lundi 29 juillet 2024

studio du Québec à NYC : épilogue 7, jours 358-359-360-361-362 sur 151

Voici tout ce qui reste — pour l'instant? une vidéaste était là, mais on sait ce que c'est, plus c'est pro, moins il y a de chances de recevoir quoi que ce soit — de mon solo du 24 juillet chez Selendis Sebastian Alexander Johnson. Il faisait très chaud, certainement au dessus de 30°C dans l'appartement — 86°F pour respecter l'échelle locale — et très humide. J'étais dans mon élément.

Jeudi 25 juillet
Café à Central Park

Aller lire à Central Park, pourquoi pas? Un autre item de coché sur ma liste des attractions new-yorkaises plus typiques à croiser avant de partir. C'est comme ça que commence mon après-midi, après beaucoup de travail à la maison sur le concert que je coorganise le 27 septembre prochain, dans un lieu qui demande bien du formulaire. Après avoir marché longuement dans Central Park — je suis arrivé par la limite sud et je me demande si en 20 minutes de marche en ligne droit on atteint le centre du Central Park; les distances sont toujours pour grandes qu'on pense à New York, Manhattan en particulier — je n'ai plus vraiment le temps de lire. Satisfait quand même, je vais nager au YMCA comme mardi passé. Puis je vais à un concert dans un appartement.

25 juillet @ l'appartement de Nathan, Ridgewoods Queens
Selendis Sebastian Alexander Johnson (trombone solo)
Nathan Nakadegawa-Lee (sax ténor solo)
Anna Abondolo (guitare, voix)

Un autre excellent concert. Selendis fait un solo où intervient le performatif, les gestes qui n'ont pas de son pour les appuyer mais qui transportent la musique plus loin. Puis Nathan démontre sa maîtrise de l'instrument, joue des choses très subtiles sans oublier de nous donner un gros moment de sax fort. Puis Anna Abondolo, que je connais comme contrebassiste formidable, très sensible et juste, livre une série de chansons hyper touchantes de son projet Worldwide Seagull. Elle a apporté un petit projecteur qui montre derrière une belle photo de plage où se découpe sa silhouette en négatif; en effet, elle dirige le projecteur sur elle et tandis qu'elle joue pour nous, son ombre joue à la plage. Sa voix nous amène instantanément dans son univers, doux et rugueux à la fois. Entre chaque pièce, elle prend un des dessins qu'elle a disposés au sol devant elle et le colle sur sa guitare, pour nous le montrer et lui faire accompagner la chanson en cours. Elle a tous les talents, le tout servi avec un espèce de pince sans rire, d'autodérision sincère. On a une bonne conversation après le concert, alors qu'elle a apporté des carrés aux rice crispies pour toustes auxquels s'ajoutent des tranches de melon préparées par notre hôte, et quand je lui demande ses inspirations pour ce projet beaucoup plus « chanson » que le reste de sa vie musicale du côté free improv, elle me répond sans hésiter : le asmr. Eh! On se promet de se tenir au courant.  

Vendredi 26 juillet
Café Trash Island

Avant-midi finances. Je m'installe à la table ronde sur le trottoir devant le café Trash Island et je prends quelques heures à mettre à jours mes affaires. Registre de dépenses pour NYC et les deux jours précédents à Montréal, trier les factures, rentrer ça dans le tableau excel, valider les montants après taux de change dans mon compte, ranger les reçus papier, les reçus email, prendre en note les dépenses pas de reçus. J'aide à finaliser le travail administratif qui reste pour le concert que j'ai coorganisé le 12 juillet passé, je continue à gérer quelques emails pour le concert du 27 septembre prochain. Puis, un petit tour à l'épicerie, une grosse batch de pâtes qui va me durer jusqu'à la fin du voyage et je suis prêt à partir à un autre concert d'appartement. 

26 juillet @ Prospect Series Apt, South Slope Brooklyn
Prospect series #37
duo [Madison Greenstone (clarinette contrebasse), Zosha Warpeha (hardanger d’amore)]
Forest Music [Sean Ali (basse acoustique, harmonica basse, objets), Flin van Hemmen (percussions, voix)]
duo [Nathaniel Morgan (sax), Jonah Rosenberg (électroniques)]

Je m'étais dit que j'arriverais en avance pour marcher dans le cimetière Green-Wood, tout près de l'appartement du concert et où se trouvent entre autres les tombes de Jean-Michel Basquiat, Leonard Bernstein et Louis Moreau Gottschalk, mais mon cuisinage a été trop long. Voilà quand même un des désavantages de la colocation : il faut ramasser tout de suite pour maintenir la bonne entente, ce qui décuple le temps de tout ce qui implique marmite, poêle et restants.

Le premier duo de la soirée est incroyable, presque juste des longues notes tenues. J'avais déjà vu Madison Greenstone en concert, toujours dans des contextes où elle fait un assault aux tympans avec le registre aigu de la clarinette en si bémol. Cette fois, son jeu était posé et vraiment impressionnant de retenue wow et tellement bien complémenté par l'instrument à cordes de sa collègue, un espèce d'alto avec des cordes de résonance supplémentaires. Puis Forest Music, j'ai trouvé ça platte, ça arrive! Et le dernier duo ne m'a pas convaincu de rester jusqu'à la fin, surtout que j'avais un bon 45-50 min. de transport à faire pour le retour.

Notre hôte me fait promettre de l'avertir lors de mon prochain passage à NYC, pour jouer ensemble ou jouer dans sa série de concerts. Noté.

Samedi 27 juillet
Café Elk

Encore de l'admin ce matin. Est-ce que je vais en voir le bout un jour? Cette fois, j'ai enfin les informations de tout le monde pour terminer le damné formulaire pour le concert du 27 septembre. J'appelle ça du bullying administratif. Qui d'autre accepte de faire tout ce travail bénévolement? Alternativement, quel genre de projet justifie la dépense de payer la personne qui se tappe le gros de l'admin, avec un taux horaire mettons? Et surtout, à quoi ça sert d'être si formels, de demander autant de détails pour un si petit truc? En tout cas, au travers de tout ça j'avance bien le montage vidéo de mon concert du 28 avril passé.

En après-midi, j'improvise une sortie à Manhattan. Je commence par m'inspirer de ce que les influenceurs sur tik tok recommandent comme meilleur café à NYC et me dirige aveuglément vers le Elk dans le West Village. En arrivant, je suis surpris de trouver un petit café où il y a à peine une dizaine de places pour s'asseoir, toutes dehors. Le café est bon, mais sans plus. Il faut savoir que les Américains, en général, consomment leur café en y ajoutant pas mal d'affaires, des saveurs, du lait d'avoine, des creamers, et que leurs évaluations se basent sur le mélange. Moi, je prends ça noir.

Puis je me dis, voyons voir de quoi ont l'air les gros magasins de musique à New York. Je n'ai jamais fait ça encore et je suis justement à la recherche d'une nouvelle basse électrique. Une bonne excuse pour traverser le West Village vers Chelsea ou Union Square dur à dire. Puis je vais à Rivington Guitars dans le East Village où je vois pour la première fois en personne une Gibson Victory Bass, instrument qui m'intrigue depuis fort longtemps. J'en profite pour arrêter au magasin de disques Stranded Records pas loin. En quittant par Astor Place, je croise la tiktokeuse légendaire — en tout cas, comme je dis souvent, connue de ceux qui la connaissent, comme moi qui adore tomber sur ses vidéos — Jae Gottlieb. On échange quelques mots, j'admire son travail quotidien, à mi-chemin entre l'art performance (je ne sais pas si elle se perçoit ainsi) et la télé-réalité (elle diffuse son quotidien jour après jour, se filmant elle-même, cellulaire au bout d'une pôle), je la complimente sur sa gentillesse, qui semble guider tous ses faits et gestes et donne un modèle à ses fans, qu'elle appelle les Jaebies, et que je salue sur son omniprésente diffusion en direct.

27 juillet @ please y.s., Crown Heights Brooklyn
Laura Ortman (violon amplifié, effets)
duo [Trae Crudup (batterie), Chris Williams (trompette, effets)]
AM/FM [Ava Mendoza (guitare électrique), gabby fluke-mogul (violon amplifié)]  

Complètement renversé par le duo de Chris Williams, qui se sert d'un dispositif électronique pour prolonger ou répéter des fragments de son jeu à la trompette, ou pour diffuser des enregistrements qui me semblent être des discours militants où je reconnais les mots « black », « freedom », etc. et Trae Crudup, qui renouvelle sans cesse la pulsation et le groove aux drums. J'écoute leur musique, et j'ai l'impression combinée de recevoir un message tellement immédiat, qui appartient tellement au présent, qu'il est presque dans le futur, et de me faire passer une tradition immémoriale, des centaines d'années de traditions et de luttes qui chantent, qui bercent et qui crient.

Dimanche 28 juillet
Café Milk & Pull

Je suis arrivé à un moment important du Proust que je suis en train de lire. Un rare moment où, en quelques pages, l'auteur met en relation plusieurs éléments qui semblaient distincts dans le roman. Dans la cour arrière du Milk & Pull, près d'où j'habite, je suis plongé de nouveau plongé dans l'aristocratie française du siècle dernier. L'amoureuse de la fille du compositeur Vinteuil, grâce à qui la musique de celui-ci a pu être déchiffrée et se rendre jusqu'au narrateur, ému au point de repenser toute sa vie à la lumière de ce que lui inspire le septuor de Vinteuil, serait peut-être liée à Albertine, grand amour presqu'entièrement fait de jalousie du narrateur. Tout ça est splendidement imagé, surtout les descriptions de la musique, des métaphores incomparables mise en rapport avec des réflexions philosophiques sur le semblable, le différent, la voix caractéristique d'un grand artiste – en parlant de Vinteuil, Proust parle de lui-même évidemment, qui ne ferait pas de même? — qui ressort quand il pense créer du contraste (dans la même ligne que Différence et répétition de Deleuze, ça me jette à terre) et sur le vice qui sous-tendrait et s'emmêlerait inextricablement à chaque manifestation de beauté ou de grandeur. Proust!

28 juillet @ Wee Space, East Village Manhattan
série Tiny Slices 
Rute Ventura (court-métrage)
Adonis alias Mercury Symbol (poésie, trame sonore préenregistrée)
Philippe Petit [Willa Glickman (voix, clavier, basse électrique, guitare), Richard Wei Semus (voix, guitare, basse électrique)]
Lyle Rivera (guitare)
5 minute stories


Un autre concert d'appartement. Décidément. J'en parle avec des ami·es que je rencontre là par hasard. Oui, à la joie sincère qu'on a de se retrouver, sans s'être donné rendez-vous, comme ça ici par intérêts communs, je crois que c'est de l'amitié. Sabrina, Hans, Webb, Lyle, Gian, on est content de se voir à l'appartement de David surnommé Wee Space. Est-ce que la tendance est aux concerts d'appartements? Est-ce que c'est rendu compliqué de réserver des lieux plus officiels? Je ne peux m'empêcher de penser aux derniers jours et au formulaire que je me suis tapé de mon côté pour Québec. À New York toutefois, la scène grouille sur toutes les tribunes, et s'il est parfois moins évident d'être spontané sur les scènes officielles, celles-ci continuent à faire du bon travail de diffusion, en complémentarité aux efforts alternatifs.

La soirée se termine par un moment d'échange où chaque personne qui souhaite participer raconte en cinq minutes une histoire qui lui est arrivée. J'adore ce moment où des voix si diverses relatent des expériences parfois drôles, parfois intimes.

Notre hôte me fait promettre de l'avertir lors de mon prochain passage à NYC, pour jouer dans la série de concerts qu'il organise à son appartement. Il pourrait même m'héberger quelques jours. Noté.

Lundi 29 juillet
Café Natural Blend

Le concert auquel je voulais assister ce soir est annulé, alors j'en profite pour donner rendez-vous à mes amis Tin et Jeffrey. Comme c'est la troisième fois en un an qu'on se donne rendez-vous au restaurant japonais Izakaya Mew, je déclare qu'il s'agit de notre tradition.

En attendant, je passe du temps à écrire ceci au café Natural Blend pas loin de l'appartement, où je reviens car il pleut quelques minutes.

Vue de l'appartement. J'ai pris le temps, hier ou avant-hier, de jaser un peu plus avec mon hôte-coloc. On ne se croise pas souvent. Je découvre que les quelques cadres incroyablement génériques qui ornent ses murs et me semblaient tout droit sortis du rack à deals du IKEA sont en fait des photos qu'il a prises lui-même lors de séjours marquants un peu partout en Chine et au Myanmar. Alors qu'il me parle de ses expériences, je sens sa passion profonde pour ces cultures et leurs traditions. 

La fin de mon séjour approche.

La température est absolument parfaite chaque jour depuis le début, 30°C accoté, pas plus pas moins, soleil radieux.

Demain, ma tradition du mardi : aller nager à la piscine du YMCA, puis assister à la longue soirée de concerts au Downtown Music Gallery.

Mercredi : la chance de voir la première journée de résidence de Matana Roberts à The Stone où elle passera le restant de la semaine (j'en profiterai au passage pour aller reporter le violoncelle qu'on m'a prêté)

Jeudi 1er août : départ en covoiturage. Arrivée à Montréal prévue vers 17 h ou 18 h.
Vendredi 2 août : bus vers Québec à 11 h, concert de l'orchestre à aller voir en soirée

3 août : pause? 4 août : répétition du GIC,LE et répétition en duo avec Rox
5 août : concert avec Rox à Montréal
6 août : tant qu'à être à Montréal, on va voir le concert des collègues le lendemain
7 août : retour à Québec et pause pendant quelques jours, il le faudra bien.

Est-ce que je pourrais être heureux à New York?

Peut-être que la question de l'avenir n'est pas si importante quand on a le présent à vivre. Je suis heureux à New York.





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