lundi 21 août 2023

studio du Québec à NYC : jours 19-20 sur 151

L'atelier avec Max Cookward était génial. Dommage que le club des ésotériques et des kétaines se soit approprié les mots qui en constituaient le titre, car « Movement Meditation Workshop » décrit vraiment bien ce qui s'est passé. Cookward nous a guidé avec sa voix londonienne pendant près d'une heure et demie, tout le monde les yeux fermés et une excellente sélection musicale. Premier exercice : couché sur le dos, s'imaginer debout exactement au même endroit; puis on a 10 minutes pour se rendre à cette position debout; comme gravir une montagne. Autre exercice : debout, s'imaginer qu'on est sur le top d'un immense pilier et que l'océan nous entoure; voir le soleil à l'horizon, le sentir sur sa peau. On est resté au moins une demi-heure si c'est pas une heure chacun sur sa colonne imaginaire, à vivre un cycle complet du matin à la nuit étoilée, avec la canicule de midi, l'orage, etc. Tout se passe dans la tête évidemment, mais l'effet sur le corps est immédiat. Posture. Micro mouvement. Un autre exercice demandait de shake sur place et se débarrasser des épaisseurs qui nous recouvrent. Métaphoriquement. Il disait : « Shed! ». J'ai passé un moment d'atelier excellent et j'étais content que Max Cookward ne soit pas trop intimidant en personne. Il aurait pu. Il n'est pas particulièrement friendly friendly non plus, mais son attitude est tout à fait inclusive, chacun s'est senti à sa place, on était une dizaine. Il redonne l'atelier la semaine prochaine avant de partir. Je crois bien y aller.

Je suis bien content de commencer à comprendre la culture du deli. Excellente option pour les plus petits budgets. En sortant de la classe de danse, je suis donc entré dans ce qui avait l'air d'un dépanneur bien ordinaire, j'ai ouvert grand les yeux et j'ai repéré le comptoir à sandwiches, le long menu d'options, la tinke de café filtre, et finalement toute une mezzanine avec des tables pour s'assoir.

Rémy mange son wrap fait sur mesure au « Federal Gourmet »

Après j'ai été pour nager mais je n'avais pas regardé l'horaire de fin de semaine et ça fermait au moment où je suis arrivé vers 17 h 45. Les jours passent vite ici. Je suis rentré chez moi porter mes vêtements de danse, et go pour un deuxième concert de Tomeka Reid, cette fois avec son quartet. J'ai pris l'autobus pour la première fois! Ça adonnait que c'était la façon la plus directe selon mon guide hautement personnalisé Google.

19 août @ The Stone at the New School, West Village Manhattan
Tomeka Reid Quartet [Tomas Fujiwara (batterie), Mary Halvorson (guitare électrique), Tomeka Reid (violoncelle, composition), Jason Roebke (contrebasse)]

Encore un concert de très haute voltige. Plutôt du côté jazz, free jazz, avec la batterie qui tient bien souvent le rythme — et nous sert un moment donné un énorme solo de roulements et de beats —, la contrebasse qui donne la base harmonique, la guitare pas mal plus free mais qui fait bien quelques accords, des solos de notes avec effets de pitch bend subtils et judicieux, qui double parfois la mélodie. Et le violoncelle a la mélodie, les mélodies plus rythmées que mélodiques de Tomeka Reid. Je la trouve vraiment cool cette violoncelliste là, ce qu'elle fait est peut-être un peu moins pour moi, mais elle trouvé son approche à elle et c'est très incarné, comme il se doit. J'avais l'impression que Mary Halvorson devait se retenir pour ne pas voler la vedette, tout à fait virtuose de son affaire celle-là. Je comprends pourquoi elle est si connue et reconnue.

Dimanche 20 août

À court de lait d'avoine et de pain pour mes toasts dorées, je suis sorti au deli le plus proche me disant qu'ils devaient bien avoir ça. Et finalement il faisait si beau que je me suis laissé tenté par une table en chemin — je dis en chemin, il faut savoir que le chemin en question c'est 3 min de marche de chez moi au deli... ce qui ne m'empêche pas de croiser sur la rue Prince une galerie d'art, une librairie, la grosse boutique Coach où il y avait une file pour entrer, un resto de paninis, une boutique de weed, une place où ils font de la crème glacée en forme de gros pénis, la boutique Rapha de vêtements chics, 3 cafés, 4 restaurants et 2 places de jus pressé avant d'arriver au deli — pour un café et une chocolatine. Total 15,91$ en argent canadien, à ce prix là je ne suis pas du tout senti mal de rester près de deux heures à lire et faire du people watching sur la terrasse. Recherche-création. Puis au deli, il y a vraiment de tout, mais pas de pain tranché! J'apprends.

Je me suis motivé à une bonne pratique de violoncelle, puis une bonne session de nage (je m'y suis rendu en autobus, j'y prends goût) puis j'ai été dans le fameux quartier Williamsburg à Brooklyn, prime destination où la gentrification a poussé les hipsters il y a quelques années. J'ai vécu un premier moment de confusion en métro en transférant entre la ligne « 2 » et la ligne « J ». Il faut savoir qu'historiquement trois compagnies compétitionnaient pour desservir NYC en transport en commun sur rails. La nomenclature des parcours en chiffres ou lettres et un héritage de ça. Et ce n'est pas parce que le service de métro est maintenant unifié que les endroits où les anciennes compagnies se croisaient sans se croiser sont maintenant à l'abri de toute confusion. Je suivais donc les indications pour « J, Brooklyn » et je tournais en rond. Monte les marches, va jusqu'au milieu du corridor, descends les marches, arrive au bout, flèche à l'envers, reviens à l'autre bout, remonte les marches, etc. Je me suis obstiné à ne demander mon chemin à personne, car j'étais bien et de toute façon j'étais en avance : le concert était annoncé à 18 h, il était 18 h 30 et il me restait 30 min de transport à faire. J'ai fini par trouver, il s'agissait de se rendre vraiment au bout du corridor où pointait la première flèche et où miraculeusement en montant l'escalier on se retrouve à un endroit complètement différent. Sur le quai du J, quelqu'un m'a demandé le chemin pour aller trouver la ligne « 4-5 » et j'ai pu lui expliquer. Je l'ai vu s'éloigner en ne suivant pas mes directives, revenir sur ses pas et prendre le bon corridor avec un visage heureux.

Je suis arrivé tout à fait à l'heure au concert, car finalement ça a commencé à 20 h, dans le fond d'un magasin de disques. Un autre très très bon concert! Wow!

20 août @ P.I.T. Property is Theft, Williamsburg Brooklyn
duo [Kwami Winfield (électroniques, trompette), C. Spencer Yeh (électroniques, violon)]
Sinonó [Isabel Crespo Pardo (voix), Henry Fraser (contrebasse), Lester St. Louis (violoncelle)]

Depuis quelques jours, je trouve qu'il me manque un peu de vie sociale. Je mange du concert en masse, je vois des choses, je lis, je pratique le violoncelle enfin à la cadence que j'ai toujours voulue, mais je ne parle à personne. Je ne chill pas au café avec un·e ami·e. En sortant du concert, je n'ai personne avec qui échanger nos impressions. Il y en a qui ne supporteraient pas, mais moi ça me va pour l'instant. Et je sais que, pour une fois, une rare fois, les choses vont changer si je continue à faire exactement ce que je fais en ce moment.

Au concert d'hier, seul parmi la foule d'une quinzaine de personnes à l'extérieur du petit magasin de disques à Williamsburg, entre les deux sets, je me suis rendu compte qu'en plus de ne chiller avec personne, ce qui me manque c'est de ne pas être reconnu par ma communauté. En temps normal, que ce soit à Québec, Montréal ou Berlin, je vais à un concert et on me repère pour qui je suis. Sans nécessairement converser (il y a des bonnes chances que ça ne me tente pas de toute façon), on passe et on me fait un salut de la tête peut-être, je vois passer le regard qui se remplit pendant un bref instant de « Rémy Bélanger de Beauport, violoncelliste improvisateur, Québec ville » et autres éléments de cette performance de la vie que je donne. Ici, je suis tout à fait anonyme.

Enfin pas tout à fait. En attendant le début du concert, Kwami est passée ma saluer et on s'est dit qu'on se reprendrait pour faire de la musique ensemble pour une première fois cette semaine, peut-être jeudi ou vendredi. À la pause, Selendis la vibraphoniste tromboniste est venue me voir aussi pour se présenter car on se croise souvent dans les shows, puis à la fin j'ai jasé avec un de leurs amis qui a déjà joué à Québec. J'oublie son nom, un guitariste.

Et j'ai parlé à Lester St. Louis, le violoncelliste, et lui, il m'a vu tout de suite. On ne se connaît pas du tout, sinon que j'avais vu son nom passer dans la programmation de No Hay Banda à Montréal il y a quelques mois, j'avais checké ses affaires un peu et j'avais été déçu de ne pas pouvoir aller le voir. Aussitôt que je lui ai dit que je jouais du violoncelle, j'ai senti qu'il m'accueillait dans son cercle. J'étais très curieux de son set-up de violoncelle sans cordier. De loin on dirait que les cordes partent du chevillier comme d'habitude, passent sur le chevalet comme d'habitude, puis, surprise, se rejoignent au niveau de la pique sans autre morceau de bois. Je « fais mes recherches » ce matin, et je trouve. Le violoncelliste Seth Parker Woods a aussi ce set-up, je me rappelle du post instagram où il en avait parlé en 2020. Lester et moi, on jase donc de ça et tout de suite il fait le geste de me passer son violoncelle pour que j'essaie. Woh hé hé non non quand même. Il me propose spontanément qu'on se fasse une session. Oui. Je lui parle de mon archet montréalais, de mon set-up d'archet en crins noirs (très inhabituel) et on va se faire un échange d'essais. Ah, et il est vraiment vraiment bon, j'adore sa relation au violoncelle quand il joue. Son archet a l'air de tracker en sacrament, hâte de voir ça dans le gros appart vide du CALQ.

Lundi 21 août

Cette semaine j'ai envie de me lever un peu plus tôt et connaître des matins new-yorkais. C'est peut-être incompatible avec tous les concerts que j'ai à voir, qui se terminent parfois tard. Une intention.

Les matins de soleil de NYC à l'appartement


J'absorbe la ville
La ville m'absorbe

Demain ça fera 3 semaines que je suis ici. Je vais attendre que ça fasse un mois avant de comptabiliser le nombre de concerts que j'ai vus à date. Pour les statistiques. Aujourd'hui, c'est lundi et c'est le yoga à 18 h, troisième fois. Avant ça, je ne sais pas trop. Il fait encore tellement beau j'en reviens pas, je vais aller lire quelque part. Et après le yoga, j'ai l'embarras du choix : il y a un concert du côté musique de concert, musique contemporaine dans le cadre du festival TIME:SPANS auquel je ne suis toujours pas allé, avec une pièce de mon ancien collègue de classe de McGill en composition Taylor Brook, pas si loin de chez moi dans le quartier Hell's Kitchen à l'ouest de Times Square; et il y a un concert commissarié par Lester St. Louis et Luke Stewart à Brooklyn dans lequel va jouer un ensemble où il y a habituellement la saxophoniste Ingrid Laubrock, que je connais d'un projet à Rimouski il y a plusieurs années. Ok, on sait où je vais aller.