vendredi 2 août 2024

studio du Québec à NYC : épilogue 8, jours 363-364-365-366 sur 151

Mardi 30 juillet
Café Rita & Maria

J'aime les traditions. À bien y penser, je déteste les traditions. Je vis mes paradoxes légers. La piscine du YMCA où je vais est ouverte seulement les mardis et jeudis, pour quelques heures. Et comme elle est située à distance de marche — en langage new-yorkais, à distance de marche c'est tout ce qui est accessible en moins de 30-45 min. à pied — du Downtown Music Gallery, y aller le mardi soit à 15 h ou à 16 h me fait un bon plan d'après-midi (piscine du YMCA, arrêt au café Plantshed optionnel) et soirée (concert à DMG) à tout coup. C'est ma tradition que j'honore une dernière fois pour ce séjour, après avoir passé la matinée à gosser de l'admin au Rita & Maria, mon café préféré de Bedstuy, et après avoir été virer dans East Harlem, à la limite nord de Central Park, pour rendre à son propriétaire le violoncelle qui m'avait été prêté.

30 juillet @ Downtown Music Gallery, Chinatown Manhattan
trio [Daniel Carter (saxophones), ?? (sax soprano), ?? (sax ténor)]
trio [Shinya Lin (électroniques), Kevin Murray (batterie), Nathan Nakadegawa-Lee (clarinette, sax ténor)]
trio [?? (clarinette, composition), ?? (guitare électrique), ?? (batterie)]

L'information est disparue des internets! Eh bien. J'étais là pour le trio central, et il n'a pas déçu. Alors que ce séjour me permet d'entendre Nathan Nakadegawa-Lee pour une deuxième fois, j'avais vraiment hâte de réentendre Shinya Lin, véritable virtuose des électroniques, qu'il contrôle avec des gestes saccadés qui ne sont pas sans évoquer, pour qui met son nez dans la vie privée des gens, sa carrière parallèle de champion du jeu d'arcade Sound Vortex, à la précision rythmique hallucinante. Shinya est aussi pianiste et improvisateur hors-pair. On s'est dit qu'on joueraient ensemble la prochaine fois que je reviens.

Mercredi 31 juillet

La veille de mon départ, je suis déjà dans la valise en train de cocher ma liste de bagages. Il y en a des plus spontanés. Puis je me fais une marche de reconnaissance dans mon ancien quartier Soho. Je passe devant le Target sur Broadway où j'ai fait l'épicerie plus fois que je ne voudrais l'admettre, devant le COS où j'avais connu un gars une fois, devant le Doc Martens où j'avais bien fait de ne pas acheter les bottes qui me faisaient tant rêver de la collection en collaboration avec Marc Jacobs, devant le Chanel (fermé jusqu'à l'automne 2025), devant mon ancien appartement au 111 Wooster, devant le What Goes Around Comes Around (en véritable incarnation, projection dans la réalité, du nom du magasin) où je regrette légèrement de ne pas avoir acheté les petites mitaines Louis Vuitton à 500$, devant la galerie Soho Project Space où je ne m'arrête pas voir les créations du sympathique propriétaire Court Watson, devant la galerie Earth Room où je ne m'arrête pas pour admirer cette pièce fantomatique remplie de terre humide dans ce quartier aux loyers les plus chers du monde, devant la boutique de robes de mariées à côté du Starbucks sur West Broadway (ne pas confondre la rue West Broadway avec la rue Broadway, par laquelle commence ce survol balzacien de mon passage à Soho) où je n'irai jamais, devant la Citi Bank où j'arrête me retirer un dernier 40$ américains, devant le magasin de disques Generation Records où je constate que le gros coffret « Super Deluxe » (8 disques vinyles) 30e anniversaire de Nevermind de Nirvana n'a toujours pas été vendu, devant le café Irving Farm malheureusement fermé pour la journée, puis devant le Washington Square Park où je prends place sur mon banc habituel. Mes traditions.

Je passe une heure à répondre à un courriel d'organisation, dans lequel je répète principalement des informations que j'avais déjà données. Bullying administratif quand tu me tiens.

Puis une petite marche et un dernier concert à The Stone.

31 juillet @ The Stone at the New School, West Village Manhattan
trio [Adi Myerson (contrebasse), Rahul Nair (batterie), Matana Roberts (sax soprano)]

Cette semaine, c'est Matana Roberts qui est en résidence à The Stone et qui se produira donc avec les invité·es de son choix pendant 4 jours. Je me rappelle de Matana Roberts à Montréal il y a plusieurs années, de son projet d'ensemble Coin Coin. Je consulte mon propre site web pour me rendre compte avec bonheur qu'on a même déjà joué ensemble une fois, le mercredi 3 mars 2010 à la Casa Obscura en compagnie de Michel F Côté (percussion), Lori Freedman (clarinettes) et Jacques Gravel (trombone). Pour être bien honnête, je n'ai aucun souvenir de ce concert. Mais je reconnais le langage de Matana Roberts au saxophone aussitôt qu'elle se met à jouer : des phrases piquantes, acidulées, bien découpées entre lesquelles coulent des mélopées plus abstraites, aux courbes légères comme des foulards, mais franches comme un sentier bien tapé. Dans l'univers si peu stylisé des musicien·nes improvisateur·ices, j'adore voir la casquette couverte de mille carrés miroitants de Matana Roberts, comme une boule disco dans laquelle se décomposent la lumière beige, jaune et mauve des LEDs qu'elle demande d'ailleurs aussitôt de faire baisser. De sa casquette sort un amas de tresses indomptées, boucles d'oreilles géantes et piercings de toutes sortes. Son attitude est géniale, elle parle parfois au lieu de laisser l'improvisation se terminer : « J'en reviens toujours pas d'avoir oublié ton nom de famille tantôt » [traduction libre], dit-elle à Rahul Nair assis à la batterie. On jase un peu après le concert, elle me reconnaît, peut-être, on pourrait se croiser lundi prochain à Montréal, car elle pense y être, peut-être.

Jeudi 1 août

Jour 365, voilà! Un an jour pour jour. J'ai un petit doute sur mon calcul par contre, car j'étais bel et bien arrivé à NYC le 2 août 2023. Et puis 2024 est bissextile, je l'ai d'ailleurs souligné en création.

Je commence la journée avec des adons qui plairont aux plus ADHD d'entre-nous. Pour mon dernier déjeuner à l'appartement dans Bedstuy, j'utilise en effet le dernier sachet de café instantané de la boîte que je m'étais achetée, je mange le dernier œuf de la douzaine d'œufs qu'il me restait et je cuis les deux dernières tranches de pain du sac. Très satisfaisant. Je fais mes adieux, mes au revoirs plutôt, à mon coloc Erik.

Le départ se passe bien. Je manque faire une insolation alors qu'il faut attendre la troisième passagère du covoiturage, dans une rue en plein cœur de Midtown Manhattan où le soleil plombe de tous les côtés, réfléchi par les édifices de verre, amplifié par l'asphalte omniprésente, omnipotente, à une heure du jour où aucune ombre, aucun vent ne vient calmer son action. Je prends des grandes respirations et avales des petites gorgées d'eau en silence pendant la première heure du trajet. Puis je travaille sur un montage vidéo. Je jase peu avec les autres passages, forts sympathiques toutefois. Bouchon d'une heure et plus aux douanes, mais personnes n'est fru dans mon lift. Très bien comme ça. Ça change tout. Je pense à toutes les fois où j'ai attendu la bus avec impatience au cours des derniers jours sur le chemin du retour à l'appart, et où constater que personne ne s'énervait m'a inspiré un bien plus agréable flegme de fin de soirée.

Vendredi 2 août

J'écris tout ceci dans un autobus Orléans Express Montréal-Québec : pire wifi de l'histoire, pire tablette de travail, qui a designé ça? Elle fait à peine la moitié de la taille de mon laptop (qui n'est pas si large) et n'a aucun tonus, elle ploie et rejette tout ce qu'on pose dessus. J'écris dans cet autobus bondé avec mon sac à dos sur les genoux, le laptop par dessus, le bras gauche en voie de se cryogéniser par la lame glaciale d'air artificiel poussé sur la fenêtre, le bras droit constamment effleuré par mon voisin qui n'a aucune notion de « ma moitié, ta moité ». Dire qu'il y a du monde qui payent pour voyager avec Orléans Express. Un jour, la compétition viendra. Pour ma part, j'endure cette fois parce que j'ai obtenu un remboursement suite à une autre aventure, dont on me donnera peut-être la permission de parler un jour.

Je séjournais à NYC peut-être pour faire un bilan, marquer l'année, mais finalement j'ai plutôt rempli mon cœur d'amitiés bien cimentées par le temps qui a passé depuis ma première visite. Ça m'a pris par surprise, ces amitiés véritables.

J'envisageais me tourner vers le passé et ressasser des affaires à NYC, mais la plupart de mon temps de travail a été porté vers le futur, en particulier les concerts de la deuxième moitié de 2024. Je n'ai touché à aucune demande de subvention, mais je sais qu'il y en a deux qui s'en viennent. Est-ce que ça vaut la peine?

J'ai vu 12 concerts en 13 jours

J'ai vu 12 concerts en 13 jours et ça, ça c'est une vie que je veux vivre. D'autant plus que je n'ai absolument rien eu à faire pour que les concerts s'offrent à moi, sauf peut-être la fois où j'ai joué moi-même. J'ai visité des nouveaux lieux : un toit, le resto-bar LunÀtico, l'appartement à Nathan et l'appartement de please y.s. J'ai revu des lieux que je commence à bien connaître : The Stone (x 2), Sisters, Downtown Music Gallery (x 2), l'appartement à Selendis, l'appartement de Prospect Series, l'appartement surnommé Wee Space.

J'ai vu jouer des musicien·nes que j'aime tellement : Lester St.Louis (violoncelle), Brandon Lopez (contrebasse), Kwami Winfield (cornet, électroniques), Selendis Sebastian Alexander Johnson (trombone), Anna Abondolo (contrebasse, guitare, voix), le trio sinonó [Isabel Crespo Pardo (voix), Henry Fraser (contrebasse), Lester St. Louis (violoncelle)], Gian Perez (guitare électrique), James Paul Nadien (batterie), Shinya Lin (électroniques). Et mon highlight cette fois : Chris Williams (trompette, électroniques) en duo avec Trae Crudup (batterie).

J'ai revu : le duo AM/FM avec la tout autant légendaire que sympathique gabby fluke-mogul (violon amplifié) et sa complice Ava Mendoza (guitare électrique); Michael Gilbert (contrebasse solo) qui il est toujours aussi intense et aussi bon; Tom Rainey (batterie) qui jouait mieux que je ne l'avais jamais vu jouer il me semble; Zosha Warpeha (hardanger d’amore) que j'ai reconnue par son instrument; Daniel Carter (saxophones) le légendaire; Kevin Murray (batterie) l'hyperactif; Matana Roberts (sax) la charismatique.

J'ai revu des musicien·nes jouer de façon inattendue pour moi : Adonis aka Mercury Symbol (électroniques, no-input console) a livré son excellente poésie un soir; Madison Greenstone (clarinettes) a joué de la clarinette contrebasse doucement, alors que je l'avais vue plutôt fortissimo à la petite clarinette; Sean Ali (basse acoustique, harmonica basse, objets) qui jouait cette fois assis par terre au lieu de debout derrière sa contrebasse; Lyle Rivera (guitare) que j'ai enfin vu jouer pour la première fois, après l'avoir croisé tant de fois comme bénévole à la porte du P.I.T., où je ne suis même pas passé cette fois.

J'ai vu Rat Porridge (électroniques), que j'ai déjà vu mais dont je ne me rappelais plus de la face ou de la musique.
J'ai vu jouer Alex Zhang Hungtai (électroniques) pour la première fois. J'avais écouté un de ses albums, paru sur l'étiquette d'un ami. Son solo de laptop est un de mes coups de cœur du voyage. 
J'ai vu des ami·es qui ne jouaient pas cette fois, mais qui écoutaient comme moi : Hans Young Binter (clavier), Sabrina Salamone (violon), David Grollman (virtuose de la balloune, objets), Aliya Ultan (violoncelle), Webb Crawford (guitares). Je me suis fait un ami à force de se croiser aux concerts : Anton Lambert (contrebasse solo, électroniques). J'ai connu brièvement Ethan Cohn (contrebasse), qui m'a prêté le violoncelle au chevalet croche.

J'ai entendu des musicien·nes pour la première fois : Nathan Nakadegawa-Lee (sax ténor, clarinette), le duo Exit Seraphim; des saxophonistes que j'oublie déjà : Tim Berne, Tony Malabi, Nathaniel Morgan ; le Janel Leppin's Ensemble Volcanic Ash [Larry Ferguson (batterie), Sarah Hughes (sax alto), Janel Leppin (violoncelle), Anthony Pirog (guitare électrique), Luke Stewart (contrebasse)]; des guitaristes : Ty Citerman, Anders Nilsson, James Wengrow; percussionnistes : Willy Rodriguez, Flin van Hemmen, Rahul Nair; des contrebassistes : Adi Myerson, Kenneth Jimenez; des inclassables : Kendraplex (clavier, voix, électroniques), Jonah Rosenberg (électroniques), Laura Ortman (violon amplifié, effets), Rute Ventura (court-métrage) et le duo Philippe Petit ou Phylyppe Petyt [Willa Glickman (voix, clavier, basse électrique, guitare), Richard Wei Semus (voix, guitare, basse électrique)].

Le compte est bon?

12 concerts en 13 jours
- 7 concerts à Brooklyn vs 5 concerts à Manhattan
- 6 concerts dans des appartements, 2 concerts dans une salle de concert (The Stone), 2 concerts dans un magasin de disques (DMG), 2 concerts dans des resto-bars (Sisters, LunÁtico)

60 musicien·nes! en fait 57, car il y en a 3 que j'ai vus deux fois. Aussi 6 dont je n'ai pas les noms
14 solos, 8 duos, 7 trios, 1 quartet, 1 quintette = 60, check.
2 x Brandon Lopez (contrebasse)
2 x Nathan Nakadegawa-Lee (sax ténor)
2 x Adonis aka Mercury Symbol (no-input mixing board) x 2
Anna Abondolo (guitare, voix)
Sean Ali (basse acoustique, harmonica basse, objets)
Rémy Bélanger de Beauport (violoncelle solo)
Tim Berne (sax alto)
Daniel Carter (saxophones)
Ty Citerman (guitare électrique)
Isabel Crespo Pardo (voix)
Trae Crudup (batterie)
Larry Ferguson (batterie)
gabby fluke-mogul (violon amplifié)
Henry Fraser (contrebasse)
Michael Gilbert (contrebasse solo)
Willa Glickman (voix, clavier, basse électrique, guitare)
Madison Greenstone (clarinette contrebasse)
Flin van Hemmen (percussions, voix)
Sarah Hughes (sax alto)
Kenneth Jimenez (contrebasse)
Selendis Sebastian Alexander Johnson (trombone solo)
Kendraplex (clavier, voix, électroniques)
Anton Lambert (contrebasse solo)
Janel Leppin (violoncelle)
Shinya Lin (électroniques)
Tony Malabi (sax ténor, sax soprano)
Ava Mendoza (guitare électrique)
Nathaniel Morgan (sax)
Kevin Murray (batterie)
Adi Myerson (contrebasse)
James Paul Nadien (batterie)
Rahul Nair (batterie)
Anders Nilsson (guitare électrique)
Laura Ortman (violon amplifié, effets)
Gian Perez (guitare électrique)
Anthony Pirog (guitare électrique)
Rat Porridge (électroniques)
Tom Rainey (drums)
Lyle Rivera (guitare)
Matana Roberts (sax soprano)
Willy Rodriguez (batterie)
Jonah Rosenberg (électroniques)
Lester St. Louis (violoncelle)
Luke Stewart (contrebasse)
Rute Ventura (court-métrage)
Zosha Warpeha (hardanger d’amore)
Richard Wei Semus (voix, guitare, basse électrique)
James Wengrow (guitare électrique)
Chris Williams (trompette, effets)
Kwami Winfield (cornet en plastique solo)
Alex Zhang Hungtai (électroniques)
?? (guitares électriques)
?? (sax soprano)
?? (sax ténor)
?? (clarinette, composition)
?? (guitare électrique)
?? (batterie)