dimanche 21 juillet 2024

studio du Québec à NYC : épilogue 5, jours 351-352-353-354 sur 151

De retour à NYC comme une planète autour du soleil.
 Un an.
 Héliocentrisme.
  Centre du monde.
   Promesse à moi-même.
     Hasard.
        Décision.
             Ajustement d'orbitale.
                     Cette fois, du 18 juillet au 1er août 2024, deux semaines, marquant exactement un an depuis ma première visite. J'étais arrivé le 2 août 2023. La symbolique.
                                  Temps d'arrêt.
                                                       Saison des bilans.
                                                                                         Improviser.
                                                                                                                                                Et de ce bref espace retranche le long espoir. Au moment où nous parlons, le temps jaloux a fui : cueille le jour, en te fiant le moins possible au lendemain.

Dans toutes mes pérégrinations de 2023, l'abonnement au Community Center at Stuyvesant High School, sa classe de yoga avec la madame comme cérémonie d'accueil initial, respirer profondément la ville, les premiers contacts sympathiques — « on me reconnaît » —, sa piscine comme objectif et prétexte à tant de fins d'après-midi, débuts de soirée, bien qu'en filigrane à tout le reste, à l'art, au principal, est devenu un point d'ancrage profondément lié à mon expérience new-yorkaise.

Je m'étais dit que ça serait drôle de revenir à NYC pour honorer la fin de cet abonnement que j'avais dû prendre annuel. Ça serait drôle de revenir à la piscine de Stuyvesant High School, à deux pas du One World Trade Center, du loft miteux où Yoko Ono organisait ses happenings dans les années 1950-1960, de marcher une partie du quartier Tribeca, de voir l'énorme Whole Foods caché au pied de mille gratte-ciels de verre, de passer le Zucker's Bagels où j'avais été avec Julie, Élise et Dorothée, de prendre un moment sur le bord de l'eau à Battery Park City Esplanade, d'entrer et laisser ma carte d'abonné aux employé·es à l'accueil une dernière fois. Ça serait drôle, ou je m'en fais la promesse.

Les jours de 2024 ont passé. En particulier 17 concerts entre février et début juillet, dont 6 où j'étais l'organisateur principal, 2 qui avaient lieu à Rimouski, 6 à Montréal, un projet avec une drummeuse, un projet avec une artiste qui se pend par les cheveux; en particulier 2 demandes de subvention qui ont occupé mon esprit et provoqué tous les ups and downs possibles, surtout les downs, jusqu'à la fin juin, que je sois en train de travailler dessus intentionnellement ou non; en particulier les toasts dorées, la vaisselle, le lavage, le cours de ballet du lundi, de yoga du jeudi, la visite hebdomadaire au bunker du musée pour mon projet secret avec un violoncelle historique, la pratique du GIC,LE chaque pleine lune chaque nouvelle lune que je manque souvent, l'épicerie, le ménage.

Les jours de 2024 ont passé et je ne prenais pas de décision par rapport à un retour possible à NYC. Posture privilégiée s'il en est une. J'avais bien pris soin de ne rien me booker pour les deux dernières de juillet. Puis un matin, 8 juillet, une story instagram d'un·e ami·e qui sous-loue sa chambre quelques semaines à Brooklyn, on jase, on check ça, je tergiverse car iel a deux chats et je suis allergique, je tergiverse et pendant ce temps iel se rappelle d'un ami pas loin qui sous-loue parfois sa spare room, iel nous met en contact, le contact établi le 11 juillet est super bon, on parle des conditions, il me charge 700$ USD pour deux semaines je suis mort de rire, et ma décision est prise, go NYC; je tergiverse sur le moyen de transport, car il n'y a pas de train, l'avion est cher, je pourrais quand même, je trouve un violoncelle qu'une amie me prêtera — on va voir dans pas long que ce n'est pas tout à fait ça, mais que je trouve un plan B, un plan C — je tergiverse pour le transport avec des contacts bizarres de gens bizarres sur le groupe facebook de covoiturage Montréal-New York, et finalement la chance me sourit sur amigoexpress. Mon passeport 10 ans expirait en août 2024, par chance que je l'avais renouvelé, arrivé par la poste le 11 juillet.

Ma carte pour la piscine, expiration le 4 août 2024. Le plus drôle dans tout ça, c'est que j'avais oublié que des travaux prévus auraient lieu cet été à Stuyvesant High School, qui allait donc être fermée tout comme sa piscine « pour tenir compte d'un calendrier de construction agressif » — America!— pour les mois de juillet, août et septembre. On informe les détenteurs que nos abonnements « seront prolongés pour chaque jour de fermeture du centre communautaire. » Eh bien, il va falloir que je revienne. Avec un peu de chance, ça va niaiser et je n'aurai pas le choix de revenir pour décembre. Mais c'est les États-Unis.


Jeudi 18 juillet 2024

Première fois que je prends un amigoexpress Montréal-New York. Une excellente expérience de covoiturage tout seul avec une employée (de bureau) de l'Agence spaciale canadienne. On est parti un peu en retard vers 13 h, il n'y a pas eu plus de 10-15 min. d'attentes aux douanes, j'avais mes crudités et mon bagel du Tim Hortons métro Longueuil, on s'est stationné à un arrêt du métro PATH au New Jersey où on s'est séparé. Et j'étais chez mon hébergement dans Brooklyn en moins d'une heure, mieux que si j'avais pris l'avion. Mon transport m'aura coûté un crédit amigoexpress 5$ et 75$ dollars canadiens au chauffeur. Je suis arrivé à 21 h, mon coloc, absent jusqu'en fin de soirée, avait laissé une clé dans la lockbox dehors, j'ai pu me déposer en solo comme j'aime. J'ai déployé le divan-lit, le fameux FRIHETEN sectionnel IKEA, j'ai placé les draps, ouvert ma valise. J'ai été me chercher un végé burger au dépanneur-deli juste en face et fait connaissance brièvement avec mon coloc.


Vendredi 19 juillet 2024

Café Trash Island

J'habite dans un appartement sans café. Je n'ai pas encore demandé à mon coloc s'il était radicalement anti-café, ou simplement quelqu'un qui n'en boit pas. Et jusqu'à ce que je le lui demande, je n'ose pas rentrer de café à l'appartement, ce qui me cause un intéressant problème matinal. Pour ce premier matin, je me prends des pancakes au dépanneur-deli, que je mange sur le premier banc que je vois, celui de la buanderie. Tout ça, l'appartement, le dépanneur, la buanderie, se passe au coin de la rue Monroe et l'avenue Stuyvesant (décidément, ce mot imprononçable qui revient). J'apprécie être en minorité blanc dans ce quartier de Brooklyn surnommé Bedstuy, diminutif de Bedford-Stuyvesant. Je vais boire un café au Trash Island à quelques minutes de marche, où je fais la lecture du site nyc-noise.com comme si c'était la sainte bible. Ce l'est peut-être. En tout cas pour moi. Planification des prochains jours.


Puis Aliya Ultan, qui était supposé être à l'extérieur de la ville pour deux semaines et me prêter son violoncelle, m'annonce qu'elle a un changement de plan. Je ne suis pas surpris. Celle là! Il y a une inondation dans sa salle de bain, sa coloc n'est pas là donc elle doit rester, et tant qu'à rester elle a accepté plein d'opportunités de travail (dont un concert au prestigieux Lincoln Center), en tout cas elle doit rester en ville. Décidément, je ne sais pas comment elle continue de fonctionner, elle est toujours tellement désorganisée, et toujours en train de désorganiser les personnes qui partagent sa route. En tout cas, elle m'invite à passer ce jours là avec elle au luthier Finley + Gage en fin d'après-midi. C'est le fameux magasin de violoncelles et contrebasses que j'avais visité le 5 octobre 2023, et où je ne suis jamais retourné pour une session d'essai de violoncelles en bonne et due forme, car on n'a jamais répondu aux deux appels et trois emails de relance que j'avais envoyés en novembre et décembre 2023.

Entre temps, j'active le plan B que j'avais déjà en tête pour le violoncelle. Je m'en doutais. Je vais récupérer l'instrument mystère lundi. Puis je fais l'épicerie. Puis une sieste de 15 min. Puis rendez-vous au Finlay + Gage. Pas pareil quand on est avec une amie de la place. On essaye tous les violoncelles intéressants, on a beaucoup de plaisir ensemble et avec le vendeur. Notre préféré : un instrument de l'Angleterre du 19e siècle (oui, les années 1800), dont personne ne veut. Prix : 32 000$ US, c'est très peu pour ce marché. Puis je vais au sushi avec Aliya, je bois le meilleur bubble tea auquel j'ai jamais goûté. Red bean. Comme un arrière-goût de Nesquik en poudre. Retour à l'appartement avant d'aller à un premier concert pour ce séjour.

19 juillet @ rooftop, Starr Street, Bushwick Brooklyn
Exit Seraphim [Adonis aka Mercury Symbol (no-input mixing board), ??? (guitares électriques)]
Rat Porridge (électroniques)

Concert sur un toit. L'appartement de je ne sais pas qui. [Mise-à-jour : toit du bloc appartement où habite Smiling Beth, je la connais pas, je n'en sais pas plus!] Je m'étais ennuyé de devoir faire des recherches intensives pour trouver les noms des personnes que j'ai vues en concert. En réalité, j'étais là pour voir mon amie Kwami Winfield qui allait jouer sous le nom Soless Dialtone, mais tout a commencé tellement en retard, et le temps entre les deux premiers sets a été tellement long que je n'ai pas toffé. Dans le premier set, l'artiste Mercury Symbol joue de la console no-input en duo avec une guitariste électrique dont je ne trouve pas le nom et qui sort tour à tour sa 8 cordes de métaleux, sa Epiphone hollowbody rouge et, favorite du public, ou en tout cas de moi, sa guitare à double manche. Le tout poussé au maximum de volume que peut fournir le petit kit de son, c'est New York City après tout! Puis une pause interminable. Puis Rat Porridge commence un set surprenant : au départ très bruit, déconstruit, puis des extraits de pop, on n'est pas sûr, puis une espèce d'intégration vraiment originale.

Une belle marche de 45 minutes aller, 45 minutes retour, me permet à peine de saisir l'atmosphère de Bedstuy ou Bushwick, les deux quartiers de Brooklyn que je traverse. C'est dense, dense, Brooklyn, il me semble croiser des centaines de commerces et encore plus de personnes, voitures, vélos. Au travers, un foodtruck où je m'achète un burrito qui fera finalement deux repas complets.

Samedi 20 juillet 2024

Café Passionfruit

Cette fois, je me réveille et je vais lire au café Passionfruit à quelques minutes de l'appartement. Je suis encore sur La recherche du temps perdu, comme l'année passée à pareille date. Lentement mais sûrement. Je reviens à l'appartement, toasts dorées, mon coloc est parti à la plage. Je traverse en métro à Manhattan et improvise un arrêt lecture au Joe Coffee, ce café que j'aimais beaucoup sur Waverly, puis je vais retirer des dollars américains au même guichet que j'ai toujours utilisé, puis je vais continuer à lire et faire du people watching au fameux Washington Square Park. Je monte ensuite vers Union Square où je trouve à souper pas cher au Whole Foods et sa cafétéria avec vue sur le square.

20 juillet @ The Stone at the New School, West Village Manhattan
sinonó [Isabel Crespo Pardo (voix), Henry Fraser (contrebasse), Lester St. Louis (violoncelle)]

Excellent trio, excellent concert. Je les avais vus le 20 août 2023, il y a près d'un an. Je me rappelle très bien cette soirée. J'avais trouvé que le trio acoustique était amplifié beaucoup trop fort pour le petit espace du magasin de disques P.I.T., mais la musique était bonne. Je n'étais pas encore habitué aux niveaux de décibels new-yorkais. Et c'est la première fois que je voyais Lester St. Louis, je me rappelle qu'on s'était compris tout de suite, dès les premiers mots échangés, comme des collègues de longue date. À la fin de ce concert, il m'offre de me prêter son violoncelle si mon plan B ne fonctionne pas. Wow.

Dimanche 21 juillet 2024

Café Botani

Ce matin, je commence par les toasts dorées à l'appartement avant de me rendre au café Botani à quelques minutes de là. Je commence à avoir envie de nager, c'est quand même toujours un peu compliqué ici les histoires d'abonnements, pas moyen de juste y aller, payer 5$, nager 30 minutes, il faut tout un forfait. Je vais trouver. Je passe donc plusieurs heures au café. J'écris ceci, la journée est magnifique dehors, je vais aller lire quelque part tantôt. À suivre. J'improvise. Puis au retour, un concert tout près de mon appartement.

21 juillet @ LunÀtico
Tony Malabi Quartet [Tim Berne (sax alto), Brandon Lopez (contrebasse), Tony Malabi (sax ténor, sax soprano), Tom Rainey (drums)