mardi 31 octobre 2023

studio du Québec à NYC : jours 86-87-88-89-90-91-92 sur 151

25 octobre @ The Stone at the New School, West Village Manhattan
The Throw [Erik Friedlander (violoncelle), Mark Helias (contrebasse), Ches Smith (batterie)]

Je ne savais pas trop à quoi m'attendre de Erik Friedlander. Un moment donné, je n'ai pas encore fait le tour de toute la musique possible et impossible à écouter, passée, présente et future, et Friedlander est l'un de ces musiciens sur mon radar auquel je n'ai pas encore donné de temps. Je suis donc arrivé au concert sachant qu'il est un violoncelliste très important de la musique improvisée, expérimentale, etc. Difficile d'être déçu quand on n'a pas d'attentes. J'en conclus donc que j'avais des attentes malgré tout, sans le savoir. Car à vrai dire, j'ai été un peu déçu.

Le batteur Ches Smith faisait partie du trio. Je l'ai vu quelques fois au cours des derniers mois. Un excellent drummer, du genre qui n'arrête pas, très énergique. Il était incroyable d'inventivité dans le Cobra que j'ai vu John Zorn diriger à Roulette. Il avait la précision relax des virtuoses quand je l'ai vu jouer les pièces très écrites de John Zorn au Miller Theater. Dans ce contexte en trio par contre, le set-up jouait contre lui peut-être.

Le trio a commencé à jouer et tout de suite le problème de balance était évident. Smith offrait des plages sonores qu'il concevait clairement comme toile de fond au violoncelle et la contrebasse. Mais le son de la batterie (acoustique) enterrait complètement les instruments (amplifiés). Peut-être ne s'en rendait-il pas compte, il avait un haut-parleur juste derrière la tête. Peut-être prenait-il la posture de celui de qui ce n'est pas le problème. Ça avait un peu l'air de ça.

En tout cas, ça a fini par se placer. C'est quand même ça la musique improvisée, on s'adapte aux situations. Le violoncelle et la contrebasse ont monté le son, la batterie a diminué, mais l'acoustique de la salle ne leur laissait pas de chance.

la lune (presque pleine) très charismatique au retour

Friedlander connaît ses gammes. Son approche est basée sur les notes, disons 95% du temps, car il a bien quelques moments où la texture et le geste prennent le dessus. Notamment une très belle fin où il a presque complètement déroulé sa corde la plus grave. Il utilise parfois une pédale d'effets qui harmonise automatiquement la note qu'il est en train de jouer en plus d'ajouter un peu de reverb. Et à cause de son choix d'harmonie (la quarte au dessus), ses quelques interventions avec effet sonnaient assez jazz fusion années 80. Pas tellement un compliment.

Sinon, qui dit notes, dit souvent référence culturelle. La gamme diatonique évoque la musique classique, la pentatonique évoque les musiques de tradition asiatiques, il y a les gammes qu'on associe au jazz, à la musique turque, etc. On n'est pas en terrain neutre et j'ai été surpris qu'un grand nom comme Friedlander revienne si souvent au mode dorien, sans autre impulsion que le réflexe peut-être (ce n'est pas une mauvaise chose non plus), qu'il cite telle gamme japonaise, tel univers mélodique un peu convenu.

Le contrebassiste se démenait en arrière et j'ai senti que les trois musiciens étaient content de leur concert à la fin. Mais sans plus. À moins que ce ne soit de la projection de ma part, car je suis sorti de là en me disant, « pas pire! », ce qui est à la fois tièdement satisfaisant et une manifestation de la pire des réactions : l'indifférence. Je suis parti sans parler à personne, 0/10 pour moi sur les relations publiques.

Jeudi 26 octobre

Grosse journée de travail. Pour une rare fois, j'éprouve une certaine satisfaction alors que la journée se termine et que j'ai réussi à soumettre mes projets pour deux évènements majeurs (en 2024... et 2025, ça y est, on est là) en plus de relancer mon assureur pour le violoncelle (erreur dans mon dossier de renouvellement) et travailler sur un enregistrement qui sera mis en ligne dans les prochains mois. Pas de concert, pas de natation, aucune dépense à ajouter à mon tableur NYC budget.

Vendredi 27 octobre

Relancer l'assureur. Travail sur la pochette du vinyle que je lance dans les prochains moins. Suivis sur d'autres dossiers. Une marche au petit café que j'aime bien sur Waverly. J'arrête au dépanneur sur le chemin du retour, où on me fait un wrap falafel. Puis l'orchestre.

27 octobre @ Wu Tsai Theater, David Geffen Hall, Lincoln Center, Upper West Side Manhattan
for your eyes only, John Zorn [NY Phil, Brad Lubman (chef)]
Dawning for improvising musicians and orchestra, Kinan Azmeh et Layale Chaker [NY Phil, Kinan Azmeh (clarinette), Layale Chaker (violon), Brad Lubman (chef)]
Gougalōn, Unsuk Chin [NY Phil, Brad Lubman (chef)]

Je crois bien qu'encore une fois je m'étais fait des attentes malgré ma philosophie habituelle. Après tout, on ne paye pas 46,93 dollars canadiens (le concert le moins cher de toute la saison du NY Phil) sans penser que ça devrait être pas pire. La première pièce était assez représentative de l'univers difficilement représentatif de John Zorn. Écrite en 1989, elle faisait se juxtaposer des ambiances très typées, certaines rythmées, d'autres plus abstraites, toujours dans une recherche de contrastes d'une section à l'autre. Il y avait plusieurs instrumentistes sur scène, mais on était loin d'un orchestre complet.

La deuxième pièce m'intéressait plus particulièrement. Une pièce qui se décrit « pour musicien·nes improvisateurices et orchestre ». Intéressant. J'ai écrit un « Concerto pour violoncelle et ensemble » il y a plusieurs années, où toute la partie du soliste est improvisée, j'avais hâte de voir comment d'autres s'en sortiraient, dans le contexte d'un orchestre d'interprètes formées à la classique plutôt qu'un ensemble spécialisé en musique improvisée. J'avais oublié que l'improvisation, ça désigne toutes sortes de pratiques. Incluant une trame d'accompagnement pour jammer des mélodies un peu prévisibles. Ceci dit, c'était tellement bien joué. Les deux solistes-compositeurices sont des virtuoses, ils vivent la musique jusqu'au bout des doigts. Mais c'est ça, le mélange des solistes, leur musique plutôt arabisante — il est originaire de la Syrie, elle du Liban, les deux habitent (ensemble?) à Brooklyn selon les notes de programme — avec l'orchestre très léché, ça m'a un peu laissé sur mon appétit. On était un peu dans la trame sonore de film, je ne sais pas. C'était bon. J'était déçu.

La dernière pièce au programme, de la compositrice Unsuk Chin, était plus substantielle. Le parallèle avec la pièce de Zorn était très intelligent. Encore un concert bien pensé, exemplaire.

Je rentre à pieds et croise deux amis par hasard! Je les joins pour une rare petite bière dans un bar.

Samedi 28 octobre

Travail de montage vidéo ce matin. L'autre jour au concert organisé chez moi, un personnage de la scène de musique improvisée new-yorkaise s'est pointé. Il est de tous les concerts, officiels comme non officiels, Peter Whitney, mieux connu sous son nom instagram jaguarpsychosis, longue barbe grise pointue, utilisant sa cane comme trépied, filme la musique improvisée et diffuse des extraits sur sa page. On raconte qu'il est bien difficile d'obtenir les fichiers originaux de sa part, mais j'ai réussi. J'avais une autre source vidéo d'un ami qui était là et qui m'a fait la surprise de filmer tout mon duo. Alors, quelques heures de surimpression et de fignolage, exporter, téléverser, annoter. Et voilà le travail, mon duo avec la joueuse de piccolo sur youtube.

Puis il y a eu un article sur moi dans La Presse et j'ai pris le temps de faire un post facebook à ce sujet, qui s'avère très populaire, coudon. La photo est vraiment cute avec le petit arc-en-ciel. Malheureusement, encore un titre qui me présente comme un « survivant » (voir la revue de presse initiale). J'imagine que ça entre bien dans le champ lexical à l'approche de l'Halloween, avec les zombies, vampires, revenants et autres esprits. Et c'est de bonne guerre d'attirer l'attention du lectorat avec une pincée de trauma porn, pour ensuite livrer un portrait sommes toute positif et fidèle à la conversation qu'on a eue. Je comprends. C'est chill. Salutations à l'auteur, qui lira peut-être ceci.

Après tout ça, encore un peu de travail sur la pochette du vinyle. Puis un café sur le bord de l'eau, question de ne pas avoir manqué toute la magnifique journée à rester en dedans. Un ami me rejoint. Je vais manger un burger en solo. Puis une deuxième chance pour Erik Friedlander!

New York le 28 octobre 2023, à 17 h 22, il a fait 27°C aujourd'hui

selfie de coucher de soleil

pleine lune sur la ville

28 octobre @ The Stone at the New School, West Village Manhattan
Electric Snowfall [Erik Friedlander (violoncelle), Ikue Mori (électroniques), Kevin Norton (percussions, vibraphone)]

Vraiment bon concert, tiens donc. Friedlander déposé dans le bon jardin déployait pas mal plus de ressources que l'autre fois. Ou c'était plus adapté à mon oreille. Ou mes attentes étaient basses. Ou j'étais mieux disposé. Ou tout ce à quoi touche la percussionniste électronique au laptop Ikue Mori se transforme en or. Ou le percussioniste et vibraphoniste Kevin Norton réussissait à étonner et pousser Friedlander tout le long. J'ai reconnu quelques gammes caractéristiques au violoncelle, et la finale du concert était par hasard exactement la même que le mardi précédent : dérouler la grosse corde jusqu'à ce que ça oscille et ça ballotte et il n'y a plus de note. Un adon. Un bon choix. Un bon concert.

Dimanche 29 octobre

Ce matin au menu, une pièce de 45 minutes que je soumets pour une compilation sur une étiquette montréalaise, à sortir en décembre. C'était l'étape finale de ce projet. Réécouter le mix fait pas un bon ami, valider le format, envoyer le tout à l'étiquette avec un petit mot. Hop! Après j'ai niaisé un peu.

Au fait, je dois absolument réussir à m'accorder une journée de congé. Je n'y arrive pas du tout, ma liste de choses à faire est pleine, ça pousse. Mais un jour il faudra bien, ça fait depuis avant même de partir pour la semaine à Rimouski que je m'en fais la promesse.

Ce soir, après une bonne session de nage, concert très sympathique d'un ami que j'ai connu à l'université, presque dans une autre vie. Il a composé de la musique pour le classique du cinéma muet Das Cabinet des Dr. Caligari. Sommet de l'expressionnisme allemand, ce serait le premier film d'horreur. La musique était super.

Brooklyn Art Haus, Williamsburg Brooklyn
Anthime Miller (violoncelle, voix, piano, composition), Ava Vyvyan Avanti (alto, viole de gambe), Nicolas Rastegar (basson, flûte traversière, harmonica, piano, composition)

Très impressionnant de voir ces multiinstrumentistes à l'œuvre, ne jouant jamais du même instrument plus de quelques minutes. Un moment donné, Anthime et Nicolas changent même de place pour nous offrir un moment violoncelle-piano. Mais je n'étais pas attentif. Ça arrive! Ça arrive et j'ai décidé que c'était bien correct, pour une fois, d'assister à un concert en écoutant à moitié, en prenant les bons moments. J'ai passé une excellente soirée.

Lundi 30 octobre

Ce matin je fais un peu de promo pour le concert monnomest auquel j'ai décidé que j'allais assister. Je me paye un aller-retour en avion à Montréal, très jet set de ma part! Don't cancel me. Dans mon gros appartement de riche, au dessus de la collection de sacoches à 30 000$, un 450$ d'avion est si vite parti. Je m'en fais rembourser une bonne partie par la production de toute façon, et il fallait vraiment que j'y sois. Autant pour la compositrice, qui me dédie sa pièce, que pour moi.

Après, j'écris plusieurs emails de suivis pour mon projet de tournée en duo en novembre 2024. Il faut vraiment que j'avance ce projet, que j'obtienne toutes les conversations d'ici la fin du mois de novembre pour pouvoir faire la demande. Ark! Décidément pas la partie du travail qui me plait. J'aide un ami pour de la rédaction justement. Puis une bonne pratique de violoncelle. Pas de concert ce soir, mais retour au yoga, épicerie, un peu de routine sans tout à fait jamais répéter les mêmes choses dans le même ordre. Combinatoire de la vie.

Mardi 31 octobre

J'écris ceci en direct d'un café très instagramable.

Le mot de passe du wifi est « mosswall », et je suppose que ça symbolise tout l'effort qui a été mis dans ce bout de mur couvert de faux lichen (pas sur la photo). Le café ferme plus tôt que je pensais. Dehors, je vois les préparatifs pour la parade d'Halloween, gros évènement annuel ici. Pour ma part, j'ai des amis qui arrivent de Montréal. Qui arrivent juste à temps pour que je les traînent tout de suite attraper la fin d'un concert.

31 octobre @ Downtown Music Gallery, Chinatown Manhattan
Trio [Marco Cappelli (guitare classique modifiée amplifiée), Chris Cochrane (guitare électrique), James Paul Nadien (batterie)]

On entre en plein milieu du set et on est tout de suite soufflés par la présence et l'intensité des musiciens. On est soufflés et on est aussi aspiré par le sous-sol. On est trois et, comme je pensais, on double presque la taille de l'auditoire en s'ajoutant. Excellent concert. On jase un peu avec les musiciens. On arrête à une place de nouilles, scusez de hand-pulled noodles, qui m'a semblée bien authentique avec tout le personnel qui parlait mandarin. À moins que ce ne soit un des dialectes dont les youtubers américains qui voyagent se servent pour impressionner d'autres américains. Je réfère à ceci, pour qui n'est pas tombé encore dans ce vortex youtube.

Mercredi 1er novembre

Je commence la journée en complétant ceci. Les amis ont bien dormi, je leur ai fait des toasts dorées, ils partent bientôt dans la ville, je vais rester travailler. Sur quoi? Je ne sais plus, ce n'est pas le choix qui manque. Tiens donc, l'assureur me répond. J'ai un truc à faire rapidement pour la coop à Québec. Ah oui, il faut payer le loyer aussi. Mais je pense bien qu'à force de travailler tous les jours je vais finir par toucher le fond. Dans le bon sens de toucher le fond, le fond de la liste de choses à faire, pas le fond de moi qui crash parce que je ne suis pas capable de m'accorder de congé. À 17 h, j'ai la visite d'un contrebassiste et on se fait une petite session en duo. Ce soir, un concert dans Queens?