dimanche 31 décembre 2023

studio du Québec à NYC : jours 143-144-145-146-147-148-149-150-151 sur 151

21 décembre @ Dream House, Tribeca Manhattan
Studies in The Bowed Disc, de La Monte Young [Jung Hee Choi (archet sur disque de métal), La Monte Young (archet sur disque de métal)]
sur le disque de métal Gong for La Monte Young (1963), de Robert Morris
mis en lumière via Imagic Light, de Marian Zazeela et Environmental Composition 2017 #1 v. 2, de Jung Hee Choi

J'attends dehors pendant une bonne demi-heure. Il fait froid, on n'est pas habillé comme il faut, on est des New-Yorkais. Connaissant l'espace, je me demande comment tous ces gens vont entrer dans la Dream House. On entre enfin. 3 étages d'escaliers étroits. Il faut enlever les souliers, pas de photos, pas vidéos et on demande de garder le silence. J'aime bien l'atmosphère créée par ce silence, ces rares voix chuchotées. Finalement tout le monde entre sans problème, nous sommes assis en tailleur sur le tapis blanc de la Dream House, devant le Gong for La Monte Young de Robert Morris baignant dans la lumière magenta, bleue, mauve caractéristique de l'espace et de l'artiste visuelle Marian Zazeela qui la signe. Un temps passe, les notes de programme sont imprimées sur un papier blanc lustré très épais, j'ai l'œil pour la qualité. Parmi les textes, une demande de ne pas applaudir à la fin. Ok. Est-ce que tout le monde est au courant?

Puis La Monte Young entre, sa chaise roulante poussée par un assistant qui l'amène devant la photo de Pandit Pran Nath que j'avais remarquée lors de ma première visite. Je ne suis pas trop au courant de la teneur de cet autre personnage. La Monte Young a l'air d'un vieux motard, jeans noirs, veste pas de manche, avait-il même un manteau de cuir? une casquette de cuir? des lunettes soleil? La barbe blanche pointue pas du tout du style père Noël. Tout un look. Est-ce que c'est pour ça qu'il est passé derrière d'autres amateurs de sons étranges, mais habillés de chemises blanches? Il est aussi accompagné de Jung Hee Choi, une artiste à part entière, bien qu'elle ne soit connue principalement que comme disciple de Young et Zazeela.

La Monte Young est prêt, archet de contrebasse à la main, derrière le disque de métal dont il jouera dans le bas à gauche selon mon point de vue. Jung Hee Choi est prête, archet de contrebasse à la main, devant le disque de métal dont elle jouera dans le haut à droite selon mon point de vue.

C'est parti et dès le premier geste on a toute la pièce. 45 minutes au total? Le disque est amplifié et crée tout un univers de sons grinçants, enveloppants, qui vibrent parfois fort dans le grave, parfois ténus dans l'aigu. Les deux interprètes se regardent l'un·e l'autre de temps en temps, mais jamais leur regards ne se croiseront avant la fin.

Le style de jeu me surprend, c'est ce que je retiens de ce concert. Chacun·e à leur façon, les deux parviennent à jouer sans intention. C'est les mots qui me viennent : jouer sans intention. Sans affect, sans émotion. On me prêterait un gong et un archet de contrebasse en concert et je sais tout suite que j'en jouerais avec passion, avec tout mon corps, avec poésie, avec aplomb, avec fougue, avec retenue, avec nuance, enfin j'en jouerais comme je joue du violoncelle je suppose. Ici, on a quelque chose d'opposé à ça, et tout aussi intéressant. Les deux artistes jouent de l'archet sur le disque. C'est tout. Il y a une tâche à accomplir, et la tâche est de passer l'archet à leurs spots respectifs de chaque côté. Pas de faire une musique avec des hauts et des bas, une narration, une progression. Pas non plus une esthétique de maîtrise sonore statique où c'est tout le temps exactement le même son. Non, le son change, il se passe quelque chose, mais... oui l'intention est importante, ce choix, ce mode de jeu « sans intention » est une intention, l'intention zéro, ce n'est pas un hasard.

Puis c'est fini avec aussi peu d'intention que ça a commencé. Le disque finit de résonner. L'assistant vient chercher La Monte Young. Pas d'applaudissements, personne ne parle, personne ne tousse, personne n'a toussé du concert! J'en reviens pas, quel public! Les gens quittent, nous sommes un peu sonnés.

Vendredi 22 décembre

J'ai rendez-vous avec des amis sur zoom ce matin, c'est bien de se donner des nouvelles. Puis je fais le montage de la vidéo prise avec Levi Lu! Je suis fier du résultat, j'ai travaillé les couleurs, c'est beau. Et la musique est vraiment bien. Levi aime aussi.

Le volume de concerts a passablement diminué sur mon site préféré nyc-noise à l'approche de Noël. J'avais prévu aller voir le concert en l'honneur des 90 ans du grand Phil Niblock ce soir, mais finalement je vais prendre un café, je niaise, c'est correct. 

Samedi 23 décembre

Début de journée qui grafigne alors que le détecteur de fumée se met à couiner à toutes les 40 secondes. Je regarde des vidéos youtube qui m'apprennent que la pile qui doit être faible. Je stresse parce que je ne suis pas bien éveillé et je me demande si les gicleurs ne vont pas partir si je fais un faux mouvement en essayant de décrocher le détecteur. Je ne trouve pas d'interrupteur assigné au détecteur sur le panneau électrique. Le responsable de la Délégation ne répond pas. Je me prépare à sortir chercher une batterie au dépanneur. Juste avant de partir, je sors l'escabeau et manipule le détecteur très délicatement. Il se détache du plafond. Il n'était pas connecté à l'électricité! Je sors la batterie et ça arrête de crier. Enfin je peux réfléchir. Ah tiens, une date d'expiration sur le détecteur de fumée... 2021. Il pouvait bien crier.

Je pense aux Palestinien·nes, qui vivent sous le son des bombes, des drônes, des ambulances, des cris. Moi j'ai eu un « bip » aux 40 secondes pendant une heure et je n'aurais pas pu endurer ça plus longtemps, encore moins travailler, m'organiser, faire à manger, trouver des solutions à d'autres problèmes plus graves. Les réalités ne se comparent pas. Mes pensées inutiles pour Gaza, dans le gros appartement de riche au dessus des sacoches Chanel.

Tant qu'à être prêt à sortir, je passe une partie de la matinée au café, je ne suis jamais sorti aussi tôt de l'appartement. Tout est bien tranquille à 9 h dans Soho.

Pratique de violoncelle, je reprends le travail sur la Particule 2. Puis je vais rejoindre mes amis T. et J., on va souper ensemble avant d'aller voir le nouveau film de Miyazaki au AMC sur la 34e rue. Oui la 34e rue comme dans le film Miracle sur la 34e rue! 

Dimanche 24 décembre

Petite journée. Les anti-fourrure manifestent très près de chez moi devant le magasin Marc Jacobs. Ce sont les mêmes que j'avais vus et entendus près du Louis Vuitton il y a quelques semaines et que j'entendrai de nouveau au Woolrich (traduction libre : laine de riche) dans quelques jours, où on se dépêchera de laver l'attaque à la peinture rouge. Je vais nager en après-midi. Je soupe en lisant dans un petit café italien croisé sur le chemin en revenant. Je m'installe ensuite au violoncelle à l'appartement pour une rare pratique vespérale.

Lundi 25 décembre

Je passe une partie de l'après-midi à lire au Caffe Reggio, c'est bondé de monde. Puis direction Brooklyn pour non pas un, mais deux concerts.

25 décembre @ Ornitology Cafe, Bushwick Brooklyn
Alon Benjamini Trio [Alon Benjamini (drums), Pablo Menares (contrebasse), Tom Oren (piano)]

25 décembre @ Ornitology Jazz, Bushwick Brooklyn
quartet [Jon Elbaz (piano), Henry Fraser (contrebasse), James Paul Nadien (drums) , Mike Troy (saxophone)]
trio [??? (drums), ??? (guitare électrique), ??? (sax)]
duo [??? (voix), ??? (piano)] 

James Paul Nadien est l'un des musiciens que j'aurai vu le plus souvent au cours de mes 5 mois à New York. Ce n'est pas un hasard, il est vraiment bon, énergique, rapide, excessif, inventif, polyvalent, j'aime le voir jouer, et il joue en concert très souvent, toujours dans des contextes différents. Il travaille aussi à Downtown Music Gallery, ce magasin de disques où le propriétaire Bruce présente des concert gratuits de musique improvisée tous les mardis depuis 30 ans.

Je suis bien content de voir que James Paul Nadien joue au fameux club de jazz Ornitology, moi qui me disais justement que je n'avais encore vu aucun jazz dans cette ville si importante pour l'histoire (passée et actuelle) de cet autre pan de la musique. Ça me donne l'occasion d'y aller.

En arrivant à Ornitology par contre, James Paul Nadien n'est pas là et je me dis qu'il doit y avoir eu un changement de dernière minute. J'écoute le concert présenté à la place, un super bon trio à peine amplifié, qui joue leurs versions de pièces de Joni Mitchell. C'est drôle, mais c'est rare que des hommes jouent la musique d'une femme. Pensée comme ça. Les choses évoluent trop lentement. 

En payant ma tisane à la fin de la soirée, je demande au barman s'il reste encore de la musique. Il me dit que non, mais que juste à côté il y a un open jam ou je ne sais trop. Où ça? Au Ornitology. C'est pas ici, Ornitology? Oui, mais... Voilà pour l'anecdote, en bon touriste je ne savais pas qu'il y avait deux endroits distincts, appelés Ornitology, à la même adresse. Mon relevé de carte de crédit m'apprend que l'un est le Ornitology Cafe et l'autre le Ornitology Jazz. Et le rapport entre ornitologie et jazz? Assurément la pièce Ornitology du grand jazzman Charlie Parker, surnommé Bird, l'oiseau. Bon, alors je traverse et je vois la fin du show que j'étais venu voir.

À l'ère de la story instagram, les informations passent et s'autodétruisent bien vite. Je suis chanceux de retrouver sur le site web de Ornitology les noms des musiciens qui jouent officiellement ce soir là avec James Paul Nadien. Puis c'est une scène ouverte. J'aime l'organisation spontanée de la chose, suivant une certaine tradition, les musiciens qui veulent jouer s'assemblent et choisissent une pièce du répertoire. Ce n'est pas trop compliqué puisque le répertoire des standards de jazz dans ce genre de contexte se limite à peut-être 100-150 pièces que chaque jazzman qui se respecte a joué des milliers de fois. Il n'y a pas de présentation, personne ne semble en charge, un groupe se forme, joue une pièce (ça dure une quinzaine de minutes), puis cède la place, j'aime ça. Par contre qui dit standard dit standardisé : le sax joue le thème, puis se prend un solo sur quelques enchaînements des accords du thème, puis il y a un solo de piano ou de guitare ou de l'autre sax, puis l'autre et l'autre, se terminant immanquablement par le solo de batterie en formule 4 mesures instrumentales, 4 mesures batterie seule, 4 mesures instrumentales, 4 mesures batterie seule, etc.

Incursion dans le monde du jazz, donc. Super beau petit bar, bonne écoute de tout le monde, mais la vibe est vraiment différente des concerts de musique improvisée. Premièrement, il n'y a pas de femmes parmi les musiciens. Ou si peu à part d'une chanteuse ce soir là. J'avais oublié cette particularité du monde du jazz et du rock. Pas de femmes, encore moins de personnes trans ou de la diversité de genre. Ensuite, il y a comme une attitude de démonstration technique dans la musique; il semble que chaque soliste doit se prouver, effectuer des prouesses techniques. Au détriment de la musique? Enfin, je trouve que le format du tour de solos limite tellement les possibilités. Ça met tout le monde qui joue, sauf le soliste, en posture d'accompagnement passif alors qu'il pourrait y avoir un bouillonnement d'idées, une bousculade fertile, même en suivant la grille d'accords. C'est ce que j'apprécie des albums plus tardifs de John Coltrane (qui a fini par virer complètement free jazz) et Wayne Shorter (qui est resté plus traditionnel; son album Without a Net, enregistré en concert en 2013, est le meilleur jazz que j'ai jamais entendu : aucun tour de solo, ils y vont au pif selon l'inspiration, ils se coupent, s'influencent, c'est poignant).

Mardi 26 décembre

Rien à signaler en cette journée de l'entre Noël et jour de l'an, où même à New York il y a beaucoup moins d'offre culturelle. J'en profite pour retourner nager une dernière fois à la piscine du Community Center at Stuyvesant High School.

Mercredi 27 décembre

Rien à signaler en cette autre journée de l'entre Noël et jour de l'an. Je fais une bonne pratique de violoncelle, de retour au travail sur la Particule 2, ça avance. Je travaille un peu pour une réunion des comités du GGRIL. En fin de soirée vers 21 h, j'ai envie d'un morceau de gâteau dans une ambiance de café pour aller lire quelques pages de Proust. Eh bien, je suis à New York! le Caffe Reggio a tout ça, jusqu'à 3 h du matin si je veux, à quelques minutes de marche. Je tombe par hasard sur mon ami A., on en profite pour se faire nos adieux. Je vais m'ennuyer de ça à Québec, où même au centre-ville tout est fermé depuis longtemps à 20 h. Et ce qui est ouvert le reste du temps est loin d'être inspirant.

Jeudi 28 décembre

Je suis dans mon sprint final. La journée commence par une session avec K. W. à la trompette (techniquement, l'instrument dont elle joue s'appelle un cornet). On se rejoint à la galerie d'art pour laquelle elle s'implique, un bel espace DIY à la fois dans le feu de l'action, dans le très hip et trash quartier Bushwick à Brooklyn, et comme cachée, façade colorée parmi d'autres façades colorées sous les rails du métro aérien ici. En tout cas l'acoustique est bonne pour le violoncelle dans cette pièce, on joue vraiment bien ensemble. Et c'est un peu un moment de boucle bouclée, car K. W. est la première personne avec qui j'ai joué à New York, le 27 août dernier.

28 décembre @ Williamsburg Brooklyn
Darlin' [Wendy Eisenberg (guitare électrique), Ryan Sawyer (drums), Lester St. Louis (violoncelle)]

Un autre aller-retour à Brooklyn après être rentré porter le violoncelle et manger à la maison. J'aime revoir le trio Darlin' en ce 28 décembre, après les avoir vu une première fois le 1er septembre à Public Records, une salle de spectacle plus officielle où on leur avait donné du « gros » son. Ce soir, la batterie n'est pas amplifié et les idées sont différentes. Je n'entends pas grand chose du violoncelle à vrai dire.

Ça fait réfléchir, tous ces concerts où le violoncelle n'est pas amplifié assez fort. Ça me rappelle l'importance d'être bien équipé et de faire bien attention à la personne au son, s'il y en a une.

Vendredi 29 décembre

J'étais supposé jouer avec S. S. A. J., la tromboniste, aujourd'hui, mais elle a annulé. À la place, j'ai donc une journée d'avance pour commencer mes bagages. Du stock pour 5 mois, il finit par y en avoir partout. Quoique.

Puis j'ai la visite de L. S. L., le violoncelliste. On se promet cet échange depuis des mois et les astres s'alignent enfin! On se fait un café (court, noir) et on jase de la vie un peu. Il essaye mon archet monté en crin noir (la grande majorité des violoncellistes jouent sur crin blanc). J'essaye son cordier sans ébène (la grande majorité des cordiers comportent une grande pièce de bois). Il essaye mon violoncelle avec la pédale Particule 2 (je manipule les pitons). J'essaye son archet de sarangi (ça va me prendre ça). Il essaye de manipuler la Particule 2 (je joue le violoncelle). On joue ensemble sans jouer ensemble, très particulier!

Je crois que c'est la première fois que je rencontre un collègue comme ça, avec qui je partage non seulement l'instrument, mais aussi la pratique en musique improvisée au même niveau. Je me rends compte plus tard que le 29 décembre est la journée internationale du violoncelle. Eh bien! On a bien fait ça. On se promet de se revoir bientôt, soit à Montréal, New York ou Berlin.

Puis je vais rejoindre J. et T. pour un dernier souper ensemble au Izakaya MEW. On va prendre une bière à DBL et je pense qu'en 5 mois à New York, c'est seulement la deuxième fois où je vais dans un bar sans concert. Décidément pas mon truc, ni la bière, ni le bar, mais le temps est bon avec ces deux nouveaux amis. On se promet de se revoir bientôt, soit à Québec, Montréal ou New York.

Samedi 30 décembre

Une journée à finir la bagages et à faire le ménage dans l'énorme appartement. Je tourne tellement en rond! Il me reste trois missions à accomplir avant de partir.


Premièrement, un selfie à la St Francis Xavier Church. C'est ici qu'a travaillé le violoncelliste, compositeur, chef et organiste Antoine Dessane de1865 à 1869. Je m'intéresse à ce personnage depuis que j'ai vu son violoncelle dans la collection du Musée de la civilisation à Québec. En bref — et là je déroule mes connaissances principalement de wikipédia — Antoine Dessane nait en 1826 en France où il se forme en violoncelle, piano et orgue au fameux Conservatoire de Paris. Parmi ses collègues de classe de l'époque, Cesar Franck et Jacques Offenbach auront des carrières pas mal plus remarquées. Antoine Dessane se marie à 21 ans, avec une de ses élèves, avec qui il aura 9 enfants. À 23 ans, les choses ne sont pas faciles suite à la révolution de 1848 en France et il accepte le poste d'organiste et maître de chapelle à la Basilique Notre-Dame dans le Vieux-Québec. Il semble alors être devenu un personnage très important de la scène musicale de la ville de Québec. Pendant 15 ans, il y forme des ensembles, dirige des concerts, joue du violoncelle, etc. en plus de ses fonctions d'organiste. Mais un moment donné ça ne va plus au travail et il accepte un poste à St Francis Xavier Church, New York City, où il déménage avec toute sa famille. 4 ans plus tard, il revient à Québec où il devient organiste de l'Église Saint-Roch. Il continue alors toutes ses affaires, ensembles et concerts en plus de fonder une chorale, écrire un manuel d'orchestration et jeter les bases d'un conservatoire local inspiré de Paris. Malheureusement, la santé ne suit pas et il meurt à peine 4 ans après être revenu à Québec, en 1873 à l'âge de 46 ans (47 ans selon wikipédia, je crois qu'il y a erreur).

Je me reconnais un peu en Antoine Dessane, avec toutes ses activités et compositions, mais surtout ses lieux de vie près de la basilique Notre-Dame où j'ai fait mon secondaire dans le Vieux-Québec et aux alentours de l'église Saint-Roch où j'ai bummé en masse. Il était toutefois un musicien de la tradition classique, à tel point qu'un de ses ensembles, le Septette Club, deviendra après quelques évolutions, bien des années plus tard, l'Orchestre Symphonique de Québec. D'un autre point de vue, Antoine Dessane tout comme moi s'intéresse et défend la musique de son époque. Je serais curieux de voir les œuvres au programme de ses concerts. Choisit-il de jouer la musique de compositeurs vivants? En tout cas, j'ai peut-être un petit projet secret Antoine Dessane, à suivre. 

Deuxièmement, salutations à l'un des plus grands artistes du XXe siècle, l'artiste visuel, artiste conceptuel et artiste en art performance allemand Joseph Beuys. Me voici en compagnie d'un fragment de son œuvre monumentale 7000 Eichen – Stadtverwaldung statt Stadtverwaltung. Encore un peu d'histoire. Invité en 1982 à participer à un festival d'art à Cassel en Allemagne, Beuys fait déposer un énorme tas de pierres de basalte, le tas prenant la forme d'une flèche pointant vers un chêne, devant le lieu d'exposition. Il déclare que pour bouger une pierre, il faudra planter un chêne. S'en suit un travail énorme où, en 5 ans, Beuys et une équipe de bénévoles plantent 7000 chênes, chacun accompagné de sa pierre de basalte. À New York, la fondation Dia s'occupe de 37 arbres (pas tous des chênes, mais rendu là on s'en balance), chacun avec sa pierre, dont 18 sont situés sur la 22e rue entre la 10e et 11e avenues, où je suis sur la photo.

D'après ce que je lis sur l'œuvre, 7000 chênes est politique et sociale. Le sous-titre Stadtverwaldung [« enforestration » municipale] statt [au lieu de] Stadtverwaltung [administration municipale] (ma traduction) met bien l'accent sur le type de monde dans lequel Joseph Beuys et ses collègues de l'Internationale situationniste souhaitent vivre, un monde où la priorité est donnée à l'environnement sur la paperasse. Pour ma part, je suis touché par le jumelage de la pierre et l'arbre. Aveugles l'un à l'autre, ils partagent néanmoins un espace, ils sont en relation. Puis une autre paire pierre-arbre apparaît pas loin de celle qu'on observait, semblable à la première mais différente à la fois, car toutes les pierres et tous les arbres sont différents même quand on reconnaît leurs similitudes. Ah, encore Différence et répétition de Gilles Deleuze qui m'habite! Il y a quelque chose d'émouvant dans toutes ses solitudes qui n'en sont pas, car, au fond, chaque pierre a son arbre, chaque arbre a sa pierre, et chaque paire fait partie d'un ensemble de plus de 7000 paires, car au-delà de Cassels et New York, il y en a aussi à Londres et à Baltimore. 

Enfin, ma troisième mission est d'essayer la grosse baignoire du studio du Québec à New York. Je me rappelle l'avoir vue en juin 2022 quand j'ai su que j'étais pris pour la résidence, et m'être imaginé dedans. En 5 mois, il n'y a pas une journée, pas une soirée, où ça m'a tenté de façon prioritaire au reste de ce qui me tentait. Maintenant, dernière chance et c'est fait. Je me suis rhabillé et je suis allé prendre une dernière marche autour de l'appart. Je vais m'ennuyer de New York. Ouf.

Dimanche 31 décembre

5:30 AM : dernières minutes dans l'appartement, je pars dans quelques instants
6:15 AM : dans un taxi vers LaGuardia, aucun trafic, ça prend 20 min au lieu d'une heure
6:45 AM : évidemment il y avait un problème avec le billet du violoncelle, mais l'employé Air Canada m'a réglé ça sans même qu'on ait à parler ensemble. J'ai une valise qui excède la limite de 50 lbs, mais, comme à l'aller, un glitch du système fait que je n'ai pas à payer d'excédent
7:15 AM : on me fait passer dans la ligne prioritaire pour le scan de bagages, il n'y a pas trop de traffic sinon. Le violoncelle va directement sur le convoyeur avec les autres bagages à main, tout le processus prend moins de 10 minutes

7:30 AM : Eh bien, je suis 3 heures d'avance sur mon vol, prêt à partir. Bagel œuf fromage + café filtre : 20$ (26$ en dollars canadiens). Le soleil se lève, j'ai un beau spot à une petite table à café. J'écris ce qui précède au sujet des 29 et 30 décembre.

9:30 AM : Attente à la porte 52. Embarquement prévu à 9:55, départ 10:20, arrivé à Montréal où je devrai attendre 5 heures. 5 heures et demi même!



13:00 : Je ne sais pas si c'est le réveil aux heures indues, le stress, le charroyage dans des corridors infinis ou une réaction du corps biologique en altitude, mais on se sent tellement sale après un voyage en avion. Ou pendant un voyage qui implique deux avions et 4 h d'attente devant soi. Il me semble que Montréal m'accueille dans toute la grisaille dont elle est capable; gris, brun, et tous les tons apparentés. Décidément, je suis au Québec,

Je suis dans un kiosque à manger générique. Je prends le panini végétarien de la honte (un ciabatta contenant juste un peu de fromage blanc râpé, quelques tomates cerises stériles, qui ont connu de meilleurs jours, de la vieille laitue romaine cheap en courtes languettes et la sauce à salade blanche qui n'a pas d'affaire dans un pain) + américano : 20$ (mais 20$ canadiens cette fois). J'écris ce qui précède au sujet des 24, 25, 26, 27 et 28 décembre.

15:00 : Incroyable que mon laptop ait encore de la charge. Je vais me trouver un autre spot plus près de la porte d'embarquement pour les deux dernières heures d'attente.

21:45 : J'ai eu un lift de l'aéroport de Québec à chez moi d'une amie qui avait eu la plus-que-brillante idée de m'inclure un sac de provisions à manger wow. J'ai fini de défaire mes bagages. Retour chez-soi, il y a un petit délai avant de vraiment se retrouver. On dirait que je ne suis jamais parti. Mais je ne me souviens plus où se trouve telle ou telle affaire. J'écoute des vinyles.

Quelques jours plus tard, le 3 janvier, je complète ce qui précède au sujet des 21, 22 et 23 décembre. Ça commence à faire longtemps.

Il y aura un épilogue. Un bilan du nombre de concerts vus, la liste des sessions que j'ai faites, en duo ou en trio. Mais aussi, le choc du retour; retour à Québec où il ne se passe donc rien pour moi en musique, où les soirs sont vides. Aussi, bilan de toute la paperasse accomplie, le travail de rédaction, les applications, dossiers, etc. il y en a eu beaucoup, beaucoup plus qu'à l'habitude. Et je veux parler de mon expérience à la façon dont Daphné B. parle de son expérience dans le podcast chienne en résidence.

jeudi 21 décembre 2023

studio du Québec à NYC : jours 133-134-135-136-137-138-139-140-141-142 sur 151

11 décembre @ The Parkside Lodge, Lower East Side Manhattan
Vorhees (guitare, électroniques)
Kevin Kenkel (électroniques, synthétiseurs)
Phong Tran (électroniques)

Finalement, le concert où j'avais prévu aller a bel et bien été annulé pour respecter l'appel à la grève mondiale en ce lundi 11 décembre. En parallèle, dans notre monde de paradoxes, d'autres concerts avaient lieu et, en cette dernière soirée avec de la visite de Québec, on a été dans la salle du fond d'un petit bar du Lower East Side assister à un évènement plutôt du côté de la musique électronique ambiante. Il y avait une boule disco sur laquelle était dirigé deux faisceaux bleus, ce qui nous donnait l'impression étourdissante de tenir en équilibre dans un aquarium géant. La musique était bien, mais nos vies n'auront pas été changées par ce concert. ll s'ajoute toutefois à tous les autres que je vois et qui donnent envie de présenter ce qu'on fait seul dans sa chambre, en version vulnérable devant le public. Je me suis rappelé toutes les soirées que je passais, adolescent, à jouer de l'orgue avec l'arpégiateur. J'étais bon! Je n'ai jamais présenté ça à personne.

Mardi 12 décembre

12 décembre @ Roulette, Boerum Hill Brooklyn
AM/FM [gabby fluke-mogul (violon amplifié), Ava Mendoza (guitare électrique)]

Je suis bien content d'être sur la liste d'invités à ce concert, une attention, un honneur, sentir qu'on compte nouvellement pour quelqu'un, même si l'invitation à être sur la liste avait été étendue à toustes les participant·es du Open Box du 3 décembre passé. J'arrive au concert presque en retard, j'entre et je reconnais déjà quelques visages sympathiques qui me sourient et m'invitent à prendre place avec elleux. La musique? J'avais vu AM/FM jouer dans la rue au mois d'août, lors d'un évènement informel destiné aux enfants du quartier, et je note le contraste de retrouver sensiblement la même musique, cette fois dans l'écrin de la prestigieuse Roulette où gabby fluke-mogul bénéficie d'une résidence cette année. Violon aux influences violoneux, guitare très assumée rock. Ne manquait plus que la basse et la batterie, dont l'absence enrichissait probablement plus l'expérience que si elles avaient été ajoutées.

Mercredi 13 décembre

Je retrouve la solitude bienheureuse de l'appartement après une belle semaine de visite quand même. Jour de congé, laver les draps et autres tâches connexes. En fin de soirée j'écoute un deuxième film dans ma série « j'écoute des films qui se passent à New York ». Cette fois, American Psycho. Un classique, un truc assez sanguinolent qui ne manque pas de bien se moquer des jeunes financiers de Wall Street tous pareils. Il y a une séquence marquante où les collègues de travail révèlent tour à tour leur nouveau design de carte d'affaire personnelle. Les cartes sont vraiment presque identiques, mais on nous montre la souffrance extrême du personnage principal, dont la carte d'affaire serait inférieure aux autres. Divulgâcheur : il tue le collègue avec la plus belle carte pas longtemps après. Je n'ai rien appris de bien édifiant ce soir là.

Jeudi 14 décembre

Journée complète de rédaction pour un appel de dossiers en Allemagne. Ça fait longtemps que je le vois venir celui là, mais j'avais d'autres choses prioritaires ahhhh. Je ne vais pas nager, même si c'était le plan. J'enchaîne avec le concert que j'avais prévu aller voir.

14 décembre @ The Stone at the New School, West Village Manhattan
QUARTET 2 [Lotte Anker (sax), Ikue Mori (électroniques), Ches Smith (batterie), Craig Taborn (piano)]

C'est au tour de la grande Ikue Mori d'avoir une semaine de résidence à The Stone. Musique incroyable, j'apprécie réentendre Lotte Anker dans ce contexte plus intime que la semaine dernière à Public Records. Quelle saxophoniste! Elle a tellement sa propre voix. On ne peut pas, en l'écoutant, se dire par exemple ah, tel saxophoniste aurait joué plus vite, tel saxophoniste aurait tenu plus longtemps. En assoyant son langage si personnel, il n'y a aucune comparaison possible. Je dis souvent pour moi-même que je ne peux pas faire partie d'une liste, à moins d'être premier. Je préfère ne pas être listable.

Je suis content d'entendre le pianiste Craig Taborn dans ce contexte plus expérimental que la semaine passée quand je l'ai vu dans le projet de Caroline Davis.

Il y a eu bien des changements dans l'organisation de cette semaine à The Stone, car ni leur site officiel, ni nyc-noise, ni le site officiel de Ikue Mori n'affichent les bonnes informations au sujet des musiciens. Si bien que je demande à Ikue Mori avec qui jouera samedi (un des sites mentionnait John Zorn, fake news!). Je suis content de ne pas avoir été impliqué là dedans. Sérieux, quel bonheur d'une vie artistique riche pour laquelle on n'a absolument rien d'autre à faire que se pointer et profiter. Ça fait changement de toute l'organisation dans laquelle je m'implique habituellement.

Ikue Mori me reconnaît, il faut dire qu'on s'est croisé plusieurs fois. Elle a même l'air contente de me voir, comme quoi. Je pense aller à l'évènement spécial qui souligne ses 70 ans dimanche prochain. Décidément, les 70 ans ont la cote.

Vendredi 15 décembre

Journée complète de rédaction pour l'appel de dossiers en Allemagne. Ça chauffe, les questions sont assez générales, les réponses ne doivent pas dépasser 2500 caractères. Il faut lutter contre la fuite de motivation devant la certitude de devoir remettre quelque chose de bâclé. De semi-bâclé. Je pousse la machine pour que ce soit le moins bâclé possible. Remettre un brouillon, mais remettre le meilleur brouillon possible, et au moins remettre quelque chose. Encore une bouteille à la mer.

15 décembre @ P.I.T. Property is Theft, Williamsburg Brooklyn
Kwami Winfield (électroniques, trompette)
Duo [Brandon Lopez (contrebasse), Fred Moten (poésie)]

Je vais quand même voir un concert ce soir. Je fais bien fait d'y aller. Kwami livre la marchandise encore, je suis impressionné par sa façon de structurer le temps et d'utiliser tous les dispositifs électroniques rudimentaires qu'elle manipule. Puis Fred Moten et Brandon Lopez jouent dans la même veine que ce que je les avais entendu faire le 1er octobre dernier. De temps en temps, Brandon Lopez y va d'une intervention vive qui a l'effet quasiment d'une claque dans face, et le poète Fred Moten s'en sert pour propulser ses mots. Dans ces moments quand même assez rares, j'aime voir Fred Moten un peu surpris, comme tout l'auditoire, sourire en coin parce qu'il aime ça. Il lit un texte avec plein de mots se terminant en -ide, et retient pendant de longues minutes le moment où il prononcera ce mot dans tous les esprits ces jours-ci : « génocide ». En plein dans le mille.

Samedi 16 décembre

Journée complète de rédaction pour l'appel de dossiers en Allemagne. La pression monte, la pression monte. Date de tombée demain. Ça avance. J'écris ceci moins d'une semaine plus tard et est-ce que j'ai été nager avant d'aller au concert de Ikue Mori comme je l'avais prévu? Aucun souvenir.

16 décembre @ The Stone at the New School, West Village Manhattan
TRIO [Makigami Koichi (voice, theremin), Ikue Mori (electronics), Ned Rothenberg (sax, clarinet, shakuhachi)]

Koichi à la voix et thérémine, vraiment assumé dans une certaine maladresse. Une maladresse virtuose, tiens ça pourrait être le sujet d'une recherche. Un angle. Cette virtuosité qui passe non par la rapidité d'exécution, mais par la proximité risquée au ridicule, dont on s'approche sans jamais lui toucher. Funambulisme précaire aussi satisfaisant pour le public que la tension de voir un interprète se torcher un passage particulièrement casse-gueule de Chopin ou Rachmaninoff. 

Dimanche 17 décembre

Dépôt de mon dossier pour l'Allemagne ce midi. J'obtiendrai une réponse l'été prochain! Suspense soutenu.

Puis, au lieu d'aller au party de fête et concert pour Ikue Mori, je me dirige vers la reprise du concert qui avait été annulé lundi passé pour la grève mondiale.

17 décembre @ Sisters, Clinton Hill Brooklyn
série Assembly #12, commissaires : Lester St. Louis, Luke Stewart
Basquiat Blues [Hans Binter-Young (clavier), Heru Shabaka-Ra (trompette, voix), ??? (flûte traversière, piccolo, percussions)]
Nate Wooley's Mutual Aid Music [gabby fluke-mogul (violon), Joshua Modney (violon), Lester St. Louis (violoncelle), ??? (contrebasse)]
Qiujiang Levi Lu (électroniques)

Surprise, je rencontre par hasard un Québecois. Première fois que ça m'arrive en presque 5 mois. On s'était présenté lors du Open Box du 3 décembre, sans se rendre compte de nos origines communes. C'est lui qui a allumé par après, en voyant mon nom complet sur instagram. #monnomest

On parle en français dans la petite salle de Sisters et j'ai l'impression de tricher, l'impression de briser mon immersion, comme si c'était un cours d'anglais à l'école. Il a une histoire intéressante, comme tout le monde ici en fait. Originaire des environs de Trois-Rivières, doctorat en philosophie, joue de la flûte traversière sans en faire sa vie.

Soirée de musique incroyable, en particulier Basquiat Blues où le trompettiste Heru Shabaka-Ra se met de temps en temps à parler, à nous invectiver, à dénoncer (je pense), en arabe (je pense), soutenu par le jeu incomparable du clavieriste Hans Binter-Young, qui a cette fois accès à un subwoofer puissant. La soirée se termine par un solo de Levi Lu et on en a eu pour notre argent ayoye. C'est la troisième fois que je vois Levi Lu à l'œuvre avec son joystick, son laptop dans lequel iel crie, ses senseurs, la percussion corporelle, etc. Ce soir, iel ajoute un dispositif qui lui permet de contrôler le son en penchant plus ou moins l'écran d'ordinateur, ou en jouant sur le bord avec un archet. Iel donne un tout nouveau sens à « jouer de l'ordinateur », iel joue de l'objet en soi. Philosophez! Combien d'autres personnes dans le monde jouent de l'ordinateur en frottant littéralement l'archet sur le rebord de l'écran? Je vais voir Levi Lu après le concert. Wow bravo. Iel me reconnaît des concerts précédents. Je lui propose spontanément de jouer avec moi à l'appartement s'iel a le temps. La réponse est oui! Aucune hésitation. Ok. Pousser. Manifester.

Lundi 18 décembre

Première journée après le rush de rédaction. Brûlé en sacrament. Et tout ça a quelque chose de ridicule il me semble. Je me vois me créer mon rush tout seul, un bon gros rush d'une semaine complète pour le projet de tournée en duo en novembre 2024, je me remets de ça, souffle 2-3 jours alors que je reçois de la visite, puis aussitôt c'est la date limite pour l'appel de projet en Allemagne. Si je l'obtiens celui-là, c'est pour 2025! À la pêche dans le futur incertain.

Aujourd'hui j'ai une session à l'appartement avec un super guitariste. Il vient plutôt du indie rock, du jazz, mais développe une pratique en musique improvisée. On s'est rencontré dans un concert à P.I.T. En jouant, on se trouve. On jase, très cool.

Le soir, je me force à aller au yoga. Je fais mes au revoir aux madames que j'ai côtoyées pendant tous ces lundis depuis août. C'est le début des adieux. J'offre une salutation que j'aurais voulue un peu plus emphatique à la prof, qui m'a vraiment apporté beaucoup ne serait-ce qu'en étant l'unique figure de stabilité de mon séjour. Tous les lundis. Dès août, elle a appris mon nom, me demandait comment ça allait, si j'avais des demandes spéciales pour la séance. On s'est croisé une fois dans la métro et on s'est salué alors que je ne connaissais personne. Je me rappelle de ce moment spécial. Pas de concert ce soir après le yoga, retour à pieds, pointe de pizza à 1$ en chemin.

Mardi 19 décembre

Les trois personnes que je connais de la Délégation du Québec à New York passent à l'appartement ce matin. Évaluer de contrat pour un service de ramassage de gros déchets, car on se débarrasse de plusieurs chaises, matelas, meubles après mon départ. Eh bien!

Je suis vraiment sonné des derniers jours de rédaction, congé aujourd'hui encore, je tourne en rond. Je vais lire un peu et prendre un café au Plantshed (magasin de plantes et café, j'en voudrais mille comme ça), nager au YMCA, puis je fais une dernière grosse épicerie au Whole Foods.

Mercredi 20 décembre

Rendez-vous téléphonique aux conséquences bien déplaisantes ce matin. Ma collègue du duo novembre 2024 vient de se booker un concert par dessus nos dates de tournée. Il faut donc que je déplace toutes les dates. Que j'écrive à Chicoutimi, Rimouski, Québec, Montréal, Toronto, que je fasse chier tout le monde avec ça, moi le premier.

Puis Levi Lu vient me rejoindre pour une session en duo. Yeah! Je filme, je mettrai ça en ligne bientôt. Très hot. On soupe ensemble des végé burgers du Whole Foods. Iel joue en concert ce soir, mais je préfère aller voir le violoncelliste Lester St.Louis. On parle de ça, comment chaque soir à New York on manque tellement de concerts. Il faut choisir, pas le choix.

20 décembre @ Bar Laika, Clinton Hill Brooklyn
dans le cadre de Satellite 27
Black Renaissance Fair [Bookworms (électroniques), Lester St. Louis (violoncelle, électroniques)]

Jeudi 21 décembre

Aujourd'hui je vais finalement au café Black Cat, que mon ami Amaar me recommande depuis des mois. C'est un oui! Plusieurs divans, plusieurs tables, des gens qui jasent, des gens sur leur ordi, un vieux piano dont personne ne joue — aussi bien comme ça, car je n'ai rarement passé un bon moment près d'un piano public en cours d'utilisation —, le café est pas très bon, la bouffe non plus et le service exécrable, ce que j'apprécie beaucoup. J'ai toujours été fan des baristas bêtes comme leurs pieds. Peut-être parce que ça déplait à tout le monde, ce qui chatouille agréablement que mon sentiment d'opposition. Peut-être parce que je crois si fort qu'il faut mettre le moins possible de son âme dans un travail que l'ont fait pour survivre et non par passion, surtout un truc sous-payé comme du service comme ça. Alors 10/10 pour le Black Cat. À quand un seul café à Québec où il y aurait un divan? Juste un! Ou un fleuriste qui serait un café en même temps.

Ce soir, je vais voir le grand La Monte Young, 88 ans, dans son espace à la Dream House. À suivre.

lundi 11 décembre 2023

studio du Québec à NYC : jours 129-130-131-132 sur 151

7 décembre @ The Stone at the New School, West Village Manhattan
trio [Caroline Davis (sax), Val Jeanty (percussions électroniques), Craig Taborn (piano)]

Quel concert étrange et bon après être allé nager. La saxophoniste Caroline Davis est en résidence cette semaine à The Stone et elle a invité ce soir un pianiste à la frontière du jazz et une percussionniste au jeu plutôt « musique du monde » avec des sonorités de tabla, de coquillages suspendus, mais aussi de cymbales et bass drum jazz, le tout joué avec ses mains sur des percussions électroniques : deux instruments circulaires aux surfaces en caoutchouc branchés à une console de son et un écran tactile. Eh bien! Une proposition inégale mais vraiment assumée encore une fois, toutes des compos de Caroline Davis.

Vendredi 8 décembre

Une journée à ne pas faire grand chose. Il me semble? Je suis encore comme dans un flottement après tout ce travail des dernières semaines sur la demande de subvention, sur les appels de projets. Je fais une pratique de violoncelle de plusieurs heures, je reprends mon travail d'utilisation de la pédale Particule 2. J'ai un ami en visite depuis quelques jours, un deuxième arrive ce soir et je vais le chercher à la gare de train à 23 h avant de sortir à Brooklyn.

8 décembre @ Public Records Sound Room, Gowanus Brooklyn
Veronica Vasicka (DJ)
Marie Davidson (DJ)

Première soirée de clubbing à New York. On arrive et la situation me rappelle Berlin : un quartier très tranquille, presque résidentiel, une petite rue faiblement éclairée devant un site en construction, un espace industriel, un no man's land générique de fer et de béton concentré entre quatre clôtures, puis des silouettes dans la nuit, une énorme file de plus d'une centaine de personnes devant lesquelles on passe, car nous sommes des invités de l'artiste principale. L'ambiance à l'intérieure rappelle aussi Berlin, quoique le club est bien petit en comparaison avec les bâtiment proprement industriels allemands. La musique est forte, mais on s'entend encore parler, par ce miracle technologique des systèmes de son dernier cri. Le basse est tellement forte qu'on se sent la tête vibrer, le crâne littéralement. C'est vraiment beau de voir mon amie encore une fois comme je l'ai vue faire plusieurs fois à Montréal et Berlin prendre possession du dancefloor avec ses choix de musique, ses mixes, ses interventions en direct sur le son, l'art d'être DJ finalement. La foule très nombreuse et très compacte danse à fond quand je pars vers 2 h du matin avant de devenir sourd. Un ami reste jusque vers 4 h.

Samedi 9 décembre

Le massacre se poursuit en Palestine sur le petit écran de mon téléphone encore tous les matins et le contraste entre mon quotidien d'appréciation de l'art et de privilèges et ce qui se passe là-bas est extrême. Que faire? Tout arrêter? Je sens que je n'en connais pas assez sur la situation pour me faire une idée complètement. Mais il me semble que quiconque tue du monde devrait arrêter ça, non? Peu importe les convictions des personnes impliquées, ce discours de « c'est lui qui a commencé » est tellement insupportable, les hommes au pouvoir sont des enfants mal élevés. Justement, est-ce qu'on est vraiment en train de demander d'arrêter d'affamer des enfants? Et puis entre toutes les images de gens qui tiennent des bouts de corps sortis des décombres, de gens déplacés de chez eux et entassés sous des bâches en plastique entourés de cadavres à enterrer, de deuils pas faits, au milieu de ces images cet homme en complet cravate avec sa main levée, le représentant des États-Unis aux Nations Unies qui utilise son véto contre tous les autres pour annuler la résolution de cessez-le-feu. Quoi?

Ces pensées me trottent dans la tête alors que je choisis un café où aller passer un peu de temps avec mon ami en visite, un café que je choisis à Brooklyn de façon à être près du parcours d'une des grandes manifestations de l'organisme Within Our Lifetime Palestine. Tout d'un coup que je voudrais aller voir ça. Mon ami poursuit ses plans de fin de semaine alors que j'attends que la manif passe. Puis je la vois au loin et je décide de me joindre pour quelques instants. Ajouter un corps à cette mer humaine que personne en situation de pouvoir n'écoute, c'est bien peu. La manif est belle et très tranquille; on entend des slogans pour la paix, pour la libération de la Palestine. Il y a toutes sortes de gens, toutes sortes d'accents et de couleurs de peau, il y a un groupe de juifs orthodoxes bien visibles avec leurs boudins et leurs grands chapeaux qui reçoivent les applaudissement de tout le monde grâce à leurs chants de paix.

Puis la manifestation s'engage sur le pont de Brooklyn et je me retrouve un peu sans m'en rendre compte pris entre la foule immense devant, bien engagée à parcourir les presque 2 km au-dessus des eaux du pont, et un barrage de police derrière, avec qui il est impossible de raisonner pour me laisser quitter. ACAB. Alors bien malgré moi, en harmonie avec mes convictions mais en opposition à mon instinct de survie, je me trouve obligé de traverser le pont. J'aurai fait ma part pour la cause, et je me trouve bien cheap que ce soit juste ça.

En sortant, je prends tout de suite le métro et comble de hasard je tombe sur l'autre des deux amis que j'héberge ces jours-ci (pas celui avec qui j'ai pris un café en début d'après-midi). Au coin d'une rue comme ça alors qu'il s'achète un manteau de friperie. La journée épuisante se poursuit avec le contraste habituel : après la manif, spaghetti à la maison, concert de l'ensemble Wet Ink, rencontre fortuite avec un ancien collègue de classe, rencontre fortuite avec la seule et unique administratrice et éditrice de nyc-noise, le site où je trouve tous les concert depuis le début de mon séjour, et une visite à la Dream House, l'installation iconique de La Monte Young, Marian Zazeela et Jung Hee Choi.

9 décembre @ Dixon Place, Lower East Side Manhattan
Wet Ink 25th Anniversary Festival
Shiverer, de Eric Wubbels [Erin Lesser (flûte traversière), Eric Wubbels (piano)]
Pendulum IV, de Alex Mincek [Erin Lesser (flûte contrebasse), Alex Mincek (sax ténor), Josh Modney (violon), Mariel Roberts (violoncelle)]
Liminal, de Josh Modney [Ian Antonio (percussions), Erin Lesser (flûte contrebasse), Alex Mincek (sax ténor), Josh Modney (violon), Sam Pluta (électroniques), Mariel Roberts (violoncelle), Kate Soper (voix), Eric Wubbels (piano)]
Epithets, de Kate Soper [Ian Antonio (percussions), Erin Lesser (flûte contrebasse), Alex Mincek (sax ténor), Josh Modney (violon), Mariel Roberts (violoncelle), Kate Soper (voix), Eric Wubbels (piano)]
ATD V, de Sam Pluta [Ian Antonio (percussions), Erin Lesser (flûte contrebasse), Alex Mincek (sax ténor), Josh Modney (violon), Sam Pluta (électroniques), Mariel Roberts (violoncelle), Kate Soper (controleur), Eric Wubbels (piano)]

Grosse journée, grosse soirée! Le Wet Ink Ensemble est parmi les meilleurs ensembles de musique contemporaine au monde en ce moment. Leurs interprétations sont d'une précision et un aplomb incroyables. Ils travaillent souvent avec des systèmes de tempérament moins communs, de l'intonation juste aux approches microtonales les plus difficiles, le tout appuyé par une percussion vraiment affirmative. Une de leurs particularités est que chacun·es des 8 membres de l'ensemble est également compositeur·ice à ses heures. Dans le cadre de ce concert particulier célébrant les 25 ans de l'ensemble, Wet Ink joue des composition de ses propres membres, dont Alex Mincek, dont je surveille le travail depuis plusieurs années.

9 décembre @ Dream House, Tribeca Manhattan
Dream House, de LaMonte Young, Marian Zazeela et Jung Hee Choi
œuvre visuelle : Abstract #1, tiré de Quadrilateral Phase Angle Traversals, de Marian Zazeela
œuvre visuelle : Ruine Window 1992tiré de Still Light and Dream House Variation I, de Marian Zazeela
œuvre visuelle : Environmental Composition 2017 #1, de Marian Zazeela et Jung Hee Choi
œuvre visuelle : Color (CNN), live realization, de Marian Zazeela et Jung Hee Choi
œuvre sonore : The Base 9:7:4 Symmetry in Prime Time When Centered above and below The Lowest Term Primes in The Range 288 to 224 with The Addition of 279 and 261 in Which The Half of The Symmetric Division Mapped above and Including 288 Consists of The Powers of 2 Multiplied by The Primes within The Ranges of 144 to 128, 72 to 64 and 36 to 32 Which Are Symmetrical to Those Primes in Lowest Terms in The Half of The Symmetric Division Mapped below and Including 224 within The Ranges 126 to 112, 63 to 56 and 31.5 to 28 with The Addition of 119, de La Monte Young
œuvre sonore : TONECYCLE BASE 30 HZ, 2:3:7, The Linear Superposition Of 108 Sine Wave Frequencies Set In Ratios Based On The Harmonics 2, 3 And 7 Imperceptibly Ascending Toward Fixed Frequencies And Then Descending Toward The Starting Frequencies, Infinitely Revolving As In Circles, In Parallel And Various Rates Of Similar Motion To Create Continuous Slow Phase Shift With Long Beat Cycles, de Jung Hee Choi

Puis on se dépêche d'aller à la Dream House. Il s'agit d'un lieu, d'une expérience, qui sera fermé demain, mais qui nous surprend en affichant des heures d'ouvertures du mercredi au samedi de 14 h à minuit. Minuit! Sur google, quelqu'un dit (traduction google) : « J'ai attendu environ 30 minutes à l'ombre d'un land rover jusqu'à ce que le gars de la porte revienne pour nous laisser entrer. Probablement les 10 $ que j'aie jamais dépensés pour être honnête. Je vais probablement revenir ici au moins une fois tous les 20 ans. » Et voici un autre commentaire, que je me rappelle d'avoir lu des mois avant d'arriver à New York, pour mettre la table (traduction google) : « Vraiment une expérience unique à New York. Je suis venu ici avec un ami ne sachant pas grand chose de ce qu'est cet endroit, je l'ai trouvé (avec un peu de travail de détective) et je suis monté à l'étage. Là, nous avons été accueillis par un sympathique bénévole qui a répondu à quelques questions et nous sommes entrés dans la maison de rêve. Au début, vous êtes bombardé par une explosion de bruit qui fait trembler les murs. Mais ensuite, cela commence à vous apaiser, à vous envelopper et finalement à vous consumer. Quelle expérience, je reviendrai. »

On arrive donc devant une porte où un papier collé derrière la vitre nous indique qu'il faut sonner au #3 (et non au #2) pour la Dream House. On attend quelques minutes et le fameux buzzer nous invite à passer le seuil. Une volontaire qui semble complètement dans un autre monde nous dicte doucement et doctement les règles : 10$ cash, pas de photos ou autre forme de documentation à l'intérieur, laissez vos souliers ici. Nous goûtons, par cette petite bouchée de rien, à ce qu'a pu être la culture des lofts new-yorkais des années 70, de celui de Yoko Ono pas loin d'ici, à ceux d'Andy Warhol pour nommer les plus connus. Combien d'expériences artistiques sont parties dans l'oubli?

À l'intérieur, une œuvre du compositeur iconoclaste minimaliste La Monte Young. Les pièces que je connais de lui sont en effet minimales en ce sens que leur richesse est dans l'expérience de la conscience à l'écoute d'une grande parcimonie d'éléments musicaux. Ici, on s'approche d'une parcimonie extrême avec la pièce au long titre écrit plus haut « The Base 9:7:4 Symmetry in Prime Time [...] » (le minimalisme n'est pas dans le titre!), dans laquelle rien ne se passe : on entre dans un genre de salon recouvert de tapis blanc où 4 haut-parleurs diffusent un accord qui ne change jamais. Mais l'expérience de perception n'est pas minimale, car cet accord très riche contient des dissonances qui font vibrer tout l'espace. De plus, en se concentrant un peu on distingue très clairement les différents éléments de l'accord si on se déplace, même très peu, dans l'espace.

Un moment, je suis assis par terre et je n'ai qu'à m'étirer un tout petit peu le cou pour percevoir comme des nuages des hautes fréquences se détacher. Je trouve un endroit dans la pièce où les battements de basse sont très présents, puis en me plaçant quelques centimètres plus loin je ne les sens plus du tout, ou j'en sens deux fois plus. Une composition fascinante!

Au niveau visuel, la lumière mauve domine. Il y a aussi un papier noir couvert de petits trous qui forment un dessin géométrique et organique à la fois, comme une énorme libellule abstraite. Ce sont les œuvres visuelles de Marian Zazeela, une artiste qui est aussi mariée avec La Monte Young.

Les œuvres de La Monte Young et Marian Zazeela sont en dialogue avec un environnement sonore et visuel signé Jung Hee Choi, qui, si j'ai bien compris, serait un peu une disciple du couple. Elle propose un accord beaucoup plus consonant, qui vibre donc de façon beaucoup plus reposante, mais dont la note monte et descend de façon imperceptible sur plusieurs minutes. Et c'est grâce à la proximité avec l'œuvre de Young qu'on peut saisir ce long mouvement. C'est fort. Très fort.

Ce n'est pas une expérience transcendantale pour moi. Je trouve que le langage comme « transcendantal », « méditatif » renvoie à trop de pratiques du côté du kétaine. Évidemment qu'on est frappé par le contraste entre la rue new-yorkaise, ses sirènes, klaxons, flashes lumineux, et le vrombissement de plus en plus enveloppant et calme des drônes. Évidemment que l'atmosphère est propice à s'éloigner des pensées du quotidien. Mais j'ai vécu au contact de la Dream House quelque chose de plus concret, de presque scientifique à faire l'expérience, avec mon corps, des théories perceptives et même mathématiques des artistes en jeu. J'ai aussi l'impression, peut-être la certitude, d'avoir saisi un moment historique. La Dream House, une œuvre qui roule en ce lieu depuis 1993, devrait passer à l'histoire comme un élément marquant de toustes celleux qui l'ont fréquentée, incluant nombre d'artistes à qui elle aura montré une autre variation du « tout est possible », une variation toute en nuance et en changement malgré les apparences et les critiques négatives sur google.

ll y a deux concerts par année à la Dream House, un à l'équinoxe du printemps et un à l'équinoxe d'automne, qui correspondent environ aux anniversaires de naissance respectifs de Zazeela et Young. Cette année, le solstice d'hiver s'ajoute et je ne sais pas ce qui me retiens de dépenser 53$ américains pour aller voir La Monte Young lui-même, agé de 88 ans, se faire hisser en chaise roulante jusqu'au loft du 3e étage pour interpréter, avec Jung Hee Choi, sa pièce Studies in The Bowed Disc, qui n'a pas été jouée depuis 1966, soit trois ans après que le sculpteur Robert Morris lui eut fabriqué un gong en métal de 4 pieds de diamètres. Tiens donc, 1963 le gong de La Monte Young, et qu'est-ce qui se passe en Allemagne en 1964? Le grand compositeur Karlheinz Stockhausen se fait construire un tam tam (genre de gong) de 6 pieds de diamètre et écrit sa fameuse pièce Mikrophonie I, où deux interprètes s'attaquent à l'instrument de toutes sortes de façons. La Monte Young a plus d'influence que les historien·nes de la musique le disent. Le concert du 21 décembre sera présenté dans l'environnement visuel Imagic Light, de Marian Zazeela et Environmental Composition 2017 #1, v. 2, de Jung Hee Choi.

Mise à jour : Après avoir écrit tout ceci, je n'ai pas le choix d'acheter le billet. Pendant que les autres gays iront à Beyoncé pour 600$, je serai à La Monte Young pour un quand même exorbitant 80$ canadiens.

Dimanche 10 décembre

Je prends un peu de temps solo avec Proust pendant que les deux invités parcourent les friperies. Puis je prononce la phrase suivante, que nous trouvons bien drôle : « je vais chercher des dumplings au Target ». Chose faite, chose mangée, et quel adon que de revenir à Public Records où on avait été clubber avant-hier, pour cette fois assister à un concert de musique improvisée.

10 décembre @ Public Records Sound Room, Gowanus Brooklyn
Catalytic Sound Festival NYC
quartet [Sylvie Courvoisier (piano rhodes), Brandon Lopez (contrebasse), Ikue Mori (électroniques), Zeena Parkins (harpe, électroniques)]
quartet [Lotte Anker (sax soprano, sax alto), Cecilia Lopez (synthétiseur analogue), Tom Rainey (batterie), Nate Wooley (trompette)]
trio [Charmaine Lee (voix, électroniques), Fred Lonberg-Holm (violoncelle), Ned Rothenberg (clarinette, sax)]
sextet [Lotte Anker (sax soprano, sax alto), Charmaine Lee (voix, électroniques), Fred Lonberg-Holm (violoncelle), Ikue Mori (électroniques), Zeena Parkins (harpe, électroniques), Nate Wooley (trompette)]
quartet [Sylvie Courvoisier (piano rhodes), Brandon Lopez (contrebasse), Tom Rainey (batterie), Ned Rothenberg (clarinette, sax)]
octet [Lotte Anker (sax soprano, sax alto), Sylvie Courvoisier (piano rhodes), Fred Lonberg-Holm (violoncelle), Cecilia Lopez (synthétiseur analogue), Zeena Parkins (harpe, électroniques), Tom Rainey (batterie), Ned Rothenberg (clarinette, sax), Nate Wooley (trompette)]

La crème de la crème de la scène. On dirait un cours 101 des meilleures pratiques en improvisation. On écoute, on apprend, on est ému, on sourit car la musique rebondit, coule, dessine, hachure, berce, confronte, ose un silence, se permet la cacophonie, le bruit, la mélodie, la consonance, les couches sonores distinctes en effet d'épaisseur et d'espace. Une partie de moi est comme fier de présenter à mes amis ces musicien·nes que j'ai appris à reconnaître et même à connaître un peu au cours des dernier mois. Ça nous motive, on passe le chemin du retour à faire mille plans pour la musique improvisée à Québec.

Lundi 11 décembre

Ce matin très tôt, une réunion zoom avec deux organismes de Montréal au sujet d'un concert en... 2026! Ça y est on est rendu là. Puis aujourd'hui, il y a un appel à la grève mondiale en faveur d'un cessez-le-feu en Palestine. L'idée est d'attirer l'attention du politique en arrêtant l'activité sociale et économique, ce qui affecte en premier les personnes en haut de la pyramide économique, celles qui profitent le plus de la guerre comme les banques qui font d'énormes prêts à intérêts, et toutes les personnes qui s'enrichissent à la bourse chez les producteurs et vendeurs d'armes. Évidemment, la grève mondiale est une utopie. Mais historiquement, c'est le genre de mobilisation qui a eu de l'impact. Et puis qu'est-ce qu'on peut bien faire d'autre? Alors voyons voir, je ne serais pas surpris que tous les concerts du jour soient annulés en solidarité. Même si, d'une certaine façon on se tire dans le pied à nous même en faisant subir aux artistes et aux petits lieux de diffusion les conséquences d'un mouvement qui s'adresse aux puissances économiques. On n'en est pas à un paradoxe près en ce bas monde. Lundi, session de yoga aussi. Écrire ceci toute la journée. À suivre.

jeudi 7 décembre 2023

studio du Québec à NYC : jours 121-122-123-124-125-126-127-128 sur 151

Jeudi 30 novembre

Journée entière consacrée à la préparation de la demande de subvention.

30 novembre @ TheaterLab, Midtown West Manhattan
Like a Drawing [Takahito Inoue (vidéo), Naoki Iwakawa (peinture, performance), Ikue Mori (électroniques), David Wallace (cornemuse)]

Première fois de ma vie que j'entendais de la cornemuse expérimentale. Il y a une première fois à toute!

Vendredi 1er décembre

Journée entière consacrée à la préparation de la demande de subvention.
Nage en soirée.

Samedi 2 décembre

Pratique de violoncelle en réchauffement de demain.
Puis le reste de la journée consacré à la demande de subvention.

Dimanche 3 décembre

Je participe à Open Box avant mon concert avec le Creative Music Studio Improvisers Ensemble.

3 décembre @ Houghton Hall Arts Community's Josef Jefferson Room, NoMad Manhattan
Open Box quartet [Rémy Bélanger de Beauport (violoncelle), Che Buford (violon), Rocío Díaz de Cossío (violoncelle), Sabrina Salamone (violon)]
Open Box quartet [Rémy Bélanger de Beauport (violoncelle), Orchid McRae (percussions), Thad Palmer (trompette), ?? (percussions)]
Creative Music Studio Improvisers Ensemble [Rémy Bélanger de Beauport (violoncelle), Gene Coleman (flûte), Rocío Díaz de Cossío (violoncelle), gabby fluke-mogul (violon), Henry Fraser (contrebasse), Madison Greenstone (clarinette), Selendis Sebastian Alexander Johnson (direction), Joanna Mattrey (alto), Vivek Menon (violon), Caroline Morton (contrebasse), Jen Sapiro (voix), Sara Schoenbeck (basson), Cleek Schrey (hardanger d’amore)]

Première fois que j'entends parler du hardanger d'amore, un instrument qui ressemble à un violon à 5 cordes et à une viole d'amour (l'instrument au nom français le plus horrible de toute l'histoire de la musique) avec ses cordes sympathiques. Je joue bien!

Lundi 4 décembre

Journée entière consacrée à la demande de subvention.

Comme la demande concerne un projet de tournée en duo, avec une musicienne avec qui je n'ai jamais joué en duo, j'avais depuis longtemps le projet d'enregistrer une simulation de notre musique à montrer au jury. Les yeux cross-side des onglets de budget et des multiples paragraphes de texte à démêler et présenter parfaitement, clairement, de façon convaincante, sérieuse, enthousiaste, syntaxiquement exemplaire, le cerveau cross-side de baigner là dedans depuis le matin, j'ai le coat sur le dos pour aller prendre un peu d'air, boire un café, me changer les idées, quand je me demande quand est-ce que je vais enregistrer la fameuse simulation. What better place than here? What better time than now? J'enlève mon manteau, je sors mon ordi de mon sac, je pose mon cell sur la petite table prêt à filmer, je download le premier vidéo solo que je trouve de ma partenaire de duo, j'importe dans mon logiciel de montage vidéo, ajoute 2 minutes au début le temps de m'installer, sors le violoncelle qui était encore dans son étui depuis le concert d'hier, place une chaise, allume la lumière, et go, je me filme avec mon cell, je me filme avec mon laptop, j'entends à peine l'autre moitié du duo. Pas réchauffé, mais l'énergie est la bonne, l'urgence de créer. Et je suis très content du résultat, ce n'est pas gênant. Une prise.  J'effectue le montage sur place couché par terre à côté du laptop pendant une heure, je mets ça en privé sur youtube, puis je vais enfin me changer les idées au café. Et un biscuit tiens. Trop tard pour changer d'idée quand je me rends compte que je suis en train de payer 6$ pour un biscuit aux pépites. 8$ canadiens pour un seul biscuit!

4 décembre @ Record Shop, Red Hook Brooklyn
Kwami Winfield (trompette amplifiée)
Michael Foster with Strings [Michael Foster (sax), Webb Crawford (guitare, vielle à roue type symphonium), Nava Dunkelman (percussions), Doyeon Kim (gayageum), Zosha Warpeha (hardanger d’amore)]

Je suis vraiment touché par le set de Kwami en solo, un des meilleurs concerts que j'ai vus. Quelques jours plus tard, un vidéo non répertorié fait surface. Je le prends en note ici.
https://youtube.com/watch?v=4TaSJJ2ZcoY&si=Ts0tju6AOzt7Ax9E

Je manque le troisième set, content d'accueillir de la visite de Québec qui arrive avec le train de 23 h.

Mardi 5 décembre

Journée entière consacrée à la demande de subvention.

5 décembre @ Downtown Music Gallery, Chinatown Manhattan
sextet [Iván Barenboim (clarinette contralto), Patrick Brennan (direction, sax), Claire de Brunner (basson amplifié), Nick Gianni (clarinette basse), Josh Sinton (sax baryton), Yuma Uesaka (clarinette contrebasse)]
trio [Dafna Naphtali (électroniques, voix), Ras Moshe Burnett (sax ténor, flûte traversière), Katie Porter (clarinette basse)]

Première fois que je vois deux clarinettes contrebasses en même temps. Au retour, je relis encore mon texte de demande jusque passé minuit. C'est pas mal prêt.

Mercredi 6 décembre

Dernières relectures de ma demande de subvention dès le matin. Je clique sur « envoyer »  à 14 h 37. Réponse en fin avril 2024.

La compilation de fin d'année de l'étiquette Cuchabata Records vient de sortir. Ma pièce en duo avec Kwami Winfield est à la toute fin. Je suis tellement fier de faire partie de cette communauté montréalaise, avec son éthique « fait maison » si importante. Je suis tellement fier de présenter cette improvisation avec une amie connue à New York, un truc enregistré sur mon cellulaire où on entend le métro passer de temps en temps, prendre toute la place et se tasser. Une belle pièce de près de 45 minutes, parmi 5 h de musique qui va un peu dans tous les sens. Je ne sais pas qui va écouter ça sauf moi. Mais chaque personne qui prendra le temps de le faire vivra un moment précieux.
https://cuchabatarecords.bandcamp.com/album/cuch-221-cuch-2023-2023

6 décembre @ Nublu, Alphabet City Manhattan
Palenque Monastery [Che Buford (violon), Alfredo Colón (sax), Rocío Díaz de Cossio (violoncelle), Marc Edwards (batterie), Francisco de la Garza (sax), Selendis Sebastian Alexander Johnson (direction), Samantha Kochis (flûte traversière), John Masso (sax), AJ Medeiros (trombone), TJ Milan-Bombara (sax), Caroline Morton (contrebasse), Thad Palmer (trompette), Henry Plotnick (piano), Caleb Smith (trombone), Jose Fernando Solares (sax), Kwami Winfield (trompette), James Worsey (trombone)]
trio [Marc Edwards (batterie), Michael Gilbert (basse électrique), Gian Perez (guitare)]
duo [Alfredo Colón (sax, ewi, effets), Theo Walentiny (clavier, effets)]

Sous la direction de Selendis, le grand ensemble a joué entre autres trois mouvements du Black Liberation Movement Suite de Cal Massey, une magnifique pièce qui n'aurait été jouée que quelques fois dans les années 70 aux rassemblements du parti Black Panther.

Jeudi 7 décembre

Aujourd'hui très relax. Quelques flocons sur New York, les premiers que je vois. Essayer de retracer les quelques dépenses de la dernière semaine. J'ai complètement perdu le fil, ça prend pas grand chose. Aller nager ce soir?


Grisaille puissance 10