jeudi 31 août 2023

studio du Québec à NYC : jours 28-29-30 sur 151

C'est peut-être une évidence, mais je réalise qu'aller voir des concerts est une partie de mon travail. Ce n'est pas parce que c'est agréable que ce n'est pas du travail. Ce n'est pas parce que j'ai envie de le faire que ce n'est pas du travail. Quand je pense au « travail » pourtant, pour moi c'est nécessairement une des deux catégories suivantes : nuisance ou musicien live. La catégorie nuisance a primé pendant mes 20 premières années d'emploi, le travail dans ce cas est quelque chose que je ne ferais pas autrement que pour l'argent, quelque chose qui empêche de faire ce qui est important pour moi : faire la potiche à l'accueil « bonjour, oui la conférence est au 2e étage à droite », faire du crissing (papier 1, papier 2, coupon, cocarde, reçu de paiement, crisser dans l'enveloppe, mettre l'étiquette générée avec un macro Excel sur l'enveloppe, mettre le timbre, mettre sur la pile, recommencer), corriger 150 examens et travaux d'élèves entre le 24 et le 27 décembre, « bonjour, oui on fait une étude aujourd'hui sur les habitudes des... », etc. Pas surprenant dans ce cas que j'aie de la misère à considérer la musique comme un travail. Mais la musique live est manifestement du travail, puisqu'elle vient avec un chèque de paye, un montant que je mets dans mes impôts sous la catégorie travail. Et quand il n'y a pas de paye comme ça arrive souvent, l'analogie avec les fois où il y avait une paye est tellement directe que oui, pour moi ça compte comme du travail, dans la catégorie du travail qui me tente.

Je m'entends chercher les aspects de l'activité « aller au concert » qui me sont désagréables, pour que ça compte comme du travail, pour que l'occupation « travail » y colle mieux. Car mon axiomatique évolue bien lentement; quand d'emblée je dis que le travail peut être une chose agréable, on voit que je n'y crois pas vraiment au-delà de la théorie. Delà de la. Il faut s'y rendre, au concert, et ça pourrait être désagréable, mais j'apprécie la plupart du temps le déplacement, un effort oui, épreuve parfois insurmontable je l'avoue, surtout partant du divan, mais une excuse parfaite pour bouger et, quand je suis dans une autre ville, voir des endroits en chemin que je n'aurais pas vu autrement. Christophe Colomb dirait « découvrir », ou peut-être quelque chose comme « descouvroyer », confirmant en tout cas qu'il porte bien son nom. Le concert est parfois mauvais où trop fort, et là je reste car on ne sait jamais ce qui peut se passer après 45 min de sauce brune, je reste parfois par politesse aussi. Persévérer dans l'insupportable, voilà une bonne caractéristique, un classique du monde du travail. Axiomatique, légitime. Enfin — car tout ce qui précède n'est vraiment qu'une introduction — la partie la plus difficile d'aller voir un concert, quand on finit par admettre que ça fait partie de son travail, c'est d'être vu et de se présenter. Et ça, ça ça tire du jus. Je ne suis pas si gêné ni maladivement introverti, mais aller briser la glace à un·e musicien·ne après son set, honnêtement ça me répugne un peu. La personne converse avec ses ami·es et je dois attendre, un peu de côté, comme si de rien n'était, n'ayant pas du tout l'air mal à l'aise même si je suis seul dans ma gang quand tous les autres sont en petits groupe, je dois attendre la bonne fenêtre d'opportunité pour placer mon « heyyyy nice set » qui sonne tellement cheap, mon « thanks for the music » pendant lequel je m'imagine avec de grands yeux avec des étincelles comme un personnage dans un anime, ou mon ridicule « that was amazing »; je suis la NASA et je calcule les mouvements du ciel avant de lancer ma sonde spatiale Opportunity, et comme elle, j'attends ensuite de savoir si j'ai atteint mon objectif. Au contraire d'une expédition scientifique par contre, l'objectif de mon alunissage, de mon amarsissage, n'est pas précis. 25 ans de small talk de covoiturage avec des inconnu·es s'ajoutent donc à toutes mes connaissances sur le milieu de la musique improvisée pour générer un bout de conversation et, idéalement, placer « Rémy Bélanger de Beauport », puis « cello » avant de pouvoir partir, soulagé. The eagle has landed.

Ça fait donc près d'un mois que je travaille tous les jours, c'est ça que je voulais dire. Il me faut ralentir la cadence, juste un tout petit peu, pour tenir jusqu'au bout. Prévoir une première journée de congé, où je ne toucherai pas à mon email et où je n'irai pas voir un concert en lien avec ma vie de musicien. Tiens, un synonyme intéressant, « vie » au lieu de « travail ». Prendre un congé de sa vie un instant, pour mieux y revenir.

Alors ce lundi 28 août, après une journée passée à mixer mes super duos avec Kwami Winfield (travail, j'admets), j'ai été au yoga de 18 h puis j'ai pris une longue marche sur le bord de l'eau, au hasard, remontant par le Financial District. Passer par hasard par Wall Street, la fameuse, c'est un autre feeling que se rendre compte qu'on est sur la rue Arago Est, mettons.

Mardi 29 août

La déception. Une des parties du travail de musicien qui me dérange le plus est l'écriture de demandes de subventions. Ça m'écœure au point que j'ai de la misère à ouvrir les pages web du CAC et du CALQ. Pour mon projet de série de concerts en novembre 2024, je dois chercher les dates limites des dépôts. En fait, je dois tout d'abord lire sur les différents programmes pour savoir dans quoi appliquer. Ça fait des mois que c'est sur ma liste de choses à faire; des mois pendant lesquels j'ai lu d'une part des centaines et des centaines de pages bien plus ambitieuses de Proust, et d'autre part des centaines et des centaines de descriptions beaucoup plus insipides du côté de tinder. Introduction : établir à quel point ça me mets sans connaissance juste la pensée de la demande de subvention, check.

La déception donc, à 9 h 56 le mardi 29 août, quand j'ai su que ma demande de subvention déposée le 5 avril 2023 à 21 h 40 avait été refusée. 6 mois d'attente. Fuck. Tout le travail derrière ça. Surtout, avoir eu à déranger 9 musicien·nes incroyables pour leur quêter des lettres d'appui, lettres d'intérêt, textes de bio. Puis toutes les journées passées à vivre de café les yeux et l'esprit saturés de mon texte. Les extraits sonores, vidéo créés spécialement pour bien expliquer au jury. Les bouts de partitions, se vendre, montrer que ma démarche va au-delà de..., s'inscrit dans..., permet à... Et surtout l'odieux d'une obligation de rêver. Les demandes de subventions demandent des dates, des échéanciers, il faut se projeter dans l'avenir, il faut y croire. Et immanquablement, on finit par y croire. On finit par déroger à la raisonnable « vie sans espoir » qui permettrait d'avancer et de recevoir les bonnes nouvelles pour des bonnes nouvelles plutôt que des confirmations banales, et les mauvaises nouvelles comme des jambettes inconséquentes plutôt que de véritables échecs. La demande de subvention, quand elle demande de montrer que notre projet est viable, réalisable, quand elle exige jusqu'aux dates et horaires de répétition, force l'espoir. Et plus l'espoir est grand, plus ça fait chier de se le faire refuser.

La déception, mais ç'a déjà été pire. On dit que les refus c'est normal et c'est vrai, c'est statistiquement vrai. On dit que les refus on s'y habitue et c'est faux, mais j'ai déjà été plus démoli que ça, j'ai déjà eu moins de contrôle sur le vertigineux de mes espoirs.

La déception. Il faudra écrire à toustes les collaborateur·ices pour leur annoncer, avec juste la bonne dose de « ça va bien aller », de déception bien sentie mais pas trop, de « on continue », que le projet n'a pas passé et que les heures de travail qu'iels m'ont accordé ne seront pas payées. Pas pour l'instant.

Car la déception, c'est aussi une déception prospective. Quelle suite donner? Il faudra revenir sur les lieux du trauma, repasser par les mêmes chemins, les mêmes épreuves et étapes qui ont abouti à l'échec la fois précédente. Reprendre espoir, être sincère sinon le jury va s'en rendre compte. Évidemment, trouver un moyen de redéposer une demande de subvention pour le même projet, mais peut-être sous un autre aspect, à un autre organisme, dans un autre programme, etc. La première étape : récolter les commentaires du jury parce qu'à date tout ce que j'ai c'est un générique « Bien que votre demande ait obtenu la note minimale dans chacune des catégories d'évaluation, elle n’a pas obtenu une note assez élevée pour recevoir une subvention. » Et, plus loin « Nous ne sommes pas en mesure de fournir une rétroaction sur les demandes de subvention antérieures. » Depuis quand? Il me semblait que c'était la base.

Cuver la déception. M'asseoir sur le divan pendant quelques heures, de jour, ce que je ne fais jamais.

Puis la vie (le travai?) continue. Une excellente pratique de violoncelle suivie de mon 2 km de nage — 80 longueurs pour les intimes — suivi d'un souper au Noodle Village (pas si bon malgré les éloges en ligne), suivi d'un concert, yeah.

29 août @ Freddy's, South Slope Brooklyn
duo [Shayna Dulberger (contrebasse), Lucia Stavros (harpe)]
duo [Ed Bear (sax baryton amplifié), Paul Feitzinger (percussions amplifiées)]
trio [Sean Ali (contrebasse préparée), Carlo Costa (batterie), Sandy Ewen (guitare électrique, électroniques)]

Je regardais le show en me disant à quel point ces lieux pour la musique expérimentale sont importants et ne tiennent pas à grand chose. Cette fois, le bar Freddy's est quand même sympathique, mais sa salle de concert, une pièce avec un maximum d'une quinzaine de places assises, cachée entre deux cloisons, ressemble plutôt à un ancien débarras. Beaucoup moins chic et spacieux que le débarras du Murphy's à Québec, dans la même catégorie. Mais nous y voilà, irréductibles du mardi soir, irréductibles de toutes les déceptions, bravant les kilomètres pour finir les doigts dans les oreilles dans le bout de cymbale amplifiée du deuxième set et la yueule à terre pour tous les états traversés pendant le troisième set.

Mercredi 30 août

Mission : renouveler mon contrat de téléphone. Encore une fois, c'est différent d'aller à la boutique de son fournisseur cellulaire sur Broadway Avenue plutôt qu'aux galerie de la Capitale c'est mode et merveille. Je me suis tout autant fait fourrer, mais ça ne m'a pas empêché de passer une belle journée. Car depuis deux jours j'avais épuisé les données sur mon cell et je me promenais de wifi gratuit en wifi gratuit. En arrivant au T-Mobile j'ai demandé c'était combien passer à un meilleur forfait, la fille m'a répondu que pour 10$ de plus j'avais 12 Go de données au lieu de 6,5 Go, j'ai dit ah ouais pourquoi pas, elle m'a dit j'ai apporté les modifications en prenant 10$ sur ton compte en ligne, j'ai dit quelque chose comme attends peu ça veut dire que le paiement que j'ai essayé de faire en ligne l'autre fois et pour lequel je n'ai reçu aucune confirmation a marché?, elle m'a dit quelque chose comme bin il y avait 25$ dans ton compte et il y en a maintenant 15$, j'ai dit attends peu t'as pas renouvelé mon contrat pour le mois prochain?, elle a dit non tu as maintenant 12 Go de data jusqu'au prochain cycle de facturation, j'y dit bin le prochain cycle de facturation c'est genre après-demain je viens-tu de payer 10$ pour 4 jours d'internet, elle me dit bin tu peux essayer de tout dépenser 12 Go en quelques jours c'est facile avec des vidéos youtube, j'y dit c'est pas ça l'idée j'ai juste besoin de google maps, silence, et je lui demande si là pour le 3 septembre il faut que je repaye, elle me dit que oui il y avait maintenant 15$ dans mon compte et il faut en ajouter car mon nouveau forfait est 35$, j'y dit attends peu là je m'attendais à ce que l'ajustement à mon compte se fasse au prorata du nombre de jours qui restent au mois, elle me répond qu'elle comprend, et j'ai vraiment senti qu'elle venait de comprendre ce qui venait de se passer, et qu'elle s'en crissait royal et que c'était la meilleure attitude possible dans la situation, elle me dit donc qu'elle comprend, mais que c'est comme ça que la compagnie fonctionne. Alors j'ai un nouveau forfait de téléphone avec le double de data, parce que c'est pas vrai que pour sauver 10$ je vais m'empêcher d'envoyer un petit vidéo de ce que je vois à mes ami·es de temps en temps. Priorités.

Dépité, mais pas si affecté que ça, j'ai loadé mon google maps et me suis rendu compte que j'étais proche de Union Square, autre lieu emblématique que j'avais prévu aller voir. Bon plan de dîner. C'était platte. J'ai poursuivi mon ascension de Broadway jusqu'au Madison Square, où j'ai lu pendant un bon bout avant de me rendre à un autre excellent concert de la série de Pioneer Works à Times Square.

30 août @ Times Square, Midtown Manhattan
HxH [Lester St. Louis (laptop, objets, électroniques), Chris Williams (laptop, électriques)]

Leur musique de bruits devenait la ville. The City. La ville devenait leur musique aussi, s'engouffrant dans les ordinateurs avec ses cris aigus de touristes, ses ambulances, ses klaxons, le frétillement des lumières. Autant je m'étais déçu moi-même de ma réaction de faiblard lors de ma première visite à Times Square, autant je profite maintenant de cet état un peu second dans lequel me mettent toutes ses surenchères visuelles, auditives, olfactives, et même tactiles avec les bouffées de vent chaud, la densité épaisse de l'activité humaine et machine. Une journée donc à fréquenter quatre points d'ancrage, que dis-je cinq repères psychogéographiques sur Broadway : la boutique T-Mobile, Union Square, Madison Square, Times Square, puis l'épicerie Whole Foods où ma miche de pain à 8$ a bien ajouté un autre volet de surenchère new-yorkaise. Je suis rentré, j'ai soupé à l'heure des boss et j'ai écouté des vidéos niaiseux, question de ne pas trop trop travailler.

Jeudi 31 août

Mission renouveler mon contrat de téléphone, prise 2. Finalement il s'agit de mettre de l'argent à partir de ma carte de crédit sur mon profil T-Mobile, et bien que je ne reçoive pas de confirmation ou reçu, le montant finit par apparaître sur ma balance et me voilà prêt au prochain cycle de facturation le 3 septembre. Entre temps, écrire ceci est bien en masse il est déjà 14 h [15 h après deux clémentines, relecture et corrections]. Violoncelle, café-lecture, un concert dans un bar appelé « Berlin Under A »? un concert d'une vibraphoniste qui s'appelle Sasha Berliner? Décidément. Sur le site web de Sasha Berliner, je vois qu'elle joue à Rimouski demain, impossible qu'elle soit vraiment sur le programme tantôt. À moins d'un jet privé. À suivre. Je dois aussi me trouver un kit de son, je ne vais pas passer encore 4 moins avec juste un petit speaker blue tooth dans mon appart. C'est mon travail.

lundi 28 août 2023

studio du Québec à NYC : jours 26-27 sur 151

Deux concerts le samedi 26 août après l'atelier de danse avec Max Cookward (en y allant, je me suis arrêté un petit moment devant l'ancien loft de Yoko Ono). Sans exception toustes des musicien·nes renversant·es. La chanteuse, what?! Et son pianiste! Le saxophoniste Immanuel Wilkins! Son pianiste?! Le son du drummer avec eux?!

26 août @ Storefront for Art and Architecture, Nolita Manhattan
duo [Ricardo Gallo (piano), Amirtha Kidambi (voix)]
dans le cadre de l'exposition Direct Action de Francisca Benítez

26 août @ Bryant Park, Midtown Manhattan
75 Dollar Bill Little Big Band [Rick Brown (percussion, composition), Che Chen (guitare électrique, composition), Sue Garner (basse électrique), Cheryl Kingan (sax), Talice Lee (violon), Steve Maing (guitare électrique), Jim Pugliese (percussion), Karen Waltuch (alto), Barry Weisblat (percussion, électroniques), Chris Williams (sax)]
Immanuel Wilkins Quartet [Matt Brewer (bass), Immanuel Wilkins (sax, composition),  Kweku Sumbry (batterie), Micah Thomas (piano)]


Après le concert, je suis resté chiller un peu dans l'impossibilité urbaine qu'est Bryant Park

En une journée, passer de l'espace, imaginé de la rue grâce aux lectures et aux images d'archives, d'un loft des années 60, à l'espace très concret d'un petit studio de danse — où la tâche est d'exister à la limite de la conscience, dans des lieux créés sur mesure par l'esprit, vastes et magnifiques selon les instructions de Max Cookward— à l'espace exigu d'une petite galerie d'art ouverte sur un boulevard, où en m'étirant j'aurais pu toucher au piano à queue, au grand espace d'une scène type Festival de jazz dans un parc urbain à un coin de rue de Times Square, encerclé, enchâssé comme la pierre précieuse d'une bague, entre les plus hauts gratte-ciels du monde. New York.

Dimanche 27 août

Je suis en train de réécouter mon duo avec Kwami Winfield et c'est vraiment bon. Ça s'est passé! Un dimanche après-midi comme un autre, dans une petite galerie d'art vide à Brooklyn, un endroit qui a l'air de rien, étroit, quatre murs blancs, mais qui existe finalement depuis plus de 10 ans et fait une différence pour les gens qui le fréquentent. Dont Kwami qui s'en sert pour pratiquer. Dont moi hier le temps d'un duo. Sur l'enregistrement bancal fait sur mon cellulaire, on entend bien quand le métro passe, sans qu'on le voit, juste en face sur des rails surélevés. Ça donne comme une impulsion à la musique, tous les dix minutes une occasion de prendre une autre direction ou choisir de rester, résister.

Après ça, retour à la maison déposer le violoncelle. Et retour à Brooklyn pour aller voir un concert avec une rencontre que j'attendais depuis longtemps, et qui ne s'est pas passée comme je croyais.

Vu en chemin, quai du J-train, station Bowery.
On dirait une partition. Beauté du déclin. Max Cookward parlait de ça aussi.

27 août@ P.I.T. Property is Theft, Williamsburg Brooklyn
trio [Ingrid Laubrock (sax ténor, sax soprano), Brandon Lopez (contrebasse), Tom Rainey (batterie)]

Ce trio roule depuis longtemps et ça paraît. Wow. Je me rappelle les avoir écouté faire des concerts en ligne pendant la pandémie. Il me semble. Brandon Lopez le contrebassiste a une approche du rythme très directe que j'ai beaucoup aimé voir live comme ça. Il regarde le public quand il joue, un trait distinctif, on se sent comme si on faisait partie du band. Je suis par contre un peu déçu que le concert ait été si court (j'ai peut-être manqué une pièce, je pensais bien être arrivé juste assez en retard pourtant, considérant mon expérience au même endroit la semaine passée, quand j'étais arrivé 15 min. en retard et le concert avait commencé une demi-heure après mon arrivée) et que le prix d'entrée 20$ n'ait pas été annoncé (correct pour le prix, mais la surprise ça c'est pas fin, par chance qu'il me restait un 20$ dans mon porte-feuille, là y'en reste plus). En même temps, est-ce que c'est la faute du band, de la salle, ou du late-stage capitalisme que le prix d'entrée n'ait pas été affiché. Je vote pour ce dernier. Toutes les petites places sont obligées de demander des « contributions volontaires », car les redevances pour un établissement qui devient producteur de spectacles sont tellement élevées que les petites salles informelles ne survivraient pas; et par respect pour qui fait la musique, les « contributions volontaires » sont plutôt « exigées ». La nouvelle expression : not a fluff. Enfin, il ne faut pas s'arrêter à ça.

Aussi, j'avoue que j'avais hâte de voir la saxophoniste. On a travaillé ensemble avec le GGRIL en 2015, ou peut-être même 2014, pour un projet de ses compositions repris pour enregistrement et concert en 2018, disque lancé en 2020. Je m'attendais un peu, j'aurais pu m'attendre, il y avait une opportunité, disons, que dis-je, qu'elle fût comme une porte d'entrée pour moi, ou juste un carton d'invitation, ou encore une main tendue, sur la scène new-yorkaise. Eh bien, pantoute. Oui, au moins elle m'a reconnu quand j'ai été la voir. On a jasé un peu, elle s'en va justement à Rimouski dans quelques jours pour un concert avec des collègues. Puis that's it. Même pas de, looking forward to see you, etc. Ça aurait été facile pourtant, une parole en l'air comme ça. En même temps, je ne connais pas tant sa personnalité. Peut-être qu'elle dit jamais ça. Peut-être qu'elle a fait des promesses dans le passé, qu'elle n'a pas pu les garder, et c'est pourquoi maintenant elle évite. Peut-être que tout le monde est après elle ce temps-ci. Je ne sais pas non plus quelle journée elle venait d'avoir. Peut-être aussi qu'elle n'a jamais aimé comment je joue, peut-être qu'elle ne s'en rappelle plus du tout. Peut-être que ses pièces n'avaient rien d'excitant dans la partie de violoncelle. Peut-être qu'elle était indisposée parce qu'elle venait de jouer le même soir que le gros show John Zorn, Sean Lennon, Laurie Anderson. Peut-être qu'elle n'était pas contente de son set. Peut-être qu'elle venait d'apprendre que son frère avait le cancer. On ne sait jamais ce que les gens vivent, je ne le prends pas personnel. Si je ne dis rien, comment est-ce qu'une étrangère peut deviner mes attentes, attentes que moi-même je ne m'étais pas formulées clairement. Et parfois un moment chargé pour quelqu'un est tout à fait anodin pour l'autre.

Lundi 28 août

C'est lundi, le temps de se remettre au travail. Cette semaine : aller renouveler mon contrat de téléphone, loyer et tâche à distance pour mon appart à Québec, travail sur mon vinyle à venir (réécouter, redécoupage, demande de prix, prix avec shipping, relancer le pro du matriçage), travail sur mon projet novembre 2024 (emails avec deux diffuseurs, passer par-dessus mon blocage habituel pour les demandes de subventions et aller rechercher sur quoi appliquer et les dates de dépôt, je stresse tout d'un coup), concert mardi à Freddy's, concert vendredi à Public Records, relancer deux personnes pour des sessions à New York, vérifier la date de la pleine lune pour relancer le GIC,LE à Québec, natation aujourd'hui, puis yoga, compilation des sorties et des dépenses pour ce premier mois à NYC.

Concernant les dépenses, je vis en pauvre comme d'habitude tout en me permettant le plus de concerts possible, mais ça monte vite quand même. Juste hier, déjeuner-café à la maison gratuit, puis aller faire de la musique gratuitement, mais 4$ de métro aller, 4$ de métro revenir, un végé burger cheap sur le chemin du retour en après-midi 14$, un café-chocolatine pour accompagner Proust en début de soirée 16$ (eh oui, 4$ US americano + 6$ US chocolatine + 20% de tip NYC + taux de change), le concert en soirée 4$ de métro aller, 4$ de métro retour, 27$ le concert (le 20$ US « surprise » dont je parlais tantôt), et 24$ pour deux pointes de pizz comme snack de fin de soirée. La pizza, c'était une erreur, il n'y avait pas de liste de prix et ça avait l'air d'une place de pointes pas cher comme d'habitude, mais là c'est la #1 best pizza whatever on ne m'aura pas deux fois. 24$ pour deux pointes, quand l'autre fois j'ai eu ça pour 2$, ce n'était pas 1200% plus savoureux fuck off. En tout cas, ça fait une journée à presque 100$, très over-budget. Par chance que je ne bois pas, je ne fume pas et je ne consomme aucun accessoire de mode. 

samedi 26 août 2023

studio du Québec à NYC : jours 24-25 sur 151

Finalement, j'ai été à deux concerts le jeudi le 24 août après ma journée de niaisage admin. et bruits de construction. Premièrement, un duo de pianos dans la salle de concert du Steinway Hall, la maison new-yorkaise des fameux pianos Steinway. La compagnie a pied à terre à Manhattan depuis 170 ans. Excellent concert par deux jeunes pianistes qui ont vraiment trouvé un équilibre entre texture et pseudo-mélodie, pseudo-rythme, entre l'héritage du piano à l'harmonie floue d'un lointain Debussy ou Ravel, free jazz sans le jazz, le tout avec presque pas de démonstration virtuose, avec toutefois un contrôle évident et même raffiné des gros 9 pieds top-of-the-line Steinway. Ça ne se prenait pas la tête. La foule était majoritairement des ami·es, ça a crié de joie à la fin, c'était beau. À un jet de pierres de Times Square, dans un sous-sol, on entendait parfois le bourdonnement d'un métro qui passait.

24 août @ Steinway Hall, Midtown Manhattan
duo [Rahul Carlberg (piano), Maya Keren (piano)]


24 août @ Brooklyn Art Haus, Williamsburg Brooklyn
Anthime Miller (violoncelle, voix, piano)

Puis j'ai été voir un·e ancien·ne ami·e d'école de l'université. On ne s'était pas vu depuis près de 15 ans! Anthime est virtuose du violoncelle, chanteur·euse pop, opéra, tout ce qu'iel veut, iel peut le faire. Pianiste aussi ça a l'air. C'était un one-person-show, organisé par ellui et pour ellui à l'occasion de sa fête. Bravo! Je suis arrivé une heure en retard, croyant avoir compris comment ça marchait à Brooklyn, mais finalement le show avait commencé à l'heure. Même à ça, j'ai eu droit à plus de 2 heures de spectacle. Des compositions originales au violoncelle solo, violoncelle et voix, des reprises très personnelles au violoncelle et voix ou piano et voix, des bonnes blagues, des habits de scène flamboyants et toute une section violoncelle classique avec pianiste accompagnateur. Chapeau. On va prendre un café bientôt.

Je ne sais plus dans quel dédale de quel corridor de quel parcours de métro je suis tombé là dessus, mais wow l'œuvre en mosaïque.


Vendredi 25 août

Je me suis mis à chercher l'adresse de l'appartement où habitait Charlotte Moorman à New York. Ça m'a mis sur la trace de son ancienne coloc, la célébrissime new-yorkaise Yoko Ono. Cette dernière m'a mis sur la piste du The Dakota, un immeuble légendaire aux appartements tous plus prestigieux et décadents les uns que les autres, près de Central Park. Il s'agit d'une coopérative, et le C.A. aurait refusé Madonna et Cher comme locataires. Bien joué! Incidemment, c'est en face de sa porte principale que l'assassin de John Lennon l'attendait en 1980. Je passerai faire un tour. En m'intéressant au parcours new-yorkais de Yoko Ono, je lis sur un loft qu'elle habitait sur Chambers Street avant de connaître John Lennon. Je connais bien Chambers Street : c'est la rue sur laquelle je tourne pour aller à la piscine; c'est la rue où se trouve le Gibney, dédié aux locaux de danse où j'ai fait l'atelier avec Max Cookward la semaine passée. J'y retourne dans un instant et je vais demeurer attentif au 112 Chamber St., que Yoko Ono louait 50,50$ par mois dans les années 60 et où ont passé John Cage, David Tudor, Max Ernst, Marcel Duchamp et LaMonte Young. Concernant ce dernier, il aurait encore un espace tout près sur Church St. appelé Dream House, que je me promets d'aller visiter. LaMonte Young est une figure énigmatique et extrêmement influente sur cette période de l'avant-garde, énigmatique car il n'y a presque qu'aucun enregistrement disponible. Il paraît qu'il a toujours tout enregistré les sessions auxquelles il participait, les concerts, les compositions, je ne serais pas surpris qu'à sa mort quelqu'un mette la main là dessus et... et quoi? Est-ce qu'il est trop tard pour réhabiliter quelqu'un au panthéon de la musique du XXe siècle? En lien avec LaMonte Young, je tombe sur une série de vidéos où le philosophe et activiste Henry Flint (connu entre autres pour avoir formalisé l'idée d'art conceptuel) présente différentes adresses qu'il a fréquenté à New York. Une petite mine d'or pour cet après-midi de niaisage internet : l'appartement de LaMonte Young (il se rappelle une partition en forme de piñata), le loft de Yoko Ono, le premier appartement de John Lennon et Yoko Ono, le loft de Terry Riley jusqu'à l'appartement de John Cage et Merce Cunningham dans les années 90. Bon, quelques heures ont passé, j'ai oublié l'objet initial de ma quête Moorman.

Au travers de toutes ces adresses de la sous-culture des années 60-70, celle de la Earth Room m'interpelle : 141 Wooster St. J'habite au 111 Wooster St.! Il fallait bien que je fasse tous ces détours pour me rendre compte que je suis presque voisin de cette installation de l'artiste Walter de Maria; un loft serait recouvert de terre, 22 pouces de haut sur 3600 pieds carrés, depuis 1977. J'y vais bientôt.

Oui, une autre journée de niaisage peut-être, ou appelons ça recherche-création car j'ai commencé par un appel important pour un projet secret qui impliquerait le Musée de la civilisation (chhhut) et j'ai terminé par une longue pratique de violoncelle avant de me diriger vers un autre renversant concert à Brooklyn.

25 août @ Record Shop, Red Hook Brooklyn
Série Pool 47 commissariée par 1039 Records
Tizia Zimmerman (accordéon)
duo [Sandy Ewen (guitare électrique), Kevin Murray (batterie, percussion)]
Toadal Package [Cosmo Gallaro (guitare électrique), James Paul Nadien (batterie), Brenna Rey (basse électrique)]

Ayoye, peut-être le meilleur concert que j'ai vu à date. Dans le fond d'un magasin de disques, devant à peine une douzaine de personnes (dont Webb Crawford avec qui j'ai jasé un peu). L'accordéoniste m'a jeté à terre, elle a fait un set d'au moins 30 minutes si c'est pas 45 minutes, une pièce énorme dans laquelle on a eu du gros rumble de basses, des accords lumineux et complexes qui rappelaient Messiaen, toute une section aigue avec les tympans qui créent leur mélodie fantôme — excusez, « émissions oto-acoustiques » — façon Maryanne Amacher, encore toute une section de polyrythmie incroyable, le tout dans une structure comme élastique où ça transitionnait d'une idée à l'autre de façon aussi fluide que captivante.

Ensuite Sandy Ewen, que j'avais vue à Québec et solo, a joué avec un batteur surexcité aux influences plus punk. Un set génial, qui flirtait avec le déjanté sans jamais ni exploser ni montrer de retenue. Deux instrumentistes en feu.

Mais pas aussi en feu que le trio Toadal Package. Un batteur charismatique et surexcité lui aussi, qui me rappelait un peu le chanteur de Tad. Une bassiste à la 5 cordes juste assez hors de controle. Un guitariste pitonneur très technique, mais qui étonnamment ne volait pas la vedette. On avait l'impression d'assister à un show de punk, mais il n'y avait rien de punk finalement, sauf peut-être l'attitude. J'ai vu quelqu'un filmer, je serais curieux de voir ce que ça donne en vidéo. On va probablement me voir dans le coin de l'écran, balançant la tête du début à la fin.

Le fond de la salle est en lattes de bois derrière les musicien·nes et avec le dos à la rue comme ça, on se croirait dans un chalet. J'ai bien jasé avec Sandy Ewen, qui me disait que c'est un de ses endroits préférés où jouer et voir des shows, là et au Freddy's, où elle joue justement mardi prochain. See you there. Oui let's play together. Je vire de t'sour un peu en ce moment, mais j'ai l'impression que dans pas long je pourrais être pas mal occupé. Comme si je l'étais pas déjà. Démesure!

Samedi 26 août

Aujourd'hui :
- 14 h, atelier Movement Meditaton final avec Max Cookward
- 17 h, soit aller nager, soit aller à un concert à la galerie d'art Storefront
- 19 h, soit un gros show jazz à Bryant Park, soit le compositeur-guitariste Elliot Sharp en duo dans un bar, soit un show de noise dans un petit appartement (l'endroit est vraiment connu sous le nom « skinny apt »), soit un ensemble de cuivres dans un bar avec deux musiciennes avec qui j'ai parlé Selendis et Kwami. À suivre.

Ça me fesse encore sur la tête la construction depuis le petit matin. À chaque coup la bâtisse tremble! Un bon test de patience, je vais être dû d'aller faire un tour dans une pièce remplie de terre où rien ne se passe depuis 45 ans.

jeudi 24 août 2023

studio du Québec à NYC : jours 21-22-23 sur 151

J'ai pris une petite pause. Lundi 21 août j'ai bien été au yoga, puis à un bon concert. J'y ai croisé des visages que me sont maintenant connus, pour quelques uns du moins, et j'ai échangé quelques mots, mais sans plus. La disposition de la salle faisait en sorte qu'il fallait se faufiler tout le long du bar, entre des gens déjà entassés dans l'étroit passage, avant d'arriver à quelques tables à l'avant, à peine assez pour une douzaine de personnes assises et trois places au bar, dont la mienne tout au fond.

21 août @ Sisters, Clinton Hill Brooklyn
série Assembly #8, commissaires : Lester St. Louis, Luke Stewart
Weston Olencki (field drum, programmation, woodblocks en plastique avec dispositif mécanique)
Nate Wooley's Mutual Aid Music [gabby fluke-mogul (violon), Russell Greenberg (percussion), Madison Greenstone (clarinette), Katinka Kleijn (violoncelle), Lester St. Louis (violoncelle), Josh Modney (violon), Matt Moran (vibraphone), Weston Olencki (trombone), Nate Wooley (trompette, composition)]
duo [Chuck Bettis (laptop, ipad), Jerry Lim (guitare électrique, ipad)]

Entre les sets, DJLSTR aka Lester St. Louis mettait la musique, un mélange très très éclectique qui passait du techno à la musique contemporaine acoustique, électronique, ambiante, pas ambiante, gossante, pas gossante. Personnage intéressant!

Mardi 22 août

J'avais l'intention de me reprendre pour aller voir une pièce de mon ancien collègue de classe Taylor Brook dans le cadre du festival de musique contemporaine TIME:SPANS, mais arrivé la soirée même, j'ai préféré juste marcher sur la rue Orchard. Les tiktokeuses disaient vrai, très cute cette rue. Ce matin là, je n'avais toujours pas de pain, alors j'ai essayé la boulangerie la plus proche : 15,53$ pour une petite miche de sésame. Il me semble qu'à part ma pratique de violoncelle et une grande marche en soirée, il me semble que je n'ai pas fait grand chose ce mardi là.

Mercredi 23 août

Autre petite journée. J'ai rencontré des gens de la délégation du Québec à New York vers 15 h. Avant ça j'ai lu un peu dans un nouveau café, mangé un bagel d'un nouveau deli, j'ai niaisé. Après, j'ai aussi niaisé, puis je me suis motivé à aller nager. Et en revenant, j'ai été voir le site du World Trade Center, si beau illuminé la nuit.

Dans l'après-midi, je me suis intéressé au 11 septembre 2001. Par hasard, en regardant mes options pour me rendre au centre communautaire de l'école secondaire Stuyvesant où je fais mes longueurs, je suis tombé sur le commentaire de quelqu'un qui disait que cette école apparaissait dans le film Monster. Monsters? Party Monster avec Macaulay Culkin et un cameo de Marilyn Manson? Curieux de voir les corridors de cet endroit qui m'est maintenant familier, curieux de voir la salle où je fais mon yoga revisitée par une mégaproduction hollywoodienne, je me suis mis à chercher dans quel film apparaît Stuyvesant High School. Prêt à me laisser absorber par quelque chose d'inutile tout un après-midi encore. Et par hasard, je suis tombé sur complètement autre chose : un documentaire sur le 11 septembre 2001, qui s'intéresse à la perspective des élèves de l'école secondaire Stuyvesant qui ont vécu ça. Vrai que leur école est très très près d'où étaient les tours jumelles, hier en sortant de la piscine ça m'a pris moins de 10 minutes de marche pour arriver au pied de 1 WTC. Alors j'ai écouté le documentaire, puis ça m'a donné envie d'en savoir plus sur les rebondissements pour la reconstruction du site, du mémorial, etc. En voyant les archives, je reconnais le skyline qui m'est un peu familier aujourd'hui et j'ai un meilleur feeling de l'impact que cet évènement traumatisant a pu avoir sur la ville.

Anecdote : la chauffeuse d'autobus m'a reconnu! J'allais vers la piscine, j'entre dans la bus et elle me demande si je descends à North End Ave & Warren St. À vrai dire, j'ai rien compris de ce qu'elle m'a dit après North. Parenthèse : les adresses ici c'est toujours une combinaison de lettres et de chiffres et de points cardinaux, il faut être attentif. J'ai pensé qu'il s'agissait peut-être d'un parcours tronqué, que l'autobus n'allait peut-être pas plus loin que la rue qu'elle venait de me mentionner? Je dis que je débarque à Stuyvesant High School, et oui, c'est ça, elle me dit qu'elle m'a reconnu et que c'est là que j'étais descendu la dernière fois. Bin coudon!

Jeudi 24 août

Aujourd'hui à date j'ai fait de l'admin. Signer des lettres officielles en mettant le pdf de la lettre en format image dans un fichier word pour y insérer la signature que j'avais scanné en 2009 et que je n'ai jamais changée depuis. Est-ce que tout le monde fait ça? Tout le monde fait ça et on fait toustes semblant de rien. Le ridicule ne tue pas. Payer des assurances. Quelques emails. Un lavage. Concert ce soir?

Beaucoup de gros bruit de construction aujourd'hui à l'appart, autant venant de la rue en bas que des travailleurs sur le toit. Ça fuck. Il est temps que je sorte.

lundi 21 août 2023

studio du Québec à NYC : jours 19-20 sur 151

L'atelier avec Max Cookward était génial. Dommage que le club des ésotériques et des kétaines se soit approprié les mots qui en constituaient le titre, car « Movement Meditation Workshop » décrit vraiment bien ce qui s'est passé. Cookward nous a guidé avec sa voix londonienne pendant près d'une heure et demie, tout le monde les yeux fermés et une excellente sélection musicale. Premier exercice : couché sur le dos, s'imaginer debout exactement au même endroit; puis on a 10 minutes pour se rendre à cette position debout; comme gravir une montagne. Autre exercice : debout, s'imaginer qu'on est sur le top d'un immense pilier et que l'océan nous entoure; voir le soleil à l'horizon, le sentir sur sa peau. On est resté au moins une demi-heure si c'est pas une heure chacun sur sa colonne imaginaire, à vivre un cycle complet du matin à la nuit étoilée, avec la canicule de midi, l'orage, etc. Tout se passe dans la tête évidemment, mais l'effet sur le corps est immédiat. Posture. Micro mouvement. Un autre exercice demandait de shake sur place et se débarrasser des épaisseurs qui nous recouvrent. Métaphoriquement. Il disait : « Shed! ». J'ai passé un moment d'atelier excellent et j'étais content que Max Cookward ne soit pas trop intimidant en personne. Il aurait pu. Il n'est pas particulièrement friendly friendly non plus, mais son attitude est tout à fait inclusive, chacun s'est senti à sa place, on était une dizaine. Il redonne l'atelier la semaine prochaine avant de partir. Je crois bien y aller.

Je suis bien content de commencer à comprendre la culture du deli. Excellente option pour les plus petits budgets. En sortant de la classe de danse, je suis donc entré dans ce qui avait l'air d'un dépanneur bien ordinaire, j'ai ouvert grand les yeux et j'ai repéré le comptoir à sandwiches, le long menu d'options, la tinke de café filtre, et finalement toute une mezzanine avec des tables pour s'assoir.

Rémy mange son wrap fait sur mesure au « Federal Gourmet »

Après j'ai été pour nager mais je n'avais pas regardé l'horaire de fin de semaine et ça fermait au moment où je suis arrivé vers 17 h 45. Les jours passent vite ici. Je suis rentré chez moi porter mes vêtements de danse, et go pour un deuxième concert de Tomeka Reid, cette fois avec son quartet. J'ai pris l'autobus pour la première fois! Ça adonnait que c'était la façon la plus directe selon mon guide hautement personnalisé Google.

19 août @ The Stone at the New School, West Village Manhattan
Tomeka Reid Quartet [Tomas Fujiwara (batterie), Mary Halvorson (guitare électrique), Tomeka Reid (violoncelle, composition), Jason Roebke (contrebasse)]

Encore un concert de très haute voltige. Plutôt du côté jazz, free jazz, avec la batterie qui tient bien souvent le rythme — et nous sert un moment donné un énorme solo de roulements et de beats —, la contrebasse qui donne la base harmonique, la guitare pas mal plus free mais qui fait bien quelques accords, des solos de notes avec effets de pitch bend subtils et judicieux, qui double parfois la mélodie. Et le violoncelle a la mélodie, les mélodies plus rythmées que mélodiques de Tomeka Reid. Je la trouve vraiment cool cette violoncelliste là, ce qu'elle fait est peut-être un peu moins pour moi, mais elle trouvé son approche à elle et c'est très incarné, comme il se doit. J'avais l'impression que Mary Halvorson devait se retenir pour ne pas voler la vedette, tout à fait virtuose de son affaire celle-là. Je comprends pourquoi elle est si connue et reconnue.

Dimanche 20 août

À court de lait d'avoine et de pain pour mes toasts dorées, je suis sorti au deli le plus proche me disant qu'ils devaient bien avoir ça. Et finalement il faisait si beau que je me suis laissé tenté par une table en chemin — je dis en chemin, il faut savoir que le chemin en question c'est 3 min de marche de chez moi au deli... ce qui ne m'empêche pas de croiser sur la rue Prince une galerie d'art, une librairie, la grosse boutique Coach où il y avait une file pour entrer, un resto de paninis, une boutique de weed, une place où ils font de la crème glacée en forme de gros pénis, la boutique Rapha de vêtements chics, 3 cafés, 4 restaurants et 2 places de jus pressé avant d'arriver au deli — pour un café et une chocolatine. Total 15,91$ en argent canadien, à ce prix là je ne suis pas du tout senti mal de rester près de deux heures à lire et faire du people watching sur la terrasse. Recherche-création. Puis au deli, il y a vraiment de tout, mais pas de pain tranché! J'apprends.

Je me suis motivé à une bonne pratique de violoncelle, puis une bonne session de nage (je m'y suis rendu en autobus, j'y prends goût) puis j'ai été dans le fameux quartier Williamsburg à Brooklyn, prime destination où la gentrification a poussé les hipsters il y a quelques années. J'ai vécu un premier moment de confusion en métro en transférant entre la ligne « 2 » et la ligne « J ». Il faut savoir qu'historiquement trois compagnies compétitionnaient pour desservir NYC en transport en commun sur rails. La nomenclature des parcours en chiffres ou lettres et un héritage de ça. Et ce n'est pas parce que le service de métro est maintenant unifié que les endroits où les anciennes compagnies se croisaient sans se croiser sont maintenant à l'abri de toute confusion. Je suivais donc les indications pour « J, Brooklyn » et je tournais en rond. Monte les marches, va jusqu'au milieu du corridor, descends les marches, arrive au bout, flèche à l'envers, reviens à l'autre bout, remonte les marches, etc. Je me suis obstiné à ne demander mon chemin à personne, car j'étais bien et de toute façon j'étais en avance : le concert était annoncé à 18 h, il était 18 h 30 et il me restait 30 min de transport à faire. J'ai fini par trouver, il s'agissait de se rendre vraiment au bout du corridor où pointait la première flèche et où miraculeusement en montant l'escalier on se retrouve à un endroit complètement différent. Sur le quai du J, quelqu'un m'a demandé le chemin pour aller trouver la ligne « 4-5 » et j'ai pu lui expliquer. Je l'ai vu s'éloigner en ne suivant pas mes directives, revenir sur ses pas et prendre le bon corridor avec un visage heureux.

Je suis arrivé tout à fait à l'heure au concert, car finalement ça a commencé à 20 h, dans le fond d'un magasin de disques. Un autre très très bon concert! Wow!

20 août @ P.I.T. Property is Theft, Williamsburg Brooklyn
duo [Kwami Winfield (électroniques, trompette), C. Spencer Yeh (électroniques, violon)]
Sinonó [Isabel Crespo Pardo (voix), Henry Fraser (contrebasse), Lester St. Louis (violoncelle)]

Depuis quelques jours, je trouve qu'il me manque un peu de vie sociale. Je mange du concert en masse, je vois des choses, je lis, je pratique le violoncelle enfin à la cadence que j'ai toujours voulue, mais je ne parle à personne. Je ne chill pas au café avec un·e ami·e. En sortant du concert, je n'ai personne avec qui échanger nos impressions. Il y en a qui ne supporteraient pas, mais moi ça me va pour l'instant. Et je sais que, pour une fois, une rare fois, les choses vont changer si je continue à faire exactement ce que je fais en ce moment.

Au concert d'hier, seul parmi la foule d'une quinzaine de personnes à l'extérieur du petit magasin de disques à Williamsburg, entre les deux sets, je me suis rendu compte qu'en plus de ne chiller avec personne, ce qui me manque c'est de ne pas être reconnu par ma communauté. En temps normal, que ce soit à Québec, Montréal ou Berlin, je vais à un concert et on me repère pour qui je suis. Sans nécessairement converser (il y a des bonnes chances que ça ne me tente pas de toute façon), on passe et on me fait un salut de la tête peut-être, je vois passer le regard qui se remplit pendant un bref instant de « Rémy Bélanger de Beauport, violoncelliste improvisateur, Québec ville » et autres éléments de cette performance de la vie que je donne. Ici, je suis tout à fait anonyme.

Enfin pas tout à fait. En attendant le début du concert, Kwami est passée ma saluer et on s'est dit qu'on se reprendrait pour faire de la musique ensemble pour une première fois cette semaine, peut-être jeudi ou vendredi. À la pause, Selendis la vibraphoniste tromboniste est venue me voir aussi pour se présenter car on se croise souvent dans les shows, puis à la fin j'ai jasé avec un de leurs amis qui a déjà joué à Québec. J'oublie son nom, un guitariste.

Et j'ai parlé à Lester St. Louis, le violoncelliste, et lui, il m'a vu tout de suite. On ne se connaît pas du tout, sinon que j'avais vu son nom passer dans la programmation de No Hay Banda à Montréal il y a quelques mois, j'avais checké ses affaires un peu et j'avais été déçu de ne pas pouvoir aller le voir. Aussitôt que je lui ai dit que je jouais du violoncelle, j'ai senti qu'il m'accueillait dans son cercle. J'étais très curieux de son set-up de violoncelle sans cordier. De loin on dirait que les cordes partent du chevillier comme d'habitude, passent sur le chevalet comme d'habitude, puis, surprise, se rejoignent au niveau de la pique sans autre morceau de bois. Je « fais mes recherches » ce matin, et je trouve. Le violoncelliste Seth Parker Woods a aussi ce set-up, je me rappelle du post instagram où il en avait parlé en 2020. Lester et moi, on jase donc de ça et tout de suite il fait le geste de me passer son violoncelle pour que j'essaie. Woh hé hé non non quand même. Il me propose spontanément qu'on se fasse une session. Oui. Je lui parle de mon archet montréalais, de mon set-up d'archet en crins noirs (très inhabituel) et on va se faire un échange d'essais. Ah, et il est vraiment vraiment bon, j'adore sa relation au violoncelle quand il joue. Son archet a l'air de tracker en sacrament, hâte de voir ça dans le gros appart vide du CALQ.

Lundi 21 août

Cette semaine j'ai envie de me lever un peu plus tôt et connaître des matins new-yorkais. C'est peut-être incompatible avec tous les concerts que j'ai à voir, qui se terminent parfois tard. Une intention.

Les matins de soleil de NYC à l'appartement


J'absorbe la ville
La ville m'absorbe

Demain ça fera 3 semaines que je suis ici. Je vais attendre que ça fasse un mois avant de comptabiliser le nombre de concerts que j'ai vus à date. Pour les statistiques. Aujourd'hui, c'est lundi et c'est le yoga à 18 h, troisième fois. Avant ça, je ne sais pas trop. Il fait encore tellement beau j'en reviens pas, je vais aller lire quelque part. Et après le yoga, j'ai l'embarras du choix : il y a un concert du côté musique de concert, musique contemporaine dans le cadre du festival TIME:SPANS auquel je ne suis toujours pas allé, avec une pièce de mon ancien collègue de classe de McGill en composition Taylor Brook, pas si loin de chez moi dans le quartier Hell's Kitchen à l'ouest de Times Square; et il y a un concert commissarié par Lester St. Louis et Luke Stewart à Brooklyn dans lequel va jouer un ensemble où il y a habituellement la saxophoniste Ingrid Laubrock, que je connais d'un projet à Rimouski il y a plusieurs années. Ok, on sait où je vais aller.

samedi 19 août 2023

studio du Québec à NYC : jours 17-18 sur 151

17 août @ Wee Space, East Village Manhattan
Webb Crawford (vielle à roue de type boîte « symphonie hurdy gurdy »)
Izzy Casey (poésie)
duo Barsky/Grollman [Jeff Barsky (guitare électrique), David Grollman (poésie, balloune, caisse claire)]

Je suis arrivé en retard, parce qu'avant ça j'avais marché une demi-heure jusqu'à la piscine, lu une demi-heure, nagé 2 km en une heure, marché une demi-heure pour revenir, mangé des pointes à 99¢ en chemin, marché une demi-heure pour me rendre au show. Ça se passait dans le petit appart de David Grollman au 10e étage. Excellent concert. Grollman est un virtuose de la balloune. Webb Crawford est vraiment dans son élément sur cet instrument étrange, j'ai hâte de l'entendre à la guitare un jour, sa spécialité. J'ai salué tout ce monde là et échangé quelques mots.

Dans la nuit, grosse panique dans le bloc appartement. Gros orage dehors, les éclairs rapprochés en même temps que le tonnerre. Un moment donné je vois comme un soupçon de orange dans le haut des stores fermés de ma fenêtre. Coudon, est-ce que le toit est en feu? Je me lève et la lueur orangée était finalement le rouge de deux camions de pompier devant chez moi. Pas d'alarme ici. J'ouvre la porte de mon appart. Et devant moi les chutes Niagara dans la cage d'escalier! Qu'est-ce que je fais qu'est-ce que je fais? S'habiller en vitesse : pantalons noirs, t-shirt Interligne, je sauve un gilet Club Monaco, porte-feuille et clés dans mes poches. Dans mon sac à dos vite vite mon ordi, mon Proust. Je descends l'escalier, sous la douche littéralement. J'arrive au rez-de-chaussée au moment où les pompiers allaient défoncer la porte. Je leur ouvre. What's going on? Personne ne me répond. Les pompiers entrent, je reste dans l'entrée. Je texte la délégation du Québec à NYC pour les tenir au courant. Est-ce que je vais devoir aller à l'hôtel ce soir? Est-ce que mon violoncelle...? Une heure plus tard, permission des pompiers de regagner mon appart. Tout est beau de mon côté. On laisse le panneau électrique fermé jusqu'à nouvel ordre. Je parle à quelques voisins. Une histoire de drain bouché sur le toit. J'aide mon voisin de palier : alors que moi je n'ai absolument rien, lui son appart est complètement inondé, au moins un pouce d'eau par endroits. Je lui amène un chaudron, que je trouve bien inutile pour toute l'eau qui coule du plafond. Il est assez paniqué, dans sa robe de chambre complètement détrempée. Je lui amène toute une pile de serviettes pour contenir le lac. On tasse des meubles. Une heure plus tard, le surintendant entre chez moi sans trop frapper, je le comprends. Il gère. Il constate que tout est beau chez moi et me donne le ok pour rallumer l'électricité. 7 h 30 du matin, je peux dormir quelques heures.

Vendredi 18 août

J'ai commencé la journée au Tribeca Bagels. Anecdote : je cherchais un endroit pour un bagel new-yorkais et j'avais vu ce nom là passer comme un classique, authentique. J'avais aussi vu un café de hipster dans mes recherches, le Now or Never. Peut-être une meilleure option pour ce matin? J'arrive et il n'y a plus rien pour faire les déjeuners. Dans mes recherches, j'avais aussi vu passer une boulangerie, le Crispy Heaven juste à côté. Peut-être qu'une chocolatine serait la meilleur option ce matin? J'arrive et il y a juste des pains. Et des déjeuners genre sandwich aux œufs à 20$. Fuck off, direction Tribeca Bagels. J'arrive en face, je vois bien l'enseigne, le logo, mais je ne trouve pas la place. Je regarde dans le hall de l'hôtel voisin, peut-être que l'entrée s'y trouve? Non. Je regarde le dépanneur qui est là, peut-être que le Tribeca Bagels est au fond? Sur le côté? Mais non, le dépanneur, c'est le restaurant. La tradition du deli new-yorkais. Un deli finalement, c'est carrément un dépanneur, mais il y a un menu, un employé aux sandwiches, et j'ai pu m'asseoir en plein milieu de tout ça sur un long comptoir. Café filtre et bagel fromage à la crème : 6$.

Ensuite je me suis occupé de ma demande d'indemnisation à Air Canada pour la journée de retard le 1er août. J'avais complètement oublié. Je pense que ça ne donnera rien, mais la seule façon de savoir c'est d'essayer. Au pire, rien n'arrive. J'ai fait un peu de travail pour le GGRIL, de la pub pour notre appel d'œuvres. J'ai commencé une démarche pour avoir accès à un violoncelle de 1830 restauré par le CCQ. Beaucoup de bouteilles à la mer.

Puis, Central Park enfin. Première visite, je suis charmé. Puis, un concert.

18 août @ The Stone at the New School, West Village Manhattan
ARTIFACTS [Nicole Mitchell (flûte, voix), Mike Reed (batterie), Tomeka Reid (violoncelle)]

Incroyable trio. Tomeka Reid, super violoncelliste vraiment plus du côté du groove en pizz, mais qui fait pas mal d'affaires à l'archet aussi. Je retourne la voir ce soir avec son quartet.

Samedi 19 août

J'écris ceci à toute vitesse avant de faire quelques étirements en vue du Movement Meditation Workshop avec Max Cookward. À suivre.


 

jeudi 17 août 2023

studio du Québec à NYC : jours 15-16 sur 151

Mercredi 16 août

Une super réunion vidéo pour commencer la journée. Puis un café au Think Coffee : très platte comme endroit, j'ai envoyé quelques emails. Dîner au Dominique Ansel Bakery où il y a toujours une grosse file : pas pire, j'y retournerai. Lecture à la bibliothèque publique de New York : wow, énorme bâtisse historique, toute en marbre à l'intérieur, plusieurs étages de grand hall sans qu'on voit trop où peuvent bien être les livres, l'endroit est inondé de touristes, mais l'atmosphère bibliothèque est conservée, j'ai lu quelques pages de Proust. À 17 h, concert de la série Pioneer Works à Times Square!

16 août @ Times Square, Midtown Manhattan
the Chutneys [Gelsey Bell (voix), Chris Cochrane (guitare électrique), Fast Forward (percussions)]

Après ma déconfiture de la semaine passée, j'étais prêt à tout pour cet autre concert à Times Square. Et j'ai été servi! Un de mes concerts préférés à date. Le guitariste Chris Cochrane est un vieux de la vieille, même sa guit et son amplis sont vieux, et il est tellement bon! tellement lousse dans sa gestuelle, avec parfois de la grosse distorsion, parfois juste du bruit de fond, des bleep bloop tik tik blab. Le percussionniste Fast Forward est aussi un vieux de la vielle, clac cloung dong flik pshhh rrrrr qui joue avec toutes sortes d'objets, principalement ce qu'on trouve dans une cuisine de restaurant : casseroles, chaudrons, grosses cuillères à friture. La tâche n'est pas facile pour la chanteuse, d'intégrer un duo comme ça, qui ne donne pas beaucoup de support. Et elle prend sa place de la meilleure façon : en n'essayant même pas de leur ressembler. Ça donne un trio à la fois impossible et parfaitement équilibré.

The Chutneys à Times Square, gros highlight

Le contexte de Times Square demeure très étourdissant et bizarre, avec toutes ses publicités aveuglantes, le ciel qui n'existe presque plus derrière les gratte-ciels qui surplombent et semblent se replier vers l'intérieur, les LEDs à l'infini, la marée humaine, l'excitation; l'excitation et la stasis en même temps, c'est ça, tout bouge, tout frétille et clignote, mais rien n'évolue, les chaises rouges sont là comme la semaine passée, le méga H&M, le stand à saucisses, tout le mouvement est condensé et tourne sur lui-même, les touristes interchangeables, une friteuse à humains.

Jeudi 17 août

La semaine passe bien vite. C'est la résidence de la violoncelliste Tomeka Reid à The Stone depuis hier et il faut absolument que j'aille voir un ou deux des quatre concerts de file qu'elle présente, toujours avec du monde différent. Hier, finalement je n'avais plus l'énergie en revenant de Times Square. Ce soir, il y a Webb Crawford qui joue quelque part. Je veux faire une pratique de violoncelle aussi (pas de nouvelles du voisin, et de toute façon c'est la symphonie de bruits de construction ici aujourd'hui). Et je veux retourner nager. Go.

À mon agenda pour les prochaines semaines :

21 août @ TIME:SPANS : entre autres une pièce de mon ancien collègue de classe le compositeur Taylor Brook

9 septembre @ Issue Project Room : BEAM SPLITTER [Audrey Chen (voix, électroniques), Henrik Munkeby Nørstebø (électroniques], duo [Roscoe Mitchell (sax), John McCowen (clarinette)]

21 septembre @ Columbia University : Zorn@70 music for strings avec entre autres le violoncelliste Michael Nicolas

27 octobre @ NYPhil : Zorn encore, et autres musique contemporaine, orchestre

16 novembre @ Columbia University : Zorn@70 avec Barbara Hannigan!


mardi 15 août 2023

studio du Québec à NYC : jours 13-14 sur 151

13 août @ Roulette, Brooklyn
Zorn@70 at Roulette Part 2 : Cobra [Trevor Dunn (basse électrique), Wendy Eisenberg (guitare électrique), Sae Hashimoto (vibraphone, percussions), Taylor Levine (guitare électrique), Brian Marsella (piano), Ikue Mori (électroniques), Michael Nicolas (violoncelle), Miles Okazaki (guitare électrique), Jorge Roeder (contrebasse), Alexandra Simpson (alto), Ches Smith (batterie, percussion), Kenny Wollesen (batterie, vibraphone), John Zorn (composition, prompter)]

Concert incroyable à tous les niveaux. Superbe salle pas trop petite pas trop grande (je suis arrivé une heure d'avance pour être bien sûr, tout d'un coup, et à ma grande surprise une file à l'extérieur commençait à entrer), superbe balance de son, pas facile pour ce genre de contexte. Aussi superbe direction d'un John Zorn très enthousiaste et très fier de son band. De temps en temps, il se retournait un peu vers la foule en ayant l'air de vouloir dire « avez-vous vous ça? non mais avez-vous vu à quel point mes musicien·nes sont extraordinaires? »

Dans le cadre de cette pièce, John Zorn se donne le rôle de prompter et c'est un mot très intéressant et bien choisi. Traditionnellement, un prompter c'est un souffleur au théâtre, la personne en coulisses qui aide avec une réplique ou une partie de texte. Mais le mot est aussi simplement le suffixe -er (-eur en français, la personne qui fait l'action du mot, souvent un verbe, comme le skieur fait l'action de skier) ajouté au mot prompt qui veut dire : soit, comme en français, la promptitude; soit une idée de départ, dans le sens d'une writing prompt par exemple, un sujet donné comme partance pour l'écriture; soit la personne qui fait l'action de mettre une autre personne en action. Devant l'ensemble, Zorn était vraiment tout ça comme prompter : souffleur, pousseur, encourageur, très rapide et clair sans jamais être despote. Les musicien·nes sont en bonne partie en charge de proposer les évènements dans cette pièce, et Zorn relaie l'information. Mais il ne voit pas tout, ou choisit de ne pas tout voir! Vraiment un bon chef. J'ai écouté une entrevue récente où il dit que depuis toujours, il écrit de la musique avec l'intention de fournir aux musicien·nes des occasions d'être mis·es en valeur. Ce dimanche 13 août à la légendaire salle Roulette, j'en ai eu un bon exemple avec la présentation de quatre versions Cobra.

Dans l'orchestre, tellement de bon·nes musicien·nes. Je ne connaissais pas du tout le violoncelliste et je lis sur son site qu'il est d'origine canadienne-française et taïwanaise, né au Canada, déménagé aux États-Unis, gradué de la prestigieuse Julliard, membre de l'International Contemporary Ensemble, du quatuor Brooklyn Rider, invité de plein d'orchestres. Personne ne m'avait parlé de lui avant, come on, mes collègues dorment au gaz. Tik tik tik. Anecdote : mon réveil-matin est une musique choisie au hasard parmi une sélection d'environ 3000 fichiers, et ce matin je me suis réveillé en sursaut parce que j'ai cru que quelqu'un voulait allumer et faire exploser mon poêle quand j'ai entendu le « tik tik tik tik » du début de Plateau, sur Meat Puppets II. C'est vraiment le même son! Pas tant.

Lundi 14 août 2023

Lundi relax. J'ai lavé le plancher de la cuisine, que je trouve graisseux depuis le début. Je me demande si les autres résident·es allaient nu pieds comme moi. Je me demande aussi avec quoi les gens nettoient, car je n'ai trouvé aucun produit à date en cherchant les armoires. Est-ce que Michel Tremblay a passé la moppe quand il habitait ici, comme je m'apprête à le faire dans quelques jours, ou est-ce qu'il y a du monde qui sont trop hot pour ça et à qui on fournit un service de ménage?

Lundi relax. Pratique de violoncelle. Pas de nouvelles du voisin. En regardant vers chez lui à partir de la rue, j'ai remarqué qu'il semble avoir des climatiseurs installés dans chacune de ses fenêtres. Si son appartement est fait comme ici, ça fait 4 climatiseurs pour une seule grande pièce. Et si tout ça est allumé en même temps, ça doit faire un de ces vacarmes. Il peut bien marcher comme un éléphant et ne pas se plaindre de mes pratiques.

Lundi relax. Je n'en parle pas beaucoup, mais cette résidence à New York arrive en même temps que ma relecture d'À la recherche du temps perdu, de Proust, relecture dont je m'étais fait la promesse il y a 20 ans quand j'ai lu le livre pour la première fois. Je passe donc beaucoup de temps anachronique, anagéographique, comme enveloppé dans les décors dont Proust me fournit les impressions, parmi la bourgeoisie française du début du XXe siècle, les salons, les coteries, les désirs et tourments amoureux universels, les épiphanies artistiques du narrateur, etc. Quel chef d'œuvre. En ce lundi 14 août, je pensais à ça, entre deux paragraphes — il n'y a pas beaucoup de paragraphes — du deuxième tome, À l'ombre des jeunes filles en fleurs, relevant la tête d'un épisode particulièrement émouvant, quittant Odette de Crécy, M. Swann et Gilberte pour retrouver la Thompson Street et son très générique Drip Drop Café dont j'étais en train d'essayer la terrasse, avec mon café et muffin pour 16,24$ canadiens (un record).  

Lundi relax. Soir de mon cours de yoga, ça fait du bien d'avoir au moins une chose qui se répète dans la semaine; toujours une aussi bonne classe avec la prof. Puis pour continuer dans la répétition, comme la semaine passé j'ai fait suivre mon yoga par un show au CARA.

14 août @ Center for Art, Research and Alliances, West Village Manhattan
Commissaires Anka Raczynska et Rat Porridge de Voluminous Arts
Tivali Tanay Thomas aka DOLLNXTDOOR (électroniques, DJ, poésie, performance)
Anka Raczynska (alto, alto électrique, électroniques)
Mercury Symbol aka Adonis Staten (no-input mixer, électroniques)
Rat Porridge (électroniques, voix)

Encore une fois, les décibels ont monté. J'ai ouvert mon bon vieux Decibel X, une app que je me rappelle avoir downloadé un soir à Berlin en 2018 (ou 2016?)  quand, dans un sous-sol écho à plafonds bas dans lequel on blastait du techno vraiment ordinaire, je m'étais demandé si je n'étais pas en train de me causer des dommages irréparables aux oreilles. Spoiler alert, ce soir là je m'étais fait rembourser mon billet et j'étais parti! Pas de billet à me faire rembourser hier, c'était gratuit. Et je pense que c'est vraiment pertinent la musique très forte, faite de bruits, de contrastes, la musique qui pousse le système de son à bout au point que ça sentait le plastique brûlé jusqu'à moi, au fin fond du corridor devant la salle. C'est une musique d'agression et ici de la recevoir telle quelle par des gens qui subissent la plupart du temps les préjudices et la violence au quotidien, c'est spécial et rempli de significations. J'ai mis mes écouteurs sur mes oreilles, une mesure de protection si facile comparé à ce que ces artistes doivent parfois faire pour se sentir en sécurité. Pour les 5 minutes où j'ai utilisé le Decibel X, il a enregistré une moyenne de 95 dB, avec un peak à 105 dB. Danger danger. Et je n'étais même pas dans la salle même quand j'ai pris ces mesures. L'organisation distribuait des bouchons à tout le monde.

Ça serait vraiment mal vu ici de brimer l'expression de quelqu'un. Par exemple, demander de jouer moins fort. Dans le contexte particulier de l'art comme ce concert, mais aussi en général dans la rue. Je n'ai pas vu de mouvement de panique de l'organisation quand ça s'est mis à sentir le plastique surchauffé. Advienne que pourra. Le matériel se remplace alors que l'occasion, le moment présent méritent la plus haute considération. Et moi qui m'en fais pour le voisin, ce n'est vraiment pas la vibe. 

Mardi 15 août

À la veille de la nouvelle lune, j'ai envie de faire de la musique et mon réseautage ne va pas vite, alors ce matin j'ai court-circuité et j'ai pris une chance d'écrire directement à Kwami Winfield, voir si ça lui tentait qu'on se rencontre pour un duo. Elle m'a répondu tout de suite positivement pour demain après 18 h. Euh ok!

J'ai été déjeuner au Landmark Coffee Shop, une binerie qui semble avoir survécu à la gentrification avec son menu très de base, très pas cher, très pas grano. J'ai pris le déjeuner N°1, deux œufs, rôties, petites patates et café, pour 7,95$. On ne demande pas quel genre de pain et quel genre d'accompagnement, c'est du pain blanc et la bouteille de sauce rouge. J'ai marché devant la boutique Supreme, fermée le temps de recevoir la nouvelle collection d'automne; ça fumait des gros pétards devant! Ensuite j'ai fait un peu d'épicerie au Whole Foods. Là j'écris et je fais un lavage. La construction se poursuit sur le toit ici, je suis dans un univers de bruits.

Ce soir : natation et peut-être un concert. La semaine passée, après avoir été nager mardi soir, j'avais été à un concert au sous-sol cuisant et suffocant du magasin de disque Downtown Music Gallery, qui semble présenter des concerts tous les mardis, et je répéterais bien l'expérience. L'info n'est pas encore disponible, à suivre. Sinon, il y a 5 shows de musique improvisée parmi lesquels choisir à Brooklyn, 1 show à Queens, il y a Bill Frisell en quintette au Village Vangard et il y a le festival TIME:SPANS qui présente un concert de musique contemporaine. Aussi, j'ai le droit de prendre un break.

dimanche 13 août 2023

studio du Québec à NYC : jours 11-12 sur 151

La cuisinière au gaz, ça me stresse. Tik tik tik tik tik et la moitié du temps la flamme n'apparaît pas. Du gaz sort, je le sens, l'odeur typique. Alors j'allume la fan du poêle, j'attends que le combustible invisible se disperse. Je l'imagine se répandre dans la pièce, lambeaux de nuage ou masses comme la cire dans une lava lamp tout autour de moi. J'imagine l'une de ces poches de gaz vagabondes retrouver la flamme quand enfin ça allume. Explosion! Mais non, ça va, les toasts dorées sont toujours aussi délicieuses, leur cuisson même meilleure. N'empêche que ça stresse le gaz, le feu, voyons donc.

Vendredi 11 août

J'ai pris une bonne marche le long de l'Hudson (fleuve du côté ouest de Manhattan) en me rendant à la piscine pour les longueurs. Le soleil dardait, et moi qui suis très résistant, pour ne pas dire fervent, de chaleur, je suis impressionné encore une fois par les New-yorkais·es qui ne semblent pas du tout affectés par la chaleur. Les rayons m'arrivaient directement sur la tempe droite, dédoublés par la surface réfléchissante de l'eau, passaient entre ma casquette et mes lunettes de soleil et formaient comme une boule incandescente entre mon œil et le verre, au point que je réorientais ma tête périodiquement pour chasser la sensation. Pendant ce temps, plein de gens autour de moi, chez qui j'observais à nouveau deux phénomènes opposés, mais très communs et surprenants que j'ai remarqué à NYC :

- les personnes habillées en long quand il fait très chaud. Il me semble qu'au dessus de 30°C (86°F pour parler local), on s'attend à voir les gens en short shorts et en cami côtelée bretelle spaghetti du Simons. Mais non, le pantalon long est tout à fait majoritaire dans les rues de Manhattan. Pourtant, on voit bien les t-shirts collés sur les corps, la sueur qui perle sur les visages, ce n'est pas comme si les New-yorkais·es avaient évolué back chez les reptiles. Plus rares mais quand même fréquentes, je vois aussi les manches longues apparaître par temps très chaud. Mes hypothèses : 1) il peut faire bien plus chaud que ça ici, je n'ai pas connu les vraies canicules new-yorkaises, et à ce point-ci de l'été les corps seraient bien adaptés; 2) la climatisation est tellement omniprésente qu'il vaut peut-être mieux être habillé en long si on passe une partie de la journée à l'intérieur. 

- deuxième phénomène observable et observé : le gars pas de t-shirt en train de faire sa course comme si de rien n'était. Toujours un gars tout seul, pas de duo de chests, pas de gaggle d'Apollons, il est toujours shapé comme une revue de maillots de bains. On croise le gars pas de t-shirt vraiment n'importe où et n'importe quand, mais assez peu souvent pour être un peu surpris à chaque fois; en voici un en plein jour sur un coin de rue au milieu d'une cinquantaine de touristes, en voici un dans une rue déserte le soir, en voici un au gros soleil sur la rive de l'Hudson, qui ne montre aucun signe de fatigue alors qu'il cuit littéralement, scientifiquement. Et dans ses yeux, rien. Le gars pas de t-shirt est une machine, un personnage de jeu vidéo avec lequel on n'est pas supposé interagir. À la différence du gars pas de t-shirt montréalais, qui nous montre fièrement et stupidement ses gros biceps. À la différence du gars pas de t-shirt de Québec, vieux soûlon désagréable de qui il faut immédiatement détourner le regard, sous peine de se retrouver plongé dans un monologue immanquablement raciste et sexiste.

Après l'observation, la marche, les longueurs et un prudent retour en métro, j'ai été lire avec un café, j'ai été manger des kimbap et j'ai pris une marche espérant trouver un bar où j'aurais envie de m'arrêter. Mais rien ne m'inspirais. Je me suis ramassé un gros beigne au foodtruck et suis rentré bien sagement.

Samedi 12 août

J'ai commencé la journée en m'inscrivant à une classe de danse avec Max Cookward. Suffit le niaisage, je ne suis pas danseur, mais j'ai toujours quelque chose à apprendre des ateliers de danse. Max Cookward est vraiment un excellent chorégraphe et danseur basé à Londres, je suis son évolution depuis plusieurs années sur son instagram. Ce sera sûrement gênant de le rencontrer en vrai, surtout dans le contexte vulnérable d'un affaire de danse, mais qu'importe, c'est New York. Max Cookward travaille souvent avec un violoniste, genre violon amplifié noyé dans le reverb, il a donc une affinité pour le son, les textures sonores. Ça nous fait déjà un point commun. C'est samedi prochain, 19 août, 10-20$ contribution volontaire, et il appelle ça « Movement Meditation Workshop ». Go!

La vue sur l'appartement en me réveillant ce matin là.

Ensuite, j'ai épluché la programmation des mois à venir de l'orchestre philharmonique de New York. La musique classique, vraiment un sport de riche comme en témoignent les prix des billets. Et je comprends que le concert inaugural de saison, avec Yo-Yo Ma et tout, soit un évènement de prestige, de réseautage à 500$+ le billet. Mais le reste de la saison à 80-100$ (110-135$ canadiens) pour même pas des bonnes places, c'est indécent, comme ailleur. Programmation correcte, avec des classiques et toujours au moins une pièce plus récente par contre. Et il y a deux concerts à venir en formule contribution volontaire. Je note le 12 septembre, date à laquelle les réservations ouvrent. Enfin, un seul concert à prix fixe raisonnable, 34$ : une création « pour deux musiciens improvisateurs et orchestre » de Kinan Azmeh and Layale Chaker, une pièce de la compositrice Unsuk Chin (élève de Ligeti) et une création pour orchestre de John Zorn. J'achète. Ce sera le 27 octobre.

J'ai vu passer que le zoo du Bronx offre de rentrer dans une pièce qui contient plus d'un millier de perruches. AMERICA. Je vais peut-être attendre d'avoir des amis en visite pour tenter l'expérience. Quoique! Je suis pas mal la seule personne que je connaisse qui a vraiment envie de cette activité.

Après ces recherches virtuelles, j'ai fait ma pratique de violoncelle en début d'après-midi. Pas de nouvelles du voisin. Puis j'ai été lire au café, le même café où j'avais été hier. Allô, sympathique barista. Ce n'est toujours pas le bon café pour moi, je dois continuer à en essayer d'autres. Puis j'ai été voir un concert dans une galerie d'art. Puis j'ai mangé un club sandwich végane. Puis j'ai été à un autre concert à The Stone. Puis j'ai essayé le fameux Stonewall Inn.

12 août @ Storefront for Art and Architecture, Nolita Manhattan
trio [Ricardo Gallo (piano)
, Samita Sinha (voix), Cecilia Vicuña (voix, poésie)]
dans le cadre de l'exposition Direct Action de Francisca Benítez

J'y ai croisé une saxophoniste vraiment hot que j'avais vu en concert au début du mois passé à Montréal. See you soon yeah.

12 août @ The Stone at the New School, West Village Manhattan
duo ARCADES [Brian Chase (drums), Anthony Coleman (piano)]

À date, The Stone est la salle que je préfère pour les concert. Très vieux jeu de ma part, mais j'aime ça pouvoir m'asseoir proche de la musique sans que ça me feedback dans tête, et j'aime le public attentif et réceptif, qui est là juste pour écouter. Cette fois, pas un concert qui va changer ma vie, mais un très bon concert et un privilège de voir ce duo de vieux amis qui n'ont pas dit leur dernier mot. Anthony Coleman a son propre langage harmonique au piano, un instrument qui cherche tellement tout le temps à se réclamer des traditions soit classique ou jazz. Je ne sais pas comment il fait. En fait oui, j'ai bien vu, bien entendu, il trouve des rencontres de notes ou agrégats qui se tiennent, harmoniquement parlant, sans jamais pasticher les grands maîtres. Quand même un tour de force.


Ensuite, parlant des choses un peu moins pour moi. Ça y est, ça pourrait être le moment du voyage où, immanquablement, je vais chialer sur le fait que j'ai beau être dans la plus grosse ville du monde avec la plus forte tradition LGBTQIA+ militante du monde, je ne trouve nulle part où aller parmi ces belles personnes, par ce que leur musique fucking sucks I hate it I'm triggered. Mais ça n'ira pas plus loin pour aujourd'hui. Après être passé devant le fameux et historique Stonewall Inn une fois, deux fois, trois fois sans oser rentrer, j'ai enfin franchi sa sécurité et sa porte hier. La même playlist de musique de marde pop 2006 comme dans tous les bars gays du monde, les mêmes drag queen dont j'ai manqué tout le show de toute façon, les mêmes gars tous habillés soit le plus platte du monde, soit super efféminés, et bravo à eux de vivre leur true self en toute sécurité. I'm bored. Ceci dit, Stonewall Inn, check. Birthplace du mouvement de libération queer, check.

Plus largement, je suis dans la ville du free jazz et ça, oui j'ai trouvé où ça se passe. Mais je suis aussi dans la ville de Sonic Youth, du No Wave, du punk. Je me demande bien où c'est possible de s'assoir dans un bar et entendre de la musique qui a de l'allure. J'ai ajouté Patti Smith sur mon instagram. Je lis un blog sur les endroits où a habité William S. Burroughs. Je lis une entrevue récente où Thurston Moore parle d'une certaine galerie d'art. À suivre.

Dimanche 13 août

Ce soir, concert de John Zorn qui, à l'occasion de ses 70 ans, dirigera sa fameuse pièce Cobra.

vendredi 11 août 2023

studio du Québec à NYC : jours 9-10 sur 151

J'ai été déçu de moi-même avant-hier. Visite au fameux Times Square voir l'artiste présentée cette semaine par Pioneer Works. Parenthèse en partant, quelle bonne idée d'investir un lieu de type trappe à touristes comme ça avec une programmation alternative. The Commuter Series with Times Square Arts. Ça sonne. À quand La série brunch décriss au Château Frontenac? Mais Times Square. Arrivé fort bien sans problème en métro. Autre parenthèse, le transport en commun ici est vraiment top, je n'en parle pas assez. Tout en temps réel sur google maps, zéro stress, toujours plusieurs options pour se rendre. Parfois très très chaud dans la station de métro, vertisserie™ level, mais chacun sait que ça ne durera pas, car en effet le train arrive en quelques minutes et c'est climatisé à bord. Un bon climatisé là, pas trop froid, pas médical, et on sent que l'air circule, l'oxygène abonde. Je suis donc sorti du sous-terrain vers Times Square avant-hier, panorama 360° et en une seconde j'ai repéré les écritures dans les airs.

TIMES SQUARE un peu partout, des écrans des éCranS des éCRANS. Pour se rendre au carrefour principal, il faut passer dans l'épaisse fumée d'un petit food truck qui fait brûler ses saucisses 100% du temps, passer dans un petit tunnel temporaire à cause de la construction, traverser une petite rue sans attendre le signal avec la centaine de personnes qui fait ça en même temps. Et sur la place principale : asSauT toTaL late-stage capitalism. Même pas, juste une version avancée free market années 80, publicité par-dessus publicité. America. Touristes dans tous les sens. Des écrans des écrans des écrans mais pas des écrans comme on connaît l'écran d'ordinateur, l'écran de télé, pas des projections non plus comme au cinéma ou sur scène, ici les panneaux-réclames sont des systèmes d'éclairage en soi, où chaque pixel de l'image qui bouge, qui clignote sans relâche, est une mini lampe extra puissante. Les blancs sont des flashes de caméra, qui, au lieu de passer, stupeur d'une fraction de seconde, collent indéfiniment, quittent et reprennent selon une valse aléatoire tout à fait incohérente. Au niveau luminosité, le soleil a de la compétition, et il a perdu.

Et moi aussi, j'ai perdu. Times Square 1-0. Mon corps a peut-être reçu les flashes de lumière comme des éclairs dangereux par temps d'orage, au gros soleil, comme des explosions imprévisibles, en avant en arrière sur tous les côtés, en tout cas comme une situation d'où il faut se sortir immédiatement. J'ai essayé de rester, de me placer en retrait plutôt qu'en plein milieu, j'ai mis ma casquette, mes lunettes soleil, mes écouteurs pour diminuer les stimuli, je me suis concentré sur ma respiration, oui respirer plus profondément, come on je suis une bibliothèque à mécanismes de défense; je me suis assis à une table, je me suis éloigné aussitôt, j'ai été parler deux secondes à une musicienne que j'ai reconnue, Kwami qui joue dans Many Many Girls que j'avais vu l'avant-veille, visage familier, présence rassurante, j'ai quand même senti mes genoux fléchir, gotta go, je suis parti vite, repéré Bryant Park, oui fixer un arbre me ramènerait peut-être, le parc est une fourmilière humaine, pas un pied carré sans agitation, chercher les toilettes, m'y re(com)poser un instant, s'éloigner de la foule sans succès, une eau pétillante achetés au frigidaire du CVS, blaster du Messiaen dans mes écouteurs – Harawi chant d'amour et de mort, bon choix après avoir essayé les études pour piano de Debussy bien trop stressantes –, banc dans Madison Park, repartir aussitôt, métro, appart. Je ne suis pas sorti ce soir là! Je suis déçu d'avoir manqué le show de Corrine Jasmin à Times Square, qui avait l'air vraiment cool and chill and inspirante.

Et surtout je me suis trouvé vraiment loser d'avoir cette réaction à quelque chose d'aussi banal qu'une attraction touristique commerciale. Symphonie de la consommation, oui c'est « le carrefour du monde » bla bla bla, 365 000 personnes passent là tous les jours ok, mais au final il n'y a comme « rien » à Times Square. Dans les médias qu'on regarde, qu'on écoute, il y a le contenu, qui m'intéresse, et les annonces, qui interrompent. Times Square c'est « rien » dans le sens que ce n'est que l'interruption, sans qu'il y ait le contenu.

Jeudi 10 août

Je m'étais fait tout un plan de journée lavage séchage étendage pliage business exercices violoncelle natation concert. Je n'ai pas respecté le plan finalement, mais j'ai bel et bien fait mon premier lavage. Moment important du voyage. Comme le moment où on prend ses clés de maison et on les range dans sa valise, en voulant dire : je suis arrivé. Et le premier lavage : je suis vraiment ici. Pendant le lavage, j'ai bien envoyé au moins 4 emails business. Planifier novembre 2024. Eh oui. Aussi, j'ai essayé le rouleau en mousse (back roller) que j'avais spotté dans un garde-robe ici et que je soupçonne avoir appartenu à Marie Chouinard. J'ai suivi une séquence d'exercices sur youtube et ça a fait vraiment du bien, après tout ce stress et les longues marches. Puis, une bonne pratique de violoncelle. Pas de nouvelles du voisin. Puis j'ai été lire et boire un americano trop cher dans un café pas loin. Il pleuvait beaucoup, c'était très beau.

J'ai pris ma revanche sur Times Square, où je suis retourné, armé de mon parapluie. J'ai passé le nuage de fumée de saucisses, subi les flashes permanents, absorbé toute l'overload en enseignant à mon cerveau que c'était safe. Pas question que je me laisse intimider par cette affaire de touriste là! 

Times Square 1-1

Ensuite j'ai fait mon épicerie au Target, dont je prononce parfois la finale dans ma tête à la française comme « budget ». Tarjet. C'est Tyler Oakley qui m'a appris ça. Comme si c'était classy. Mais non. Pas mal les mêmes prix qu'au Whole Foods. Il y avait des dumplings, un bon souper ça. Puis j'ai été voir un concert vraiment hot.

10 août @ The Stone at the New School, West Village Manhattan
duo [Brian Chase (drums), Zeena Parkins (harpe électrique, électroniques)]

Haute voltige. Le drummer en laissait pas passer une, vraiment hyperactif tout en restant assez doux avec des gros build up parfois. La harpiste en déséquilibre constant, dans le bon sens. Je lis sur elle ce matin et j'apprends que c'est elle qui jouait la harpe sur le Unplugged de Hole! Elle a aussi joué avec Yoko Ono, Björk, Lee Renaldo, Pauline Oliveros, John Zorn, Anthony Braxton... ok elle a fait le tour. En même temps, elle a l'air très approchable, genre friendly, j'ai aimé l'espèce de maladresse qui est toujours là dans son jeu. Elle lançait un nouvel album appelé Lace, où Brian Chase ne joue même pas. Pourquoi pas! J'écoute leur duo en 2019 et c'est pas mal ce que j'ai entendu hier. Je me demande si Zeena se prononce djina, Gina, comme le philosophe Žižek se prononce jijek.

Ah les internets! Quelques mots du guitariste de Hole au sujet de la collaboration pour leur Unplugged : « I loved working with Erik [Friedlander, violoncelle], Zeena [Parkins, harpe], and Ralph [Carney, clarinette, tuba, horns]. As musicians, they were way out of our league, but somehow, the melding of their free jazz-slash-John Zorn training with our ethos worked. I wish I could’ve dug in deeper with them. [...] [Courtney Love] kept trying to add songs right up until the last rehearsal and trying to write new ones. I could tell when Erik, Zeena and Ralph were put off by her divadom at times, so Hal and I tried to assuage them. » Assuage. Ouais, pas facile Courtney Love.

En revenant du concert, je suis arrêté pas loin dans un bar où il y avait des drag queens que mes amis connaissent : Jax et LaBeija. La drag n'est vraiment pas une forme d'art avec laquelle j'ai beaucoup d'affinités. Puis deux pointes de pizza et une bouteille d'eau pour 3,50$, ça c'est un deal.

Vendredi 11 août

J'ai commencé à prendre l'ascenseur de temps en temps pour monter au 4e étage, mais je ne me résous toujours pas à utiliser le lave-vaisselle. Alors j'ai ça à faire, pas mal de vaisselle, puis je me reprends pour la piscine que j'ai foxée hier, puis je n'ai même pas encore regardé pour la suite.

Voir des gens comme Zeena Parkins, ça donne vraiment envie de se dépasser.

mercredi 9 août 2023

studio du Québec à NYC : jours 7-8 sur 151

Je viens de passer mes deux meilleures journées à date.

Lundi 7 août

- pratique de violoncelle, pas de nouvelles du voisin
- belle marche d'une demi-heure pour aller au yoga de 18 h, sans utiliser google maps!
- vraiment vraiment cool classe de yoga, prof de type vieille madame douce mais forte, pas trop du côté ésotérique, quand même des moments plus introspectifs, une quinzaine de personnes dans un studio où il fait pas mal chaud, où la ventilation est pas mal forte au point que je manque quelques instructions, peu importe, public majoritairement de vieilles madames sympathiques, quelques dudes low profile, vraiment une excellente classe de yoga, je suis sorti de là et il me semble que je n'avais jamais si bien respiré à NYC à date.
- fin de la classe à 19 h, et j'avais le show à aller voir à 19 h. En embarquant dans le métro, je vois dans le wagon suivant la prof de yoga et on se salue. Ça! Ça j'aime ça. Un visage connu. J'arrive au Center for Art, Research and Alliances à 19 h 30 et des poussières, oui j'avais RSVP, on me fait entrer. J'ai manqué les premières notes de LL Celestine, alto et beaucoup de pédales de loop et de reverb.

Puis, le set de Ikue Mori. Elle nous a offert une vraie pièce de musique électronique en temps réel, est-ce qu'on dit acousmatique? En tout cas elle est vraiment une grande maître de son affaire. J'ai reconnu certaines des sonorités qu'elle utilisait déjà en l'an 2000 sur le disque SYR5 avec Kim Gordon et DJ Olive. Je les avais vus au FIMAV en 2001. Wow ça commence à dater. Difficile de savoir ce qu'Ikue Mori fait live et ce qui est préenregistré, puisqu'elle travaille au laptop. Elle est là assise devant nous avec son ordi comme si on était au Starbucks. Mais la pièce qui se déploie est complexe, changeante, toujours très cohérente, quelque chose d'aérien et aqueux à la fois. Elle a un petit contrôleur qu'elle visite de temps en temps de la main gauche. J'aurais aimé voir l'écran, je me demande pourquoi ça ne fait pas partie de la culture de la musique de laptop; on ne cache pas les touches du piano quand on va voir un concert de piano, ça fait partie de l'expérience de voir les mains sur l'instrument, même quand on ne comprend pas trop ce qui se passe.

Après Ikue Mori, sadnoise a pris le relais. Un autre artiste avec des électroniques, celui-ci debout avec un peu plus de présence corporelle, mais sa musique un peu moins pour moi malgré quelques très bons sons. Définitivement une partie du concert où il fallait porter des bouchons. CARA en offrait aux gens qui arrivaient. Pour ma part, je ne sais pas si c'est anatomique mais je ne supporte pas de porter ça, je n'ai jamais été capable. À l'époque où je jouais du drum très fort, j'empilais deux paires de gros écouteurs pour me couvrir les oreilles. Un peu moins chic en concert. Quand ça devient fort au point d'être dangereux pour l'ouïe, je m'éloigne simplement, quitte à me mettre les doigts dans les oreilles quand ça monte trop. La distance fait que je suis moins connecté au show. En même temps, pour être proche il faudrait que j'entende moins bien? C'est une esthétique avec laquelle j'ai moins d'affinité il va sans dire, et en même temps il y a quelque chose de jouissif dans les sons très forts, les speakers poussés à bout.

Parlant de speakers poussés à bout, le concert s'est terminé avec Many Many Girls. Installation performative toute en déconstruction comme on aime. Trois lecteurs reel-to-reel et un seul long ruban magnétique qui passait par les trois lecteurs et encerclait ce faisant une partie de la foule. Foule dont je ne faisais pas partie parce que ça feedbackait par moment vraiment trop fort. Musicalement, il y avait quelque chose dans les contrastes, quelques sons vraiment très cool. Une esthétique encore une fois très pawn shop 1995. On sent que ça ne tient pas à grand chose, que tout pourrait planter et il n'y aurait plus que le silence. Mais les trois performers ne se gênent pas pour prendre le ruban magnétique à pleines mains, donner un coup de pied sur la table tournante, etc., elles en savent plus que nous sur la robustesse de l'équipement.

Coudon, est-ce que je me prends pour un critique de concert? J'ai passé une belle soirée. Il s'est mis à faire un temps d'orage, ça a changé l'air et c'était parfait. Pointe de pizza sur le chemin du retour. Passé devant le Stonewall Inn, iconique lieu où les luttes LGBTQ+ telles qu'on les connait aujourd'hui ont pris forme. Je m'étais dit que je pourrais arrêter là, mais c'était lundi drag queen bingo, très peu pour moi merci. J'ai fait le reste du chemin à pied jusqu'à chez moi. Belle marche, belle soirée, belle journée.

Mardi 8 août

- rencontre en avant-midi planifiée sur Teams
- café, sandwich, lecture au Mille-Feuille Bakery. J'ai partagé ma table avec une dame qui m'a dit venir ici tous les jours pour voir ses amies depuis près de 50 ans!
- suite de ma lecture juste à côté à Washington Square Park, évidemment sur le même banc que la première fois. Un peu d'épicerie overpriced au Morton Williams Supermarkets en revenant.
- pratique de violoncelle, pas de nouvelles du voisin
- marche d'une demi-heure pour me rendre à la piscine, nage 1500 m, enfin comme avant
- une autre marche d'une demi-heure pour me rendre à un concert dans Chinatown. Concert en quatre parties d'une heure chacune, de 18 h 30 à 22 h 30, intense. J'ai visé voir seulement la dernière partie, où une clarinettiste, clarinette basse, avec qui je jouais à Montréal en 2006-2007 et qui habite à Londres, UK depuis plusieurs années, jouait avec son sextet autrement basé en Italie. So #newyork. Finalement je suis arrivé à temps pour voir une bonne partie du set précédent. Il devait faire 35°C dans ce sous-sol à plafond bas ouf excellent. Vibraphoniste vraiment intense que j'aimerais revoir.
- et une dernière marche d'une demi-heure pour rentrer, en passant par Chinatown le jour des poubelles, ambiance! puis par hasard par la Petite Italie où j'ai spotté un magasin de Noël. Plaie internationale.

Mardi 8 août @ Downtown Music Gallery, Chinatown Manhattan
Antivoid [Samantha Kochis (flûtes), Selendis Sebastian Alexander Johnson (vibraphone)]
sextet [Daniel Carter (saxophones, trompette, flûte), Gary Jones III (drums), Abe Mamet aka Abram Wolfe (cor français), Luisa Muhr (voix), fall raye (sax), Emily Shapiro (clarinette basse)]

En complétant les noms du band comme ça pour l'archive, pour me rappeler, je prends le temps d'en apprendre plus sur chacun et je me rends compte à quel point tous ces gens que j'ai vus hier ont des feuilles de route impressionnantes. Vraiment excellent drummer Gary Jones III. La musique pouvait bien être bonne, ce n'était pas leur première fois!

Mercredi 9 août

- je prends ça relax, je ne suis pas obligé de marcher 10 km chaque jour, quoique.
- au menu : un show de musique improvisé à Times Square, série Pioneer Works.