dimanche 6 août 2023

studio du Québec à NYC : jour 5 sur 151

Au réveil, l'appartement ensoleillé. C'est tellement tranquille tout d'un coup, est-ce parce que c'est dimanche ou parce que j'ai enfin résolu de fermer les fenêtres pour la nuit? Je suis rentré tard hier. J'ai enfin vu des rats dans le métro, puis dans les ordures dehors. Pas trop de monde louche à date, même à 1 h du matin un samedi soir.

J'avais prévu aller au Bryant Park hier après-midi, mais la journée avançait et je commençais à manquer de temps. Je me suis donc dirigé vers le Washington Square Park où j'avais été lire l'autre fois : un beau samedi plein de monde, des artisanats de tous les genres tout le tour de la fontaine, un trio jazz dans un coin, une troupe de danse qui filmait des tik toks (je suppose), une danseuse soliste (je l'avais vue l'autre fois, elle est comme vraiment bonne pour vrai, Kanami Kusajima aka lethairdown), des gens assis à chacun des nombreux bancs ou sur le gazon.

spoiler alert : photo vraiment poche de Madison Square Park

Il faisait beau, j'ai poursuivi sur la 5e avenue. 5th avenue, me semble avoir déjà entendu ça. Un google plus tard : « The Big Apple's most famous street is Fifth Avenue, also known as Millionaire's Row. » Ah! J'ai marché jusqu'au Madison Square Park et je n'ai rien à signaler sur cette portion sud de la 5th avenue, sinon un gros Club Monaco, H&M, Sephora, l'université The New School où ont étudié, entre autres, Bill Evans, John Cage, Ai Weiwei, Jasper Johns.

5 août @ "In the back", Brooklyn
Grout : Mallie Sanford (solo électroniques, lecteurs cassettes, cloches, xylophone en bois)
BK : Benjamin Kendall (solo console, drum machine, cymbale amplifiée, mp3, voix)
Samara Lubelski (solo violon amplifié avec pédale de tremolo)
Aaron Dilloway x Evil Moisture (duo lecteurs de bandes magnétiques, électroniques)
Leila Bordreuil (solo feedback, électroniques, violoncelle)

Je ne suis pas certain des noms de ce que j'ai vu. [EDIT : deux jours plus tard, une série de stories Instagram a clarifié le tout] On annonçait aussi un special guest, mais tout le monde était spécial tant qu'à moi. Je crois que les gens sur place savaient qui jouait, pas moi! Le genre de show où ça commence sans présentation, le public se tait, ou continue à parler et chiller, c'est tellement fort que ça change rien, puis on applaudit quand c'est fini, la musique d'ambiance recommence et l'artiste dit rien. J'aurais pu demander autour de moi qui jouait. C'était pas la (ma) vibe.

C'était annoncé à 20 h, je suis arrivé à 20 h 30, ça a commencé à 21 h 30. J'apprends. J'ai fraternisé avec un compositeur berlinois (tiens donc) d'origine suédoise qui est présentement en résidence de création à Blank Forms où il accorde un piano selon un système qu'il a élaboré. Ça me rappelait une pièce renversante The Well-Tuned Piano par LaMonte Young et il m'a dit qu'il avait étudié avec lui justement il y a quelques années. Ok! Ces jours-ci, il prend aussi des cours de rudra veena (quessé ça? Un genre de sitar basse) avec le grand maître Bahauddin Dagar, que je découvre à l'instant et me promets d'aller voir en concert en septembre.

Résumé de soirée : de la très bonne musique, très bruit, très organique, très lo-fi avec des cassettes, des vieilles pédales d'effet, consoles louches des années 90. Beaucoup de monde dans une petite cour arrière, je dirais 150 personnes au moins, ça fume ça boit la musique très forte. Pour acheter une cannette de bière, soit on paye 4$, soit on tire le dé. 2$ pour moi. Pas mal de queerness, de monde pas de déo, de linge déchiré, et j'avoue que ça fait du bien après 4 jours de l'ambiance très proprette de SoHo.

Et puis on observe un peu plus attentivement et la petite cour très punk est en fait montée quadraphonique avec des bons speakers, il y a des micros hifi pendus au-dessus de la foule, dans la fumée du bbq entre les lumières suspendues. Les prestations se déroulent avec pas mal de glitches, mais sans jamais que ça foire : électroniques vintage bien entretenus? En même temps, BK met tout son kit directement par terre sur la terre battue-pas-si-battue. Et Leila Bordreuil arrive à la fin avec une table complète de consoles des années 90 et pose, sous la table, directement dans la terre, cigarette d'une main et un énorme verre d'eau dans l'autre, son macbook air. Le violoncelle dans la terre aussi, et je n'ai jamais vu une aussi longue pique, ça lui permet de jouer debout. Puis l'ordinateur est connecté à un très bon écran suspendu un peu plus loin, où sont diffusées des images qui semblent avoir été tournées par une vieille caméra. Puis numérisées. Ça a commencé sur un feedback mid-low drone et, les yeux fermés, directement en performance, elle a crinqué ça. Il y a eu des courts moments où ça screechait pas mal quand elle a enfin pris le violoncelle. Un moment donné, elle a baissé les électroniques et a fait deux-trois notes tenues au violoncelle et s'est arrêtée abruptement. J'aime une fin abrupte. Leila Bordreuil est très bonne, très assumée, très inaccessible.  Quoique.

Pour revenir au concert en général, au-delà de l'esthétique délabrée il y a vraiment un désir — et surtout, les moyens — de bien faire. C'est un renversement par rapport à la norme, non? Dans la rue, l'habitude de côtoyer des gens qui n'ont pas grand chose et s'efforcent de paraître à l'aise : maquillage, grandes marques, carte de crédit. Là, on s'efforce d'avoir l'air décriss, mais en réalité peut-être que la vieille console Peavy a été remontée par Louis Vuitton lui-même. Peut-être pas non plus. Moi aussi je suis déjà parti de ma petite banlieue avec des jeans trouées jusqu'en dessous des bras. Et moi aussi j'ai fait des shows avec des walkmans pas top, des pédales louches, du gear vraiment pas Festival InterNational de Jazz de Montréal. Et ça marche. La relation avec l'ampli Crate dans lequel il faut zigner un peu le fil pour qu'il fonctionne est peut-être plus agréable qu'avec le Hughes & Kettner qu'on peut pas se payer de toute façon. À suivre.

Aujourd'hui, je vais voir la guitariste d'avant-garde (cf. wikipedia) Ava Mendoza, gratuitement dans une rue fermée pour la fête des jardins au cœur de Manhattan, Arts for Art InGardens à 18 minutes de marche d'ici. Avant ça, je n'ai toujours pas de nouvelles du voisin d'au-dessus, que j'entends parfois, comme maintenant, faire les cent pas en souliers, avec sa démarche que je devine très peu gracieuse, alors je vais essayer quelques notes de violoncelle et on verra. Briser la glace.

Je n'ai toujours pas essayé le lave-vaisselle, mais depuis hier j'essaie l'air climatisé. Pas pire.