dimanche 13 août 2023

studio du Québec à NYC : jours 11-12 sur 151

La cuisinière au gaz, ça me stresse. Tik tik tik tik tik et la moitié du temps la flamme n'apparaît pas. Du gaz sort, je le sens, l'odeur typique. Alors j'allume la fan du poêle, j'attends que le combustible invisible se disperse. Je l'imagine se répandre dans la pièce, lambeaux de nuage ou masses comme la cire dans une lava lamp tout autour de moi. J'imagine l'une de ces poches de gaz vagabondes retrouver la flamme quand enfin ça allume. Explosion! Mais non, ça va, les toasts dorées sont toujours aussi délicieuses, leur cuisson même meilleure. N'empêche que ça stresse le gaz, le feu, voyons donc.

Vendredi 11 août

J'ai pris une bonne marche le long de l'Hudson (fleuve du côté ouest de Manhattan) en me rendant à la piscine pour les longueurs. Le soleil dardait, et moi qui suis très résistant, pour ne pas dire fervent, de chaleur, je suis impressionné encore une fois par les New-yorkais·es qui ne semblent pas du tout affectés par la chaleur. Les rayons m'arrivaient directement sur la tempe droite, dédoublés par la surface réfléchissante de l'eau, passaient entre ma casquette et mes lunettes de soleil et formaient comme une boule incandescente entre mon œil et le verre, au point que je réorientais ma tête périodiquement pour chasser la sensation. Pendant ce temps, plein de gens autour de moi, chez qui j'observais à nouveau deux phénomènes opposés, mais très communs et surprenants que j'ai remarqué à NYC :

- les personnes habillées en long quand il fait très chaud. Il me semble qu'au dessus de 30°C (86°F pour parler local), on s'attend à voir les gens en short shorts et en cami côtelée bretelle spaghetti du Simons. Mais non, le pantalon long est tout à fait majoritaire dans les rues de Manhattan. Pourtant, on voit bien les t-shirts collés sur les corps, la sueur qui perle sur les visages, ce n'est pas comme si les New-yorkais·es avaient évolué back chez les reptiles. Plus rares mais quand même fréquentes, je vois aussi les manches longues apparaître par temps très chaud. Mes hypothèses : 1) il peut faire bien plus chaud que ça ici, je n'ai pas connu les vraies canicules new-yorkaises, et à ce point-ci de l'été les corps seraient bien adaptés; 2) la climatisation est tellement omniprésente qu'il vaut peut-être mieux être habillé en long si on passe une partie de la journée à l'intérieur. 

- deuxième phénomène observable et observé : le gars pas de t-shirt en train de faire sa course comme si de rien n'était. Toujours un gars tout seul, pas de duo de chests, pas de gaggle d'Apollons, il est toujours shapé comme une revue de maillots de bains. On croise le gars pas de t-shirt vraiment n'importe où et n'importe quand, mais assez peu souvent pour être un peu surpris à chaque fois; en voici un en plein jour sur un coin de rue au milieu d'une cinquantaine de touristes, en voici un dans une rue déserte le soir, en voici un au gros soleil sur la rive de l'Hudson, qui ne montre aucun signe de fatigue alors qu'il cuit littéralement, scientifiquement. Et dans ses yeux, rien. Le gars pas de t-shirt est une machine, un personnage de jeu vidéo avec lequel on n'est pas supposé interagir. À la différence du gars pas de t-shirt montréalais, qui nous montre fièrement et stupidement ses gros biceps. À la différence du gars pas de t-shirt de Québec, vieux soûlon désagréable de qui il faut immédiatement détourner le regard, sous peine de se retrouver plongé dans un monologue immanquablement raciste et sexiste.

Après l'observation, la marche, les longueurs et un prudent retour en métro, j'ai été lire avec un café, j'ai été manger des kimbap et j'ai pris une marche espérant trouver un bar où j'aurais envie de m'arrêter. Mais rien ne m'inspirais. Je me suis ramassé un gros beigne au foodtruck et suis rentré bien sagement.

Samedi 12 août

J'ai commencé la journée en m'inscrivant à une classe de danse avec Max Cookward. Suffit le niaisage, je ne suis pas danseur, mais j'ai toujours quelque chose à apprendre des ateliers de danse. Max Cookward est vraiment un excellent chorégraphe et danseur basé à Londres, je suis son évolution depuis plusieurs années sur son instagram. Ce sera sûrement gênant de le rencontrer en vrai, surtout dans le contexte vulnérable d'un affaire de danse, mais qu'importe, c'est New York. Max Cookward travaille souvent avec un violoniste, genre violon amplifié noyé dans le reverb, il a donc une affinité pour le son, les textures sonores. Ça nous fait déjà un point commun. C'est samedi prochain, 19 août, 10-20$ contribution volontaire, et il appelle ça « Movement Meditation Workshop ». Go!

La vue sur l'appartement en me réveillant ce matin là.

Ensuite, j'ai épluché la programmation des mois à venir de l'orchestre philharmonique de New York. La musique classique, vraiment un sport de riche comme en témoignent les prix des billets. Et je comprends que le concert inaugural de saison, avec Yo-Yo Ma et tout, soit un évènement de prestige, de réseautage à 500$+ le billet. Mais le reste de la saison à 80-100$ (110-135$ canadiens) pour même pas des bonnes places, c'est indécent, comme ailleur. Programmation correcte, avec des classiques et toujours au moins une pièce plus récente par contre. Et il y a deux concerts à venir en formule contribution volontaire. Je note le 12 septembre, date à laquelle les réservations ouvrent. Enfin, un seul concert à prix fixe raisonnable, 34$ : une création « pour deux musiciens improvisateurs et orchestre » de Kinan Azmeh and Layale Chaker, une pièce de la compositrice Unsuk Chin (élève de Ligeti) et une création pour orchestre de John Zorn. J'achète. Ce sera le 27 octobre.

J'ai vu passer que le zoo du Bronx offre de rentrer dans une pièce qui contient plus d'un millier de perruches. AMERICA. Je vais peut-être attendre d'avoir des amis en visite pour tenter l'expérience. Quoique! Je suis pas mal la seule personne que je connaisse qui a vraiment envie de cette activité.

Après ces recherches virtuelles, j'ai fait ma pratique de violoncelle en début d'après-midi. Pas de nouvelles du voisin. Puis j'ai été lire au café, le même café où j'avais été hier. Allô, sympathique barista. Ce n'est toujours pas le bon café pour moi, je dois continuer à en essayer d'autres. Puis j'ai été voir un concert dans une galerie d'art. Puis j'ai mangé un club sandwich végane. Puis j'ai été à un autre concert à The Stone. Puis j'ai essayé le fameux Stonewall Inn.

12 août @ Storefront for Art and Architecture, Nolita Manhattan
trio [Ricardo Gallo (piano)
, Samita Sinha (voix), Cecilia Vicuña (voix, poésie)]
dans le cadre de l'exposition Direct Action de Francisca Benítez

J'y ai croisé une saxophoniste vraiment hot que j'avais vu en concert au début du mois passé à Montréal. See you soon yeah.

12 août @ The Stone at the New School, West Village Manhattan
duo ARCADES [Brian Chase (drums), Anthony Coleman (piano)]

À date, The Stone est la salle que je préfère pour les concert. Très vieux jeu de ma part, mais j'aime ça pouvoir m'asseoir proche de la musique sans que ça me feedback dans tête, et j'aime le public attentif et réceptif, qui est là juste pour écouter. Cette fois, pas un concert qui va changer ma vie, mais un très bon concert et un privilège de voir ce duo de vieux amis qui n'ont pas dit leur dernier mot. Anthony Coleman a son propre langage harmonique au piano, un instrument qui cherche tellement tout le temps à se réclamer des traditions soit classique ou jazz. Je ne sais pas comment il fait. En fait oui, j'ai bien vu, bien entendu, il trouve des rencontres de notes ou agrégats qui se tiennent, harmoniquement parlant, sans jamais pasticher les grands maîtres. Quand même un tour de force.


Ensuite, parlant des choses un peu moins pour moi. Ça y est, ça pourrait être le moment du voyage où, immanquablement, je vais chialer sur le fait que j'ai beau être dans la plus grosse ville du monde avec la plus forte tradition LGBTQIA+ militante du monde, je ne trouve nulle part où aller parmi ces belles personnes, par ce que leur musique fucking sucks I hate it I'm triggered. Mais ça n'ira pas plus loin pour aujourd'hui. Après être passé devant le fameux et historique Stonewall Inn une fois, deux fois, trois fois sans oser rentrer, j'ai enfin franchi sa sécurité et sa porte hier. La même playlist de musique de marde pop 2006 comme dans tous les bars gays du monde, les mêmes drag queen dont j'ai manqué tout le show de toute façon, les mêmes gars tous habillés soit le plus platte du monde, soit super efféminés, et bravo à eux de vivre leur true self en toute sécurité. I'm bored. Ceci dit, Stonewall Inn, check. Birthplace du mouvement de libération queer, check.

Plus largement, je suis dans la ville du free jazz et ça, oui j'ai trouvé où ça se passe. Mais je suis aussi dans la ville de Sonic Youth, du No Wave, du punk. Je me demande bien où c'est possible de s'assoir dans un bar et entendre de la musique qui a de l'allure. J'ai ajouté Patti Smith sur mon instagram. Je lis un blog sur les endroits où a habité William S. Burroughs. Je lis une entrevue récente où Thurston Moore parle d'une certaine galerie d'art. À suivre.

Dimanche 13 août

Ce soir, concert de John Zorn qui, à l'occasion de ses 70 ans, dirigera sa fameuse pièce Cobra.