Colombie-Britannique, fait de la peinture un peu plus classique, figurative. Il est vraiment drôle et gêné, contribuant au stéréotype malgré lui. Kim, ma préférée, s’occupe du bistro de Bare Oaks. Elle doit avoir dans la cinquantaine, cheveux courts blonds, m’appelle « love » comme Chez Jacqueline. On s’est connu dans la section fumeur.

L’expérience de Bare Oaks c’est aussi, pour la première fois aujourd’hui, pendant un instant, oublier la nudité, ne plus sentir sa présence.

Pour plus tard : une réflexion sur les paradoxes du naturisme. Ces gens disent vivre nu pour se rapprocher de la nature, ok. Mais la nature ici est transformée, banlieusardisée au possible, avec ses aires parfaitement gazonnées bien délimitées, ses chemins entretenus, ses fontaines dans les deux surfaces d’eau principales, ses mangeurs de burgers, ses buveurs de bière. Pourquoi ne pas juste dire qu'ils ont envie d'être à poil, comme ça sans fausse justification?



vendredi 21 juillet 2017

Naked State : Jour 0

Je suis sur la petite terrasse de ma « cozy cabin » à Bare Oaks. Des lits superposés, ce n'est pas le gros luxe mais c'est très propre. Il fait frais, je suis en jogging de la tête au pieds, sous une lumière un peu jaune beige. Les papillons de nuit passent.

La journée a commencé avec les médias qui se sont intéressés à mon cas. Ç'a été un peu stressant, deux-trois gars qui m'ajoutent sur facebook pour me dire que j'ai on beau cul, qu'ils ont vu l'article sur moi dans le Journal de Québec -- quoi, un article dans le Journal de Québec?! -- je lis l'article dans le Journal de Québec, Radio-Canada m'appelle pour une entrevue, ok, toujours pas bu mon café, Radio X qui me contacte, l'entrevue live à Radio X, un appel de CBC Radio Montréal en anglais pendant que mon lift m'apporte à Bare Oaks.

Les liens :
Journal de Québec : Un violoncelliste de Québec se lance dans un contexte de création en costume d'Adam
TVA Nouvelles : Un violoncelliste veut créer en costume d'Adam
Radio-Canada : à venir
La super entrevue à Radio X : Jouer du violoncelle NU !!!
CBC Montreal : à venir

En arrivant à Bare Oaks, on fait écouter à tout le monde un vidéo d'une quinzaine de minutes qui explique l'histoire du site, ses fondatrice et fondateur et qui donne les règles de base : respect yourself, respect others, respect nature. Bingo.

J'ai pris quelques notes avant le souper.

Premières minutes à Bare Oaks. Je fais le tour de la place. C'est grand. Il y a des campeurs en masse, ces voitures-maisons qui semblent être ici pour rester un moment [maintenant que c'est la nuit, je vois les petites lumières un peu partout]. Il y a quelques tentes, une ambiance de camp d'été un peu, les gens se saluent. Je marche nu pieds et je pense aux sons pointus des roches, aux déchirements microscopiques de l'herbe drue sous mes pieds. Une mouche tourne autour de moi et je me dis que j'aurai plus de difficulté à m'habituer à elle qu'à la nudité des corps que je croise.

Je repense à cet homme aperçu sur le boulevard Langelier il y a deux semaines. Dans la cinquantaine, il marchait lentement sur le trottoir, complètement nu. La police est arrivée. Les gens autour de moi le pointaient en riant. La police a déplié un de ces draps argentés qu'on donne aux gens l'hiver, évacués d'une bâtisse en feu. Ici tout le monde est comme le monsieur de Langelier, moi inclus. En marchant à Bare Oaks, je ressens le toucher de l'air sur sa peau, le soleil qui fait plisser les yeux, le temps qui ralentit.

Les résidents de Bare Oaks ont tous les âges, toutes les peaux, des plus foncées aux plus pâles, des plus vastes aux plus étroites, des plus queer aux plus conventionnelles.

Je n'ai pas commencé à créer. La soirée était consacrée à la présentation des artistes entre nous et devant quelques résidents. J'ai joué un extrait de la pièce Nussecke sur mon solo D'éclisses en projetant une photo de mon visage sur mon dos et en faisant ressentir ma présence et ma respiration. J'ai dit : « I'm coming here with a broken heart. »


Ma présentation performative. Photo de Arts Unfold. Photo de la projection par Richard Rhyme
Il y a de la bière Erdinger comme j'en buvais en Allemagne. J'ai essayé le jacuzzi, je ne savais pas qu'il y aurait ça ici. Les gens sont curieux, sympathiques, ont envie de parler. J'ai hâte de trouver l'endroit où je vais me poser pour mes pratiques.

La rosée est tombée.


Naked State : Jour moins 1

(Écrit le 20 juillet)

La journée a commencé dans un torrent incroyable à Toronto.


J'ai mes barres Cliff et mon chasse-mouche.



Take me away.




COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Pour diffusion immédiate

UN VIOLONCELLISTE DE QUÉBEC EN RÉSIDENCE INTERNATIONALE NATURISTE

Toronto, le 21 juillet 2017. Le violoncelliste improvisateur de Québec, Rémy Bélanger de Beauport, entamme aujourd’hui une résidence de création artistique dans un contexte naturiste. Il s’agit d’une première présence québecoise à la résidence internationale Naked State, où douze artistes provenant de l’Angleterre, de l’Australie, du Brésil, des États-Unis et du Canada exploreront du 21 au 31 juillet 2017 la création et le corps humain nu. Il sera possible de suivre le processus créatif de Rémy Bélanger de Beauport sur internet au remyresidence.blogspot.com.

Naked State est une résidence de création artistique de dix jours produite par l’organisme Arts Unfold. Elle a lieu au centre naturiste familial Bare Oaks près de Toronto et se donne comme objectif de stimuler la création d’œuvres d’art qui interrogent le nu humain dans le contexte de l’art, la culture et la nature. Du 21 au 31 juillet 2017, les artistes en résidence pratiqueront le naturisme (viveront nu) afin de créer des œuvres qui explorent des questions telles : Qu’est-ce que la nudité? Est-ce qu’enlever ses vêtements enlève les notions de classe, de genre et d’expression personnelle? Est-ce que les liens entre le corps et le territoire changent lorsque nous sommes nus? Est-ce que la nudité est toujours sexuelle? Quel est le rôle du nu dans l’histoire de l’art et plus particulièrement en art contemporain? Existe-t-il un état naturel pour l’être humain?

Le violoncelliste improvisateur Rémy Bélanger de Beauport est le premier artiste du Québec sélectionné par la résidence internationale Naked State. Son projet de résidence consiste en un travail intense de l’improvisation basée sur le corps au violoncelle. Il décrit sa musique actuelle comme une quête physique intérieure projetée vers l’extérieur et explorera à Naked State un processus inverse : aller chercher les stimuli de l’extérieur et les projeter vers l’intérieur de son corps, ce corps-musicien en situation de jeu.

Rémy Bélanger de Beauport développe une pratique de la musique expérimentale depuis l’adolescence. Il a signé plusieurs enregistrements au Québec et en Europe. Son approche est basée sur le corps, l’intuition et l’intéraction, les textures sonores et une intensité d’attention pour le déploiement des structures. Basé à Québec, il est l’instigateur du Grand ensemble de musique improvisée de Québec et des Ateliers de musique improvisée de L’Ampli de Québec. On peut l’entendre dans des festivals tels le Festival international de musique actuelle de Victoriaville, Francofolies de Montréal, Kunst und Kultur Forum Berlin. Il est diplomé en théorie musicale, en composition et en mathématiques.

La participation de Rémy Bélanger de Beauport à Naked State est rendue possible grâce à l’appui financier du Conseil des arts et des lettres du Québec et de Première Ovation.




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Contact : Rémy Bélanger de Beauport
freeremy@gmail.com
581-922-2584

Contact Naked State : Teresa Ascencao
info@NakedState.ca

mercredi 19 juillet 2017

Naked State : Jour moins 2

Le train est un non-lieu. Entre Québec et Montréal, je pourrais être entre Leipzig et Prague, entre Paris et Montbard. On m'a fait monter en premier, privilège de la princesse du violoncelle. Il pleut depuis le départ. J'ai pu enfin manger, boire deux cafés, je laisse le temps -- de transport cette fois -- faire son mystérieux travail de distanciation.

Je me suis réveillé le coeur chaviré, les jeunes cicatrices toutes ouvertes encore une fois. Marie Uguay parlerait d'un changement de saison et écrirait, quelque part, « transbordement ».

J'ai fait mes bagages dans le brouillard. J'ai bien vu la lumière franche sur le mur et on m'a dit qu'il faisait chaud. J'ai refait ma liste, troqué le sac à dos pour une valise en plus d'un autre sac à dos, diminué la quantité de disques, mis un peu de douleur dans la vaisselle, écrit une décharge pour que mon amie puisse récupérer un colis en mon absence.

- cahier de notes / bloc-notes quadrillé
- Marie Uguay, « Queer Phenomenology » de Sara Ahmed
- serviette blanche, serviette bleue
- coton ouaté noir manches longues / coton ouaté noir pas de manches / jogging vert
- gilet de cachemire noir
- 3 t-shirts / 5 boxers / 5 bas
- 10 copies de D'éclisses + 3 copies de Thuya Live @ the CLUB + 7 flexi disques
- violoncelle + 2 archets + diapason + résine à archet + pinces
- sandales
- sac messager
- tabac + filtres + papier + un lighter de plus (acheté à la gare de train)
- enregistreuse + fil noir + fil blanc + batteries
- cell + plug de cell
- shampoing / revitalisant / brosse / pâte / déo / crème solaire / crème aloès / crème à raser / rasoir / coupe-ongles / fer plat / peigne / savon
- lunettes soleil
- barres Cliff (à acheter)
- chasse-moustique (à acheter)
- bouteille d'eau

C'est trop. « Il y en a toujours trop », j'a déjà dit ça. Mais ça va, j'ai envie de doux, de mou, de chaud, et quand on part avec deux serviettes, la valise s'impose de toute façon.

En train, je commande le nouveau disque de Lana del Rey, je vérifie l'adresse de l'amie qui m'héberge à Toronto ce soir, j'écris à un ami que je verrai demain, je relis le communiqué de presse qui sera envoyé par Arts Unfold. Je suis le poster-boy de la résidence Naked State, ils utilisent ma photo pour illustrer la résidence.

Je m'éloigne lentement mais sûrement. Je m'éloigne, je m'approche.
Les prochains jours seront plus pertinents.


mardi 18 juillet 2017

Naked State : Jour moins 3

J'ai fermé mon agenda d'un geste affirmatif : « Je choisis la vie d'artiste. » Je viens de refuser un emploi. J'avais obtenu la convocation en entrevue il y a plusieurs semaines, j'écrivais presque déjà le nom de la compagnie à mon horaire. En entrevue, j'ai appris qu'on me demandait 3 journées complètes par semaine, au lieu des 15 h affichées sur l'offre d'emploi. J'ai hésité. La stabilité est tentante, l'emploi valorisant, à peu près aucun investissement mental, à 5 minutes de chez moi. Puis il aurait fallu que je sois libre la semaine du 28 août pour la formation. « Je choisis la vie d'artiste. » Fuck, je ne peux pas m'imaginer travailler dans un bureau de 9 à 5, 3 jours par semaine. J'ai senti le déclic se faire dans mon corps, au moment de dire non, la poche de sable s'ajouter sur mon barrage de façon permanente. Puis j'ai fait une tournée de poignées de mains. J'ai eu un fou rire dehors.

Je passe la soirée avec des amis sur le toit. J'écoute Sonic Youth, Washing Machine, pendant que le lavage du départ se passe au sous-sol.

Minuit, je fais mes bagages, je pense à faire mes bagages. Je partirai en train demain 13 h avec un sac à dos et mon violoncelle, dans un étui rigide parce que c'est le règlement.

Il y a des départs plus faciles que d'autres.

Je vais créer, changer d'air pour toucher à autre chose, me placer dans un contexte nouveau pour voir ce qui se passe. Je commence par passer 2 jours à Toronto, puis j'enchaîne 10 jours de résidence de création Naked State Art Residency à Bare Oaks Family Naturist Park en Ontario, à une heure de route de Toronto. Ensuite je repasse 2 journées à Toronto et je reviens.

Sur le site de Bare Oaks, onglet « First visit », paragraphe « Que dois-je apporter? ». Une crème solaire, des lunettes de soleil, un chapeau, une serviette pour vous asseoir et peut-être une seconde serviette pour vous sécher après la baignade (mais nous louons aussi des serviettes au bureau). Pour vous inscrire, il vous faut un moyen de paiement et une pièce d’identité avec photo. Il est bon de prévoir aussi quelque chose à manger et à boire, un bon bouquin et un sac de plage pour transporter vos affaires.

Je prends des notes. La nourriture est incluse dans mon forfait. Y aura-t-il des draps sur le lit? Est-ce que j'aurai froid? J'ai envie d'apporter, pour les soirées froides, ce que je possède de plus confortable. La liste.

- violoncelle + 2 archets + diapason + résine à archet + pinces
- 15 copies de D'éclisses + 5 copies de Thuya Live @ the CLUB + 10 copies de mon flexi disque
- cahier de notes / lecture : les poèmes de Marie Uguay, « Queer Phenomenology » de Sara Ahmed
- enregistreuse + fil noir USB + fil blanc Mac + batteries
- laptop + plug
- cell + plug + écouteurs
- sac messager
- serviette blanche, serviette bleue
- sandales
- 3 t-shirts / 5 boxers / 5 bas
- coton ouaté pas de manches
- coton ouaté noir
- gilet de cachemire noir
- joggings verts
- crème solaire / crème à raser / rasoir
- shampoing / revitalisant / savon
- brosse + pâte / déo / coupe-ongles
- tabac + filtres + papier + un lighter de plus
- lunettes soleil
- barres Cliff (à acheter)
- chasse-moustiques (à acheter)

Ça ne rentrera jamais dans un sac à dos.