dimanche 8 octobre 2023

studio du Québec à NYC : jours 60-61-62-63-64-65-66-67-68 sur 151

J'ai pris du retard dans mon blog. Et plus les jours avancent, plus le résumé s'allonge et plus je procrastine. Il y a eu plusieurs journées consacrées à la rédaction de demande de bourse, que j'ai réussi à envoyer à temps le 4 octobre. Ce sera donc le Conseil des arts du Canada et non mon lectorat de blog qui aura à souffrir le fruit et l'usufruit de ma pensée sous forme écrite pour les jours qui ont précédé le 4 octobre. Au cours de ces quelques jours d'apnée d'ailleurs, mon rapport à la ville a changé, je l'ai vécue non comme un endroit à arpenter mais comme un support à mon activité régulière. J'aurais pu être sur une montagne de Suisse ou dans un appartement louche donnant sur un parking à Rimouski que ça aurait été pareil. Pas tout à fait. Est-ce que j'ai donné tout ce que j'avais lors de la rédaction? Oui. Est-ce que j'ai bien utilisé tous les caractères alloués? Mieux que jamais. Est-ce ça fera en sorte que j'aurai ma part des millions de dollars canadiens qui sortent supposément des coffres pour financer la culture? Rien n'est moins sûr. Ma bouteille à la mer est partie.

Je ne donne pas trop de détails sur mes projets, peut-être pour me protéger un peu. Dans 6 mois, j'aurai la réponse de ce que j'ai déposé cette semaine, et si la réponse est négative (bis) je n'aurai que moi à gérer, tandis que si j'en parle à tout le monde, il faudra qu'en plus je console tout le monde de leur déception pour moi. N'importe quoi. Sans en dire trop, j'ai demandé cette semaine du budget pour payer des répétitions avec 5 personnes qui joueront des solos que je compose, auxquels se joindra un quatuor en fin de parcours. C'est pour ce même projet que j'ai essuyé un premier refus il y a un mois. La nouvelle rédaction fut quand même pénible. Pé-ni-ble.

Qu'est-ce qu'on fait quand on a transformé son cerveau en érable d'amérique et que tout le jus est maintenant à la cabane à sucre? On magasine niaiseusement. Je continue à me demander si je ne fais pas une folie de mitaines Louis Vuitton ridiculement chères, d'autant plus que j'ai les mains gelées ces jours-ci avec les 10°C. bien humides des soirées automnales. Je pense aussi m'acheter un petit ordinateur super cheap pour retrouver le plaisir de toujours avoir un ordi sur moi et aller travailler spontanément n'importe où n'importe quand sans avoir à traîner ma bonne machine si efficace mais si lourde et qu'il ne faudrait vraiment pas que je me fasse voler. Je regarde les reviews de chromebooks, j'ai même été en regarder quelques uns en personne au Best Buy. À suivre.

Samedi 30 septembre

Visite d'une amie poète de Québec. C'était cool de lui faire profiter de l'intimité que je développe avec la culture musicale champ gauche de NYC et pouvoir l'inviter voir de la musique et du texte dans un petit parc samedi, puis dans un magasin de disques le lendemain.

Un beau bain de foule samedi, modeste quand même, pour voir et entendre — parfois on n'entendait vraiment pas très bien, malheureusement, surtout le violoncelle, tiens donc! — une pièce très « musique contemporaine d'avant-garde new-yorkaise des années 70 » du violoncelliste et compositeur Arthur Russell. Ça rappelait des pièces de John Cage dans l'intérêt pour la complexité résultant d'un aléatoire bien mesuré. Arthur Russell est un des seuls exemples de violoncellistes un peu rock que je connaisse, même un peu grunge avant le temps, le tout avec à peu près un seul album d'importance à ce que je sache. Arthur Russell était gay, et personne ne me l'a jamais dit. Pourtant les exemples de gays qui font de la musique qui sort des sentiers battus sont si rares, il faudrait en parler plus. Reflet de son époque, il est mort des suites du sida en 1992. Un autre qu'on a perdu dans ces années là, alors que le « cancer gay » n'avait pas la cote dans les laboratoires de recherche. Je ne savais pas que Russell avait des études assez poussées en composition aussi, et la pièce qu'on a vu était maladroite, mais donnait un bon exemple de l'état d'esprit de l'époque, avec une partition qui comporte plusieurs choix que les interprètes doivent faire pour eux-mêmes ou imposer au groupe. Coudon, est-ce que je suis en train d'écrire la demande de bourse de Arthur Russell? En tout cas j'ai beau chercher partout, je trouve les noms des musiciens, mais pas qui faisait quoi.

30 septembre @ New York City AIDS Memorial, West Village Manhattan
Arthur Russell, City Park [Nat Baldwin (??), Lea Bertucci (voix, électroniques, bandes sur reel-to-reel), Nick Hallett (voix?), David Van Tieghem (batterie?), Alex Waterman (violoncelle), Peter Zummo (tables-tournantes?)]

Dimanche 1er octobre

J'ai terminé du gros montage pour joindre à ma demande de financement, puis quelques heures de rédaction dans un café, puis je me suis permis un concert.

1er octobre @ P.I.T. Property is Theft, Williamsburg Brooklyn
Webb Crawford (solo guitare électrique)
duo [Fred Moten (poésie), Brandon Lopez (contrebasse)]

Lundi 2 octobre

Rédaction toute la journée, puis mon yoga du lundi. Je suis revenu à pieds pour continuer à m'aérer les idées un peu. Par hasard, je suis tombé sur l'épicerie Trader Joe's où il m'a semblé avoir vraiment beaucoup de deals et un achalandage jeune et un peu chaotique. À réessayer pour la prochaine épicerie. Pas de concert! 

Mardi 3 octobre

Rédaction toute la journée, puis toute la soirée jusqu'à 1 h 30 AM. Pas de concert!

Mercredi 4 octobre

Fin de la rédaction, dépôt de la demande, puis j'ai été nager et j'ai été voir un concert. Fred Frith est un guitariste qui fait son affaire depuis vraiment longtemps. J'avais pris une classe de maître en improvisation avec lui en 2006! C'était à Montréal, il avait joué un soir en duo avec Danielle Palardy Roger et c'est un des meilleurs concerts de musique improvisée que j'ai jamais vus. Cette fois à NYC il a joué en trio avec gabby fluke-mogul (violoniste que j'aime beaucoup) et une percussionniste vraiment hot que j'entendais pour la première fois en personne. Leur trio était très bon, mais on aurait dit qu'on sentait qu'il leur manquait de temps, me semble que ça jouait pressé d'aller d'une chose à l'autre.

4 octobre @ The Stone at the New School, West Village Manhattan
duos, trio [Nava Dunkelman (percussions), gabby fluke-mogul (violon amplifié), Fred Frith (guitare électrique)]

Jeudi 5 octobre

J'avais une réunion en ligne le matin pour prendre des nouvelles d'une amie et jaser du mastering et du graphisme de notre vinyle à venir. Puis j'ai tenté de prendre congé du travail un peu, j'ai été lire à Central Park. J'ai mangé une crêpe aux épinards trop chère avec toutefois un excellent café filtre d'un des nombreux kiosques sur place.

Entre la réunion et le parc, j'ai fait un détour par le luthier Finlay + Gage. Qui sait, peut-être que mon prochain violoncelle se trouve à NYC? On m'a présenté les quelques instruments qui pourraient potentiellement me convenir sur place, je vais prendre rendez-vous au cours des prochains jours pour prendre le temps d'essayer tout ça. J'ai aussi pensé qu'il pourrait être intéressant de leur présenter mon violoncelle, voir s'ils ont des idées pour l'améliorer. Je ne sais pas combien ils chargent. Le name-dropping de violoncellistes expérimentaux jouait au niveau expert de la part du représentant des ventes : Erik Friedlander oui il vient ici depuis dix, vingt ans; oui si tu voyais Okkyoung Lee arriver avec sa pile d'archets; Lester St.Louis bien sûr quel excellent violoncelliste; tu connais Leila Bordreuil oui évidemment sinon je vous aurais mis en contact, bla bla bla.

Break de concert, je me suis couché très tôt j'étais burrrrn.

Vendredi 6 octobre

J'ai été lire et manger un bagel au parc en me levant. Puis la pluie et j'ai pris quelques heures pour mettre à jour mon document de dépenses NYC, que j'avais délaissé depuis quelques jours. Classer les reçus papier, les reçus email, les dépenses pas de reçu, valider à quel point les prix décuplent dans mon compte en argent canadien. Puis j'ai fait un peu de yoga à la maison pour me secouer. Puis ma pratique de violoncelle. Puis un concert.

6 octobre @ MISE-EN_PLACE, Greenpoint Brooklyn
présentation de Anti Social Music et Eli Wallace
duo [Ingrid Laubrock (sax ténor, sax soprano), Tom Rainey (batterie)]
Hypersurface [Carlo Costa (batterie, objets), Lester St. Louis (violoncelle), Drew Wesely (guitare électrique]
Eli Wallace Quintet [Michael Foster (sax ténor, sax soprano), Steve Swell (trombone), Michael TA Thompson (percussions), Victor Vieira-Branco (vibraphone), Eli Wallace (piano, percussions)]

C'était dans un espace vraiment écho, genre de galerie d'art faite sur le long au milieu de nulle part au dessus d'un garage dans un quartier industriel. Le duo était vraiment hot, c'est la première fois que je voyais vraiment Ingrid Laubrock briller comme soliste wow. Son langage est difficile à décrire, mais c'est pas du hasard ce qu'elle fait. Beaucoup de notes qui, bien qu'elles se suivent parfois en de grands gestes sur toutes l'étendue du saxophone, ne sonne jamais jazz ou super fucké. Après, Lester St.Louis au violoncelle était encore une fois renversant, dans une esthétique complètement différente de ce que je l'ai vu faire les 3-4 autres fois que je l'ai vu. Un truc hyper ténu, retenu, plein de textures qui se rencontraient entre les instruments. Chaque fois que je vois ce violoncelliste là il fait quelque chose de différent de la fois précédente. En fin de soirée, le quintette était poche. La batterie jouait trop fort, entraînant avec elle le sax et le trombone (les seuls à pouvoir l'accoter) pendant que le pianiste se démenait et qu'on n'entendait rien. Pas correct ça, il me semble que quand on n'entend pas quelqu'un, on se calme. En tout cas! En plus c'est le pianiste qui organisait la soirée. On ne saura jamais l'étendue de son jeu.

Samedi 7 octobre

Une grande marche me mène au Best Buy voir un inventaire très réduit, au Stranded un magasin de disques que j'avais sur ma liste (un des soixante-dix onglets ouverts sur mon ordi, que je peux maintenant fermer, j'ai vu ce qu'il y avait à voir), au D and Q Computers où il n'y a rien à vendre finalement, au café Thayer dont le slogan « books and coffee » m'inspire à lire quelques pages, au Desi Galli petit resto indien pas cher en chemin puis au métro vers un show d'appartement.

Le métro sort parfois de son parcours sous-terrain et passe plutôt par-dessus la ville, comme lors de ce transfert de Brooklyn à Queens

7 octobre @ l'appartement de Selendis, Ridgewood Queens
commissarié par Selendis Sebastian Alexander Johnson, série « We Are Greater Than (The Sum [From 1 To Selendis’s {=?=} Choice] Of 4n) », épisode #14/6.1
Henry Plotnick (solo piano électronique)
Rocío Días de Cossío (solo violoncelle)

C'était ma première fois dans le quartier Queens. Ça ressemble pas mal à Brooklyn, du moins le secteur Ridgewood où j'étais. Je suis surpris de ces concerts d'appartements. On entre chez quelqu'un, sa brosse à dents et son rasoir traînent dans la salle de bains, je m'assois par terre dans le cadre de porte de sa chambre où on devine le lit défait, il y a sa décoration pas belle; l'hôte partage son intimité avec les inconnu·es. Je trouve incroyable que des gens osent recevoir comme ça apparemment sans crainte de se faire voler, mais ce qui m'impressionne (?) le plus, c'est le partage. Ma chumme Natasha Kanapé Fontaine titrait « N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures ». Chez-soi, c'est l'âme un peu, en tout cas c'est là qu'on entasse toutes ses manifestations matérielles. Proust, sors de ce corps! Est-ce que j'inviterais des gens à voir un concert dans mon salon à Québec? Peut-être. Pourquoi pas, dans le fond? Pourquoi garder si précieux nos espaces?

Le solo de violoncelle était cool, j'y ai reconnu beaucoup de choses que je fais moi aussi. Ça m'a fait réfléchir à ce que ça veut dire jouer en solo. Pourquoi on fait ça, pourquoi on s'impose aux gens comme ça, avec nos sons, nos expériences. Il y en a toujours trop. La violoncelliste était très jeune, je pense, originaire du Mexique et à NYC depuis peu, je pense. On a jasé de mon expérience à Mexico, on s'est promis de se revoir. À suivre. Le saxophoniste était vraiment bon à la fin, il a joué à peine quelques minutes alors qu'il avait une demi-heure à sa disposition, fournissant sans le savoir une bonne réponse à mes questionnements précédents.

Sur le chemin du retour, il était encore tôt et je me suis permis une très rare bière dans un bar. En attendant le métro, j'ai trouvé sur internet des recommandations pour des bars où il est possible d'aller lire tout seul sans se sentir trop pas à sa place. C'est New York après tout, il s'agit de vouloir quelque chose d'assez précis pour en formuler la demande à Google pour le trouver. Je me suis ramassé au Blurp Castle, un petit bar où il est uniquement permis de chuchoter. Exactement la bonne ambiance, ça fait du bien de quitter la rue tellement bruyante pour entrer dans un endroit sombre où on marche sur un vieux tapis brun. Quand le volume des conversations augmente, le barman fait shhhhhhhh et tout le monde baisse le ton en riant de la situation absurde dans laquelle iels ont choisi de se mettre. L'endroit est situé à une vingtaine de minutes de marche de chez moi, mais je n'étais pas habillé pour le froid que la nuit avait imposé alors je suis rentré en métro. J'allais dire « j'ai pris le train », c'est comme ça qu'on dit ici.

Dimanche 8 octobre

Matinée virtuelle avec quelques amis en visioconférence, de qui j'étais content d'avoir des nouvelles. Puis bien du niaisage et du tergiversage, je veux aller voir un show dans un parc mais pas traîner mon ordi lourd, je veux écrire mon blog sur l'ordi mais pas rester à la maison, je magasine les laptops pas chers et ultralégers et je perds du temps de soleil, je veux aller nager mais je ne peux pas tout faire. Finalement, me voilà dans un café-bar de Brooklyn, voisin du concert où je vais dans un instant. Je suis là si longtemps que l'ambiance de café est devenue ambiance de bar. En ce moment les gens prennent une bière en écoutant un vieux film en noir et blanc qui a l'air pas mal drôle. En retrait, il y a moi et un autre gars chacun sur nos ordis, et une fille en train de lire.

8 octobre @ P.I.T. Property is Theft, Williamsburg Brooklyn
trio [Sean Ali (contrebasse), Leila Bordreuil (violoncelle), Joanna Mattrey (alto)]
duo [Daniel Carter ()Austin Williamson,  (on verra qui joue quoi) 

Prochaines dates importantes : 13 octobre, mon aller-retour à Rimouski. J'ai mon vol pour aller à Québec, je sais où je vais dormir le 13 (Québec), 14-15-16-17 (Rimouski), 18 (Montréal?), je fais la liste de ce que je vais aller chercher dans mon appart — principalement : violoncelle pas bon, archet correct, manteau d'hiver — et ce que je vais rapporter — vêtements d'été, Tôme 1 du Proust — il me reste à trouver comment je reviens à NYC à bas prix.

Prochaines dates : 20 octobre, de retour à NYC, concert du NYPhil avec un bon ami! 22 octobre, je reçois chez moi la série de concerts de Selendis. 27 octobre, autre concert du NYPhil. 31 octobre au 4 novembre, visite de deux ami·es, j'héberge les deux premières nuits. 3 novembre au 13 novembre, visite de 4 amies que j'héberge. 5 novembre, je joue dans l'orchestre d'improvisateur·ices. 16 novembre, gros concert Zorn/Hannigan.

6 décembre. Date limite pour proposer un projet de tournée, cette fois ce sera pour le « novembre 2024 » qui occupe ma pensée depuis plus d'un an déjà, on and off comme les cycles de la lunes. Rassembler les contrats de tous les organisateurs, salles de concerts, trouver les frais d'hôtel pour toutes les villes, frais de transport... ça a l'air si facile quand on découpe tout ça en petits morceaux.  15 au 23 décembre, visite familiale que j'héberge. 31 décembre fini.