samedi 26 août 2023

studio du Québec à NYC : jours 24-25 sur 151

Finalement, j'ai été à deux concerts le jeudi le 24 août après ma journée de niaisage admin. et bruits de construction. Premièrement, un duo de pianos dans la salle de concert du Steinway Hall, la maison new-yorkaise des fameux pianos Steinway. La compagnie a pied à terre à Manhattan depuis 170 ans. Excellent concert par deux jeunes pianistes qui ont vraiment trouvé un équilibre entre texture et pseudo-mélodie, pseudo-rythme, entre l'héritage du piano à l'harmonie floue d'un lointain Debussy ou Ravel, free jazz sans le jazz, le tout avec presque pas de démonstration virtuose, avec toutefois un contrôle évident et même raffiné des gros 9 pieds top-of-the-line Steinway. Ça ne se prenait pas la tête. La foule était majoritairement des ami·es, ça a crié de joie à la fin, c'était beau. À un jet de pierres de Times Square, dans un sous-sol, on entendait parfois le bourdonnement d'un métro qui passait.

24 août @ Steinway Hall, Midtown Manhattan
duo [Rahul Carlberg (piano), Maya Keren (piano)]


24 août @ Brooklyn Art Haus, Williamsburg Brooklyn
Anthime Miller (violoncelle, voix, piano)

Puis j'ai été voir un·e ancien·ne ami·e d'école de l'université. On ne s'était pas vu depuis près de 15 ans! Anthime est virtuose du violoncelle, chanteur·euse pop, opéra, tout ce qu'iel veut, iel peut le faire. Pianiste aussi ça a l'air. C'était un one-person-show, organisé par ellui et pour ellui à l'occasion de sa fête. Bravo! Je suis arrivé une heure en retard, croyant avoir compris comment ça marchait à Brooklyn, mais finalement le show avait commencé à l'heure. Même à ça, j'ai eu droit à plus de 2 heures de spectacle. Des compositions originales au violoncelle solo, violoncelle et voix, des reprises très personnelles au violoncelle et voix ou piano et voix, des bonnes blagues, des habits de scène flamboyants et toute une section violoncelle classique avec pianiste accompagnateur. Chapeau. On va prendre un café bientôt.

Je ne sais plus dans quel dédale de quel corridor de quel parcours de métro je suis tombé là dessus, mais wow l'œuvre en mosaïque.


Vendredi 25 août

Je me suis mis à chercher l'adresse de l'appartement où habitait Charlotte Moorman à New York. Ça m'a mis sur la trace de son ancienne coloc, la célébrissime new-yorkaise Yoko Ono. Cette dernière m'a mis sur la piste du The Dakota, un immeuble légendaire aux appartements tous plus prestigieux et décadents les uns que les autres, près de Central Park. Il s'agit d'une coopérative, et le C.A. aurait refusé Madonna et Cher comme locataires. Bien joué! Incidemment, c'est en face de sa porte principale que l'assassin de John Lennon l'attendait en 1980. Je passerai faire un tour. En m'intéressant au parcours new-yorkais de Yoko Ono, je lis sur un loft qu'elle habitait sur Chambers Street avant de connaître John Lennon. Je connais bien Chambers Street : c'est la rue sur laquelle je tourne pour aller à la piscine; c'est la rue où se trouve le Gibney, dédié aux locaux de danse où j'ai fait l'atelier avec Max Cookward la semaine passée. J'y retourne dans un instant et je vais demeurer attentif au 112 Chamber St., que Yoko Ono louait 50,50$ par mois dans les années 60 et où ont passé John Cage, David Tudor, Max Ernst, Marcel Duchamp et LaMonte Young. Concernant ce dernier, il aurait encore un espace tout près sur Church St. appelé Dream House, que je me promets d'aller visiter. LaMonte Young est une figure énigmatique et extrêmement influente sur cette période de l'avant-garde, énigmatique car il n'y a presque qu'aucun enregistrement disponible. Il paraît qu'il a toujours tout enregistré les sessions auxquelles il participait, les concerts, les compositions, je ne serais pas surpris qu'à sa mort quelqu'un mette la main là dessus et... et quoi? Est-ce qu'il est trop tard pour réhabiliter quelqu'un au panthéon de la musique du XXe siècle? En lien avec LaMonte Young, je tombe sur une série de vidéos où le philosophe et activiste Henry Flint (connu entre autres pour avoir formalisé l'idée d'art conceptuel) présente différentes adresses qu'il a fréquenté à New York. Une petite mine d'or pour cet après-midi de niaisage internet : l'appartement de LaMonte Young (il se rappelle une partition en forme de piñata), le loft de Yoko Ono, le premier appartement de John Lennon et Yoko Ono, le loft de Terry Riley jusqu'à l'appartement de John Cage et Merce Cunningham dans les années 90. Bon, quelques heures ont passé, j'ai oublié l'objet initial de ma quête Moorman.

Au travers de toutes ces adresses de la sous-culture des années 60-70, celle de la Earth Room m'interpelle : 141 Wooster St. J'habite au 111 Wooster St.! Il fallait bien que je fasse tous ces détours pour me rendre compte que je suis presque voisin de cette installation de l'artiste Walter de Maria; un loft serait recouvert de terre, 22 pouces de haut sur 3600 pieds carrés, depuis 1977. J'y vais bientôt.

Oui, une autre journée de niaisage peut-être, ou appelons ça recherche-création car j'ai commencé par un appel important pour un projet secret qui impliquerait le Musée de la civilisation (chhhut) et j'ai terminé par une longue pratique de violoncelle avant de me diriger vers un autre renversant concert à Brooklyn.

25 août @ Record Shop, Red Hook Brooklyn
Série Pool 47 commissariée par 1039 Records
Tizia Zimmerman (accordéon)
duo [Sandy Ewen (guitare électrique), Kevin Murray (batterie, percussion)]
Toadal Package [Cosmo Gallaro (guitare électrique), James Paul Nadien (batterie), Brenna Rey (basse électrique)]

Ayoye, peut-être le meilleur concert que j'ai vu à date. Dans le fond d'un magasin de disques, devant à peine une douzaine de personnes (dont Webb Crawford avec qui j'ai jasé un peu). L'accordéoniste m'a jeté à terre, elle a fait un set d'au moins 30 minutes si c'est pas 45 minutes, une pièce énorme dans laquelle on a eu du gros rumble de basses, des accords lumineux et complexes qui rappelaient Messiaen, toute une section aigue avec les tympans qui créent leur mélodie fantôme — excusez, « émissions oto-acoustiques » — façon Maryanne Amacher, encore toute une section de polyrythmie incroyable, le tout dans une structure comme élastique où ça transitionnait d'une idée à l'autre de façon aussi fluide que captivante.

Ensuite Sandy Ewen, que j'avais vue à Québec et solo, a joué avec un batteur surexcité aux influences plus punk. Un set génial, qui flirtait avec le déjanté sans jamais ni exploser ni montrer de retenue. Deux instrumentistes en feu.

Mais pas aussi en feu que le trio Toadal Package. Un batteur charismatique et surexcité lui aussi, qui me rappelait un peu le chanteur de Tad. Une bassiste à la 5 cordes juste assez hors de controle. Un guitariste pitonneur très technique, mais qui étonnamment ne volait pas la vedette. On avait l'impression d'assister à un show de punk, mais il n'y avait rien de punk finalement, sauf peut-être l'attitude. J'ai vu quelqu'un filmer, je serais curieux de voir ce que ça donne en vidéo. On va probablement me voir dans le coin de l'écran, balançant la tête du début à la fin.

Le fond de la salle est en lattes de bois derrière les musicien·nes et avec le dos à la rue comme ça, on se croirait dans un chalet. J'ai bien jasé avec Sandy Ewen, qui me disait que c'est un de ses endroits préférés où jouer et voir des shows, là et au Freddy's, où elle joue justement mardi prochain. See you there. Oui let's play together. Je vire de t'sour un peu en ce moment, mais j'ai l'impression que dans pas long je pourrais être pas mal occupé. Comme si je l'étais pas déjà. Démesure!

Samedi 26 août

Aujourd'hui :
- 14 h, atelier Movement Meditaton final avec Max Cookward
- 17 h, soit aller nager, soit aller à un concert à la galerie d'art Storefront
- 19 h, soit un gros show jazz à Bryant Park, soit le compositeur-guitariste Elliot Sharp en duo dans un bar, soit un show de noise dans un petit appartement (l'endroit est vraiment connu sous le nom « skinny apt »), soit un ensemble de cuivres dans un bar avec deux musiciennes avec qui j'ai parlé Selendis et Kwami. À suivre.

Ça me fesse encore sur la tête la construction depuis le petit matin. À chaque coup la bâtisse tremble! Un bon test de patience, je vais être dû d'aller faire un tour dans une pièce remplie de terre où rien ne se passe depuis 45 ans.